Le projet de loi de finances rectificative que nous sommes appelés à examiner cet après-midi est semblable en de nombreux points aux collectifs budgétaires de fin d'année des années précédentes. Il ne vise pas, comme celui que nous avons adopté en juillet dernier, à répondre à un changement de conjoncture, ou, comme celui voté en juillet 2017, à réorienter la politique économique après un changement de majorité, mais bien plus à régulariser les crédits ouverts en fonction de prévisions plus proches de l'exécution réelle.
Comme toute entreprise, l'État adapte son budget à la trajectoire réelle des dépenses. C'est une exigence de sincérité. Des annulations de crédits de la mission "Engagements financiers de l'État, " à hauteur de 2 milliards d'euros en raison d'une sinistralité nettement plus faible qu'anticipé sur les PGE, ou de la mission "Recherche et enseignement supérieur" répondent à ce besoin.
Nous avons adopté l'an dernier l'excellente proposition de loi organique de Laurent Saint-Martin et Éric Woerth ; dans le cadre de l'examen de cette proposition, nous étions quasiment tous tombés d'accord sur le constat que ces lois de finances rectificatives de fin d'année étaient différentes des autres collectifs budgétaires et que, partant, il fallait les examiner différemment.
Plus encore, comme le relevait la mission d'information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (Milolf), l'examen des collectifs budgétaires de fin d'année était souvent dévoyé. Il l'était d'abord par le Gouvernement, qui profitait souvent de cette occasion pour insérer des dispositions de nature fiscale sans impact sur l'année en cours, alors que ces mesures auraient dû figurer dans le projet de loi de finances initiale examiné au même moment par le Parlement. Il était aussi dévoyé par les parlementaires, qui en profitaient souvent pour rejouer le match et déposer de nombreux amendements de nature fiscale déjà discutés quelques semaines auparavant lors de l'examen du PLF.
Pour éviter ces dévoiements, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, dite Woerth Saint-Martin, a instauré une loi de finances de fin de gestion, loi de finances spécifique à ces collectifs budgétaires de fin d'année et différente des lois de finances rectificatives classiques. Le champ de cette loi de finances de fin de gestion est restreint : il exclut ainