Les mésaventures budgétaires se succèdent dans cet hémicycle depuis quelques semaines ; la recherche du consensus affichée par le Gouvernement laisse place à la brutalité de la procédure, certes constitutionnelle, du 49.3.
Un chiffre devrait nous interpeller : cinq sur trente-quatre ; c'est le nombre de missions budgétaires du projet de loi de finances pour 2023 qui ont été examinées en séance publique avant que le Gouvernement ne recoure à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution sur l'ensemble du texte, alors que l'intégralité des trente-quatre missions avaient été examinées en commission. Une telle décision n'est pas neutre. Combien d'amendements, parfois adoptés à l'unanimité en commission, n'ont pas pu être examinés ici ? De plus, 96 amendements sur les 122 adoptés en séance publique ont été supprimés du texte retenu pour le 49.3.
Les acteurs économiques, associatifs, culturels, les collectivités territoriales, les outre-mer ou encore le secteur de la justice attendaient fébrilement des solutions. Pour eux, l'espoir de surmonter la crise économique – que nous commençons à peine à entrevoir – est ainsi douché.
Monsieur le ministre délégué, vous revenez devant nous pour nous présenter un deuxième PLFR qui contient certaines avancées, comme les chèques énergie, les aides aux universités, aux acteurs de la recherche, aux Crous, aux agriculteurs ou à l'armée. Cependant, ces mesures manquent parfois de clarté. Ainsi, alors que le coût du premier chèque énergie exceptionnel est chiffré à 1,8 milliard d'euros, le budget prévoit 2 milliards en autorisations d'engagement et 1,5 milliard seulement en crédits de paiement dans le programme 174, ce qui laisse présager un déploiement en plusieurs temps, dont une partie en 2023. Le calendrier de la distribution aux foyers français de ce chèque reste donc flou.
J'en viens au second chèque énergie exceptionnel, d'un coût de 230 millions d'euros, instauré à l'initiative des oppositions lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative, en juillet dernier, pour aider les ménages se chauffant au fioul. Cette mesure est vague, elle aussi, car rien n'est précisé sur les conditions d'éligibilité ni sur les modalités éventuelles de contrôle. Surtout, il aurait été opportun de prévoir des mesures d'aide aux Français ayant adopté un mode de chauffage plus vertueux écologiquement, comme les bûches et pellets – j'espère que les amendements permettront de corriger ce manque.
Par ailleurs, pourquoi ce PLFR prévoit-il une enveloppe de 6 millions d'euros pour une campagne de communication sur la fin de la redevance audiovisuelle ? Celle-ci mentionnera-t-elle les risques pour le financement et l'indépendance de l'audiovisuel public ? Tant que nous y sommes, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, bénéficier d'une campagne de communication, aux frais de l'État, à chaque fois que nous faisons adopter un amendement ? Il y a mieux à faire des deniers publics.
Enfin, pour la plupart des programmes concernés par ce PLFR, notamment les 123 et 352, les documents budgétaires ne distinguent pas les annulations de crédits mis en réserve de celles qui font suite à une sous-consommation. Or cette distinction est nécessaire car l'annulation de crédits sous-consommés peut révéler des problèmes de fond plus importants. Il y va de la sincérité de nos débats.
Je formulais tout à l'heure le constat de l'absence de considération du Gouvernement et de la majorité pour le débat parlementaire. Les différents recours au 49.3 sont avant tout des échecs pour le Gouvernement, qui démontre son incapacité à s'inscrire dans la discussion démocratique. Ils marquent également un coup d'arrêt pour les amendements pourtant votés en commission ou en séance publique mais écartés par le Gouvernement.
Ainsi, en tant que rapporteur spécial de la mission "Recherche et enseignement supérieur" , je me vois contraint de déposer sur le PLFR 2 des amendements au PLF pour 2023 adoptés en commission et finalement abandonnés arbitrairement par le Gouvernement. J'imagine que plusieurs de mes collègues députés, sur tous les bancs, sont assujettis à cette même contrainte.
L'exécutif peut-il sincèrement ignorer l'opposition en la muselant d'abord pour le PLF, puis en lui en accordant un débat dégradé sur un texte assez mineur, tel qu'un projet de loi de finances de fin de gestion, certes amélioré par des chèques énergie très utiles ? Le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) portera une attention toute particulière à la qualité des débats et à la capacité d'écoute du Gouvernement sur ce PLFR. C'est à la lumière du respect de ces deux exigences que nous nous prononcerons sur ce texte.