…vers toujours plus de précarisation et de stigmatisation pour les chômeurs.
Lors de la réunion entre le Sénat et l'Assemblée, en à peine une heure – c'est dire à quel point les droites se retrouvent sur leur vision du travail –, plusieurs changements ont été actés, aggravant une réforme dont nous contestions déjà fortement la méthode, l'objectif et les moyens.
Sur le fond, une concession de taille a été faite à la droite : désormais, deux refus en un an d'un CDI après un CDD ou un contrat d'intérim sur le même poste, le même lieu et au moins la même rémunération, entraîneront la perte de l'indemnisation chômage. Cette mesure injuste n'est pas seulement difficilement applicable, elle est en décalage avec la réalité d'un bon nombre de Français et de Françaises, qui enchaînent les petits boulots en CDD, des jobs alimentaires, en attendant de trouver ou de retrouver un emploi adapté à leurs qualifications et à leurs envies.
Parce que, sous couvert d'efficacité du marché, vous sacrifiez le sens du travail sur l'autel du sacro-saint plein emploi, et vous faites le choix d'ignorer une société qui se transforme, d'ignorer des millions de Français et de Françaises qui veulent s'épanouir dans leur travail plutôt que de se tuer à la tâche.
Les sénateurs ont également souhaité conserver la mesure visant à assimiler un abandon de poste à une démission. Une collègue de la majorité nous disait le mois dernier : « Il n'est pas normal que celui qui abandonne un poste soit mieux protégé que celui qui a l'honnêteté de démissionner. » Mais pourquoi opposer les deux ? Ne comprenez-vous pas qu'il existe des cas où l'abandon de poste est nécessaire, lorsque les salariés n'ont plus le choix ?
En opposant les deux, vous jouez la carte de la caricature du salarié fainéant qui abandonne son poste, mais vous oubliez que le droit est déjà très clair en la matière. L'abandon de poste, c'est-à-dire l'absence « de manière prolongée ou répétée » du salarié, entraîne une procédure disciplinaire pouvant aboutir à plusieurs mesures : une sanction disciplinaire ; un licenciement « pour cause réelle et sérieuse », qui donne droit aux indemnités de licenciement ; un licenciement pour faute grave, sans indemnités de licenciement. Finalement, avec cette mesure, vous affaiblissez un peu plus les possibilités de négociation des salariés.
En fait, cette réforme participe à véhiculer les pires clichés sur les chômeurs. Je me permets donc de prendre un instant pour énoncer quelques vérités. Sept chômeurs indemnisés sur dix perçoivent une allocation pendant moins d'un an. Près de la moitié des bénéficiaires de l'allocation chômage travaillent en parallèle, même quelques heures par mois.
Concernant la générosité des allocations, qui n'inciterait pas les demandeurs d'emploi à reprendre un travail, c'est encore une tout autre histoire que les chiffres racontent. En moyenne, les personnes indemnisées perçoivent une allocation de 960 euros net par mois, soit un montant inférieur au seuil de pauvreté, sous lequel vivent 38 % des chômeurs. Cette précarité touche les femmes plus durement encore que les hommes.