Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions regroupe les crédits des régimes de retraite et d'invalidité dont l'État a la charge – fonctionnaires civils, ouvriers d'État, militaires. Comme tout compte d'affectation spéciale, il est soumis à une obligation d'équilibre : son solde budgétaire cumulé correspond à la différence entre la somme des recettes et la somme des dépenses depuis la création du compte et il doit être toujours excédentaire.
Les crédits du CAS Pensions, fixés à 61,1 milliards d'euros en 2022, connaissent une importante hausse, pour s'établir à 64,3 milliards dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite n'augmenteront, quant à eux, que de 0,57 %, du fait essentiellement des effectifs.
Les programmes composant ces deux missions connaissent, hormis les effets compensés par la baisse du nombre de bénéficiaires, une forte hausse, imputable à la revalorisation anticipée des retraites à hauteur de 4 %.
Le CAS Pensions regroupe trois programmes : le programme 741 Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité, le programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l'État, et le programme 743 Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions qui recouvre la reconnaissance de la nation exprimée par la retraite du combattant, les traitements attachés à la Légion d'honneur, les pensions d'Alsace-Moselle pour les ministres de certains cultes, l'allocation de reconnaissance des anciens supplétifs – plus connus sous le nom de harkis – et les pensions de l'Office de radiodiffusion-télévision française, c'est-à-dire des systèmes plus anciens.
La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe, quant à elle, un grand nombre de régimes spéciaux de retraite, pour la plupart créés antérieurement à la sécurité sociale et caractérisés par un fort déséquilibre démographique. Celui-ci rendant impossible l'autofinancement, la compensation est assurée par les crédits de l'État au titre de la solidarité nationale. On retrouve dans cette mission le régime des agents de la SNCF, celui des agents de la RATP et d'autres régimes encore plus anciens, comme ceux des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer, et des anciens chemins de fer d'intérêt local. Le programme 195, enfin, concerne les retraités de la Seita, l'ancienne société des tabacs et allumettes.
Pour ce qui est de la partie thématique du rapport, j'ai choisi de traiter des questions liées aux démarches des particuliers préparant leur retraite, qui me semblent avoir du sens quelles que soient nos sensibilités politiques, dès lors qu'il s'agit de transparence, d'accès et d'information. Nos nouveaux collègues doivent le savoir, bien des gens pousseront la porte de leur permanence pour faire état des difficultés qu'ils éprouvent tant pour obtenir leur retraite que pour comprendre en quoi elle correspond à la carrière qu'ils ont eue.
La liquidation de la retraite est vécue par nombre de nos concitoyens comme une épreuve et perçue comme difficile à réaliser, en raison tant des interlocuteurs à contacter que des documents à fournir. Le résultat du calcul est généralement inférieur aux attentes, mais aussi très souvent incompris et suspecté d'être inexact. Cette perception est confortée par plusieurs études. La Cour des comptes estimait ainsi en mai 2022 qu'une pension sur sept liquidées en 2021 était entachée d'erreur. Selon un autre rapport, 24 % des assurés ne liquident pas toutes leurs retraites, ce qui se solde pour eux par un manque à gagner de 40 euros mensuels. Outre ces études, de nombreux témoignages de particuliers ou de professionnels de la retraite font état d'assurés ne disposant d'aucun revenu jusqu'à six mois après le départ en retraite, faute d'un calcul définitif de leurs droits par les caisses. Une fois la pension versée, l'incompréhension demeure quant aux éléments pris en compte et aux modalités de calcul ayant déterminé le montant de ladite pension.
Les causes de ces difficultés sont bien identifiées et documentées. On peut citer à cet égard la complexité de la reconstitution des carrières, notamment des débuts de carrière, et des carrières les plus hachées, la multiplicité des régimes et la difficile articulation de leurs règles, notamment en matière de droits liés aux enfants et, surtout, de réversion. Le principe de quérabilité des pensions, selon lequel une pension ne peut être obtenue qu'après en avoir formulé la demande, peut également empêcher de bénéficier de certains mécanismes de solidarité. Le dispositif « Chassaigne », qui devait revaloriser les retraites agricoles, a ainsi vu bloquer son application à cause de pensions non liquidées par les demandeurs. Vous serez également saisis de demandes de personnes à qui on demande de prouver qu'elles sont vivantes. Cette demande de preuve d'existence peut sembler drôle vue de l'extérieur, mais elle peut aussi être douloureuse pour des personnes âgées. Une autre cause est la difficulté d'échanger directement avec les caisses de retraite pour lever les problèmes d'illectronisme ou apaiser les tensions liées à l'incompréhension des démarches à effectuer et des calculs à réaliser.
