On peut toujours imaginer que les choses se passent ainsi, monsieur Bernalicis, mais je ne crois pas un seul instant que les préfets de la République puissent avoir un tel comportement. En outre, je l'ai déjà dit : tout ce qui porte atteinte à la probité, comme les faits de délinquance financière, devra être signalé au niveau zonal.
Les préfets de département n'agiraient vraiment pas en bons républicains en divulguant les informations protégées par le secret de l'instruction. D'ailleurs, c'est le seul moment où nous nous y intéressons : alors que tout le monde sait qu'il est extrêmement bien gardé dans notre pays, on s'imagine encore que le préfet pourrait être le seul à le violer… Bref, mettons cela de côté. J'ai bien compris la discussion ; sans aucun doute, c'est le niveau zonal qui primera – tel est l'objet de l'amendement que vous avez adopté tout à l'heure.
Je reviens au directeur départemental des finances publiques. Ce n'est pas lui qui commande les contrôles fiscaux. Bien entendu, un chef du service du contrôle fiscal est placé sous son autorité. Et si les dossiers s'accumulent, le directeur peut mettre à la disposition de ce dernier quelques employés, ce qui ne va pas sans poser de problèmes en termes de ressources humaines, de congés, de secrétariat, de gommes, de crayons… Bref, le directeur départemental ne fait que conduire une politique conforme à celle du ministère des comptes publics et respecter l'indépendance d'esprit et de pratique des contrôleurs fiscaux, dont chacun sait qu'elle est extrêmement forte.
En ce qui concerne les affaires relevant de mon ministère, les directeurs départementaux de la police nationale sont là pour empêcher leurs équipes de travailler en silo. Très nombreux sont les élus qui, au début de leur mandat, ne comprennent pas tout de suite que le directeur départemental de la sécurité publique n'est pas le patron de la police aux frontières (PAF), ni celui des renseignements territoriaux, ni celui des CRS et qu'il ne peut en aucun cas communiquer avec la police judiciaire. En règle générale, on lui demande : « Tout cela est bien sympathique, mais de quoi vous occupez-vous, au juste ? » Ce à quoi il ne peut que répondre : « Je m'occupe de la sécurité publique ; si c'est la police aux frontières que vous cherchez, référez-vous au directeur départemental de la PAF. »
Pour que chacun comprenne, permettez-moi de reprendre un exemple que j'ai déjà utilisé. Lorsqu'on accueille le Président de la République ou la Première ministre sur le tarmac d'un aéroport, voici ce que l'on voit toujours : la casquette du préfet, celle du gendarme et celles de quatre policiers, car ces derniers travaillent encore en silo. Ils relèvent pourtant du même ministère, ils passent les mêmes concours, ils sont placés sous l'autorité du même patron et de la même hiérarchie, ils perçoivent les mêmes primes, ils ont les mêmes syndicats et, in fine, ils sont les destinataires du même texte – celui que nous discutons ici. C'est pourquoi notre objectif est de permettre qu'ils travaillent de façon pyramidale, et non plus en silo.
Cela signifie-t-il pour autant que la police judiciaire va répondre aux ordres du préfet ? Le préfet ou le directeur départemental de la police nationale pourront-ils tout à coup diligenter telle ou telle enquête ? Bien sûr que non, ce n'est pas du tout comme cela que les choses vont se passer ! Les services de police, c'est moi qui les embauche, mais ce sont bien les procureurs de la République qui conduisent la politique pénale et qui décident d'ouvrir ou de classer sans suite les enquêtes. Ce n'est en aucun cas le préfet ou le directeur départemental !
En revanche, cela permettra d'éviter un autre problème, auquel j'ai encore eu à me confronter il y a tout juste quarante-huit heures, monsieur Bernalicis. Il y a quarante-huit heures, une équipe de police judiciaire devait procéder à une importante interpellation d'une vingtaine de personnes, ce qui supposait qu'elle soit opérationnelle sur les lieux dès potron-minet pour mener à bien des perquisitions. Plusieurs policiers ont dû être mobilisés, d'autant qu'il s'agissait d'interpeller plusieurs individus dangereux dans des départements différents. Le magistrat avait autorisé cette interpellation, laquelle n'a finalement pas pu se faire, faute d'avoir pu mobiliser en nombre suffisant les forces de la police judiciaire. En outre, il se trouve que le directeur départemental de la sécurité publique n'a pas répondu dans les temps – c'est le moins que l'on puisse dire – à la demande de la police judiciaire d'appeler sur le terrain les forces de la sécurité publique. Cela aurait sans nul doute permis de mener les perquisitions et d'arrêter les individus suspectés en vue de les déférer à l'autorité judiciaire.
Je peux aussi prendre l'exemple inverse. Il n'y a pas si longtemps, un préfet m'a signalé qu'il lui avait été impossible de surveiller un individu particulièrement dangereux inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR) et au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) simplement parce qu'une partie de la police judiciaire a répondu négativement à sa requête, prétendant ne pas avoir été saisie directement.