…qui travaillait dans la restauration, a vu ses droits diminuer de 318 euros par mois. Pour Jean-Paul, qui était agent d'entretien dans les collectivités, c'est 401 euros, pour Sandra, qui était intérimaire dans le secteur du BTP – bâtiment et travaux publics –, 180 euros. Voilà la réalité de votre action !
Avec un tel trompe-l'œil mal exécuté, vous voudriez nous faire croire que votre réforme nous amènera le plein emploi ? En réalité, il s'agit surtout de faire des économies substantielles – de 6 à 8 milliards d'euros selon la CFE-CGC – sur le régime de l'Unedic sans faire baisser le taux de chômage. Vous ne cherchez finalement qu'à faire payer aux chômeurs le coût du mauvais fonctionnement du marché du travail plutôt qu'à les en protéger. Nous avons eu l'occasion de le dire, vous remettez en cause la notion même du régime de l'assurance chômage, c'est-à-dire un système de droits acquis et une protection collective – pour lesquels les individus cotisent, il ne faudrait pas l'oublier –, en préférant faire peser le risque sur chaque individu.
La force de votre trompe-l'œil réside dans sa vive coloration. Après votre période rose, la période bleue est désormais pleinement engagée. C'est en tout cas ce que vous avez cherché à démontrer durant nos débats à l'Assemblée nationale. La commission mixte paritaire illustre elle aussi l'alliance objective de votre majorité avec les héritiers du sarkozysme que vous combattiez pourtant en 2008, comme le rappelait tout à l'heure Benjamin Lucas.
En excluant de l'assurance chômage les titulaires d'un CDD ou d'un contrat d'intérim qui refusent un CDI à temps partiel et bien moins payé que leur ancien job, en faisant des abandons de poste la cause des tensions sur le marché du travail, vous avez repris les techniques picturales de la droite dure. Mais pour être maître en illusion, monsieur le ministre, un bon artiste doit d'abord s'appuyer sur une analyse exigeante du réel. Or vous avez oublié de lire les rapports de votre propre administration, quand ils existaient, et pour le reste vous avez cédé aux sirènes de la droite dont les affirmations ne reposaient sur rien d'autre que des rumeurs mal fondées, en aucun cas sur des études scientifiques. Dans la start-up nation, on ne connaît visiblement pas le harcèlement au travail, les burn-out et le refus des employeurs de conclure des ruptures conventionnelles.
Vous avez tant ignoré le réel que vous nous avez contraints à légiférer à l'aveugle. Qui peut penser sérieusement que l'on préfère rester sans emploi plutôt que de travailler alors que les freins à l'emploi sont bien connus ? Je vous renvoie, sur ce point, à ceux que pointe le rapport de la Dares : faible rémunération, difficultés de mobilité ou de garde d'enfants, formation insuffisante. Ils ont été mentionnés maintes et maintes fois.
Une autre assurance chômage était possible, par exemple un système universel permettant de réaffirmer la solidarité du pays pour revenir à un emploi de qualité justement rémunéré. Ce système, c'était le système paritaire que vous détruisez brique par brique.
Le tableau que vous présentez comme idyllique ne masque que grossièrement la reproduction des inégalités, la précarisation de nos concitoyennes et concitoyens, votre refus de la négociation sociale et la fin de soixante-quatre ans de paritarisme. Les personnes privées d'emploi, elles, continueront de se heurter au mur que vous avez érigé derrière le paravent de votre discours illusoire. Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera contre ce texte et saisira le Conseil constitutionnel.