La philosophie générale de ce projet de loi pose problème. Il a été présenté comme un texte d'urgence, une simple modification des règles de calcul pour lutter contre les difficultés de recrutement, mais s'est révélé une profonde remise en cause de notre système d'assurance chômage.
Au nom de l'urgence, vous vous êtes affranchis des règles du dialogue social pour des questions qui pourtant en relèvent pleinement. C'est un mauvais signal, alors que le Gouvernement avait placé l'écoute et la concertation au cœur du nouveau quinquennat, et alors que l'échec des négociations de 2019 l'avait déjà amené à conduire par décret une réforme de l'assurance chômage, contre l'avis de tous les partenaires sociaux. Il aurait fallu tirer les conséquences de cet échec, en particulier dans une période marquée par de fortes tensions sociales.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires avait proposé la prorogation, à l'identique, des règles en vigueur, le temps de mener de nouvelles et réelles négociations ; le temps, aussi, de dresser un bilan de la première réforme de l'assurance chômage. C'était un minimum. Nous regrettons que le Gouvernement persiste dans sa volonté de décider seul, par décret, des futures règles d'indemnisation. Nous légiférerons à l'aveugle, sans savoir exactement ce que contiendra le décret.
Au-delà de la méthode, la philosophie du texte est problématique sur le fond, encore plus après l'examen en commission mixte paritaire. Les dispositions initiales, comme celles intégrées par les sénateurs, reposent toutes sur un présupposé non vérifié : les demandeurs d'emploi ne travaillent pas parce qu'ils ne le veulent pas. C'est ce que sous-entend le fait de lier les règles d'indemnisation du chômage à la conjoncture économique. Ce présupposé est aussi à l'origine de la privation d'indemnisation des personnes refusant un CDI après un CDD ou une mission d'intérim.
Ne voyez pas de naïveté dans notre propos ; il y a des abus, c'est certain, mais renoncer à l'essence même du système assurantiel en raison de ces seuls abus est disproportionné. Ainsi, le droit au chômage ne reposera plus sur les seules cotisations des assurés, mais sur leurs futurs choix ou sur la conjoncture économique. C'est un vrai bouleversement, qui aurait mérité une étude d'impact et des débats plus approfondis.