Poursuivons sur la santé, publique et privée, avec le groupe Korian, qui offre un très bon exemple des effets de l'intéressement. Depuis 2020, ce groupe applique un accord d'intéressement fondé sur le temps de présence, ce qui défavorise notamment les salariés à temps partiel, essentiellement des femmes. La fiche de paie y est ainsi désormais différente pour chaque salarié. Korian est, de cette manière, parvenu à rompre toute solidarité dans les négociations collectives pour obtenir des hausses de salaire – de fait, ceux-ci sont gelés depuis deux ans et demi. La substitution de l'intéressement au salaire est totale, comme c'est le cas, dès lors que l'intéressement accomplit son œuvre de division et de fragmentation des collectifs de travail existants.
Par ailleurs, l'intéressement pose problème à cause de ses modalités techniques. Vous l'avez dit et c'est l'un des objets de votre projet, l'intéressement implique de soupeser, d'analyser, de mesurer le travail des salariés et donc, soit de les observer tous, comme avec un panoptique, soit de les placer sous surveillance avec différents types de logiciels. Dans les deux cas, c'est une manière bien problématique de mesurer la performance individuelle de chacune et chacun !
Enfin, une fois que l'intéressement existe, il impose aux salariés de faire toujours plus d'efforts. Si l'intéressement est fondé sur les résultats de l'entreprise, c'est bien pour pousser les salariés à travailler plus, dans l'espoir de toucher un revenu supérieur. Finalement, vous avez inventé le travailler plus pour gagner peut-être plus.