Si toute démarche administrative est souvent source d'appréhension pour nos concitoyens, celles qui concernent la retraite ont des aspects amplificateurs de stress. De fait, ces démarches déterminent souvent l'intégralité des ressources financières du demandeur pour le reste de ses jours. Elles sont aussi une expérience unique : le plus souvent, la demande de retraite n'est faite qu'une fois – à moins d'avoir déjà accompagné un proche dans ses propres démarches – et il n'est donc pas possible de s'améliorer lors d'une demande ultérieure.
Les pouvoirs publics ont bien conscience des difficultés liées au départ en retraite et au manque d'information et de transparence qui entoure les démarches à effectuer. Le code de la sécurité sociale prévoit un droit à l'information, qui se traduit par l'envoi, au moins tous les cinq ans, à partir de l'âge de 35 ans, d'un relevé individuel de situation où doivent figurer notamment les différents régimes auxquels l'assuré a cotisé, la durée et les montants de ces cotisations. Il prévoit aussi, dès 45 ans, un entretien d'information sur la retraite et, à 55 ans, une estimation indicative globale.
Ce droit à l'information est rendu effectif par le groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite, qui regroupe l'essentiel des caisses de retraite de base et complémentaires et a développé un portail inter-régimes intitulé « Mon compte retraite », que je vous invite à consulter. Ce service assez simple d'accès mais que bon nombre de nos concitoyens ne connaissent pas encore, permet à l'assuré de visualiser son relevé de carrière, en particulier les périodes problématiques, d'estimer sa retraite et, désormais, de faire simultanément la demande de liquidation de celle-ci auprès de toutes les caisses dont il a relevé.
Le législateur a également permis, voilà quelques années, la liquidation unique des régimes alignés (Lura), qui concerne les salariés du régime général et du régime agricole, ainsi que certains indépendants. Les maisons France Services sont une autre initiative soutenue par les pouvoirs publics permettant de faciliter l'échange entre les assurés et leurs caisses. Elles méritent d'être développées.
Malgré des avancées indéniables, d'autres pistes pourraient faire gagner en transparence et compréhension les démarches liées à la retraite. L'application Mon compte retraite devrait fournir une explication de la règle de calcul de la liquidation. La création d'un statut de tiers déclarant permettrait de simplifier les démarches en ligne. Paradoxalement, en effet, les demandes de réversion concernant les personnes qui ont en moyenne 90 ans se font beaucoup plus souvent en ligne que celles qui émanent de personnes de 65 ou 70 ans, car elles sont effectuées par les enfants ou petits-enfants de l'assuré. En revanche, il est très difficile d'effectuer ces démarches pour le tuteur ou le curateur de personnes sous tutelle ou curatelle, car il n'existe pas de statut de tiers déclarant consolidé qui le lui permettrait, même si le travail en ce sens est en cours.
Nous devons également nous interroger sur l'opportunité, au-delà d'un certain âge, du principe de quérabilité, c'est-à-dire de l'obligation pour l'assuré de demander sa retraite. Je citerai à cet égard le cas d'un agriculteur de 85 ans qui n'était pas éligible à la loi « Chassaigne » parce qu'on avait détecté une pension non liquidée du régime général correspondant à un emploi qu'il avait eu au début de sa carrière. Cette personne a dû mobiliser des moyens intellectuels et administratifs importants pour pouvoir bénéficier de la revalorisation « Chassaigne », qui représentait une centaine d'euros.
Nous pourrions nous interroger également sur l'unification des règles de calcul de réversion, dont l'application est source de grandes difficultés, notamment lorsqu'il y a eu plusieurs conjoints, ainsi que sur l'intégration au GIP Union Retraite de certains régimes encore extérieurs et dont l'existence rend plus complexe encore la demande de retraite pour certains de nos concitoyens.