Intervention de Nicolas Turquois

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois, rapporteur :

Certains parmi vous ont choisi un angle d'intervention très politique mais je vous rappelle qu'il s'agit d'abord de discuter d'une mission et d'un CAS précis, des retraites de nos fonctionnaires, de nos militaires, de nos invalides de guerre, et d'un certain nombre de régimes anciens. La question de l'accès aux droits et de leur compréhension doit être transpartisane.

En 2022, la subvention de l'État pour équilibrer le régime de la SNCF s'élevait à 3,3 milliards d'euros et, pour la RATP, à 753 millions. En 2023, elle sera respectivement de 3,5 milliards et 810 millions.

Je n'ai pas auditionné tous les représentants des nombreux régimes spéciaux, dont celui des mines, et je ne pourrai donc pas répondre précisément à M. Bazin. Néanmoins, des problèmes similaires existent pour des régimes comparables – je pense à l'ancien Régime social des indépendants – et l'enjeu est bien réel.

Il n'est pas question de capter les recettes de l'Agirc-Arrco. La réforme vise l'unicité du recouvrement, en l'occurrence par les seules Urssaf, comme c'est le cas pour les agriculteurs qui ont affaire à un seul opérateur, la Mutualité sociale agricole, pour cotiser ou bénéficier des prestations sociales, familiales ou de retraite. Pour autant, il faut que le dispositif soit sûr et ce n'est pas techniquement le cas, d'où l'amendement visant à reporter la réforme. Je vous invite à questionner le Gouvernement pour connaître les mesures qui seront prises pour favoriser une telle unicité.

S'agissant de l'accès aux droits, la plupart des erreurs concernent la réversion, dont la demande est en moyenne formulée à plus de 80 ans. Certaines personnes bénéficient d'une pension de réversion de conjoint dont elles sont séparées depuis les années 1960. Imaginez la difficulté de reconstitution, un certain nombre de régimes de retraite prévoyant en effet l'attribution de la pension de réversion au prorata des temps d'union ! Des erreurs s'expliquent donc par l'ancienneté des démarches, qui plus est effectuées sur un support papier.

La reconstitution de carrière, en particulier, du début de carrière peut être délicate : oublis, perte des fiches de salaires, employeurs disparus... J'invite chacun, avant la retraite, à se rendre à la rubrique Mon compte retraite sur info-retraite.fr : elle est alimentée par l'ensemble des caisses au sein du répertoire de gestion des carrières unique ; des symboles rouges signalent des manques éventuels.

Ce sont 24 % des pensionnés qui, par erreur, n'ont pas liquidé complètement leur retraite. Cela peut représenter jusqu'à 40 euros par mois, ce qui fait près de 500 euros par an et, compte tenu d'une espérance de vie de vingt ans à la retraite, 10 000 euros. Je m'interroge donc sur la quérabilité de la retraite. Si elle me semble logique pour la retraite principale, qu'en est-il vraiment pour des régimes dont le montant de la pension est beaucoup moins important ? Ils ne peuvent pas verser des pensions si la demande n'a pas été formulée ! Pour que les plus modestes puissent bénéficier du minimum contributif ou du dispositif prévu par la loi « Chassaigne » visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles, ils doivent avoir liquidé l'ensemble de leurs retraites. Même si cela a été corrigé, nous avons vu des anciens agriculteurs, élus sur leur territoire, qui avaient des droits au titre de l'Ircantec dont la non-liquidation les empêchait de percevoir le complément de retraite « Chassaigne ». Il en est de même pour d'anciens élus des chambres consulaires.

Les maisons France Services contribuent en effet à un certain équilibre entre dématérialisation et humanisation. Dans un village éloigné de tout, une permanence de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail, par exemple, serait inutile mais une visioconférence organisée par France Services pourrait permettre d'avoir un interlocuteur des différentes caisses. Des agents de maisons de France Services se sont même spécialisés sur ces questions-là. Sans doute la certification d'un certain niveau de compétence serait-elle précieuse.

Sur un plan politique plus général, beaucoup considèrent l'augmentation de l'âge de départ à la retraite comme une régression sociale. Je ne suis pas d'accord.

Outre que le système par points est plus lisible, nous sommes le seul parmi les principaux pays d'Europe à avoir un âge de départ aussi précoce. Une étude comparative des droits sociaux serait d'ailleurs utile. Une haute protection sociale doit être financée, ce qui implique de créer plus de richesses. À défaut, c'est l'existence même de notre système qui sera en jeu.

Notre système de retraite est en effet équilibré, mais sur une base très basse : la pension moyenne s'élève à 1 400 euros – 1 200 euros pour les femmes et 1 800 euros pour les hommes. J'ajoute que beaucoup de retraités perçoivent à peine un peu plus de 900 euros, parfois moins pour les agriculteurs.

Le COR prévoit un équilibre en 2070 ? Que dirait un banquier à un chef d'entreprise qui l'assure que son affaire sera rentable dans dix ans ?

En outre, le COR se fonde sur l'hypothèse de l'effort constant de l'État. Raisonnons par l'absurde : n'y eût-il plus qu'un seul fonctionnaire, l'effort de l'État devrait être constant ? Si l'on intègre les retraites des secteurs privé et public, le système n'est en revanche pas équilibré, et s'il l'est, c'est avec un niveau de pension très faible. Il me semble sensé de travailler plus pour augmenter le niveau des pensions les plus petites.

Les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres se réduisent d'un tiers au moment de la retraite grâce au régime de protection. Un renforcement est toutefois nécessaire, comme le Président de la République l'a dit, afin que le minimum de retraite correspondant à une carrière complète augmente de 200 euros.

Monsieur Delaporte, tout le monde peut faire des erreurs lorsque l'on se trouve sous le feu roulant des questions posées au Gouvernement. Le ministre a reconnu la sienne, ne revenons pas là-dessus. Je note par ailleurs que vous n'avez pas voté en faveur de l'augmentation des retraites, même si vous la jugez insuffisante au regard de l'inflation.

La question de la pénibilité doit être évidemment soulevée et traitée d'une manière objective, pas catégorielle : un conducteur de train ne peine pas autant qu'il y a cinquante ans. Il convient également de tenir compte des carrières longues mais, dans certaines professions, il est possible d'envisager sereinement un décalage de l'âge de départ à la retraite, ce qui contribuera à créer des richesses et à financer de meilleurs droits sociaux.

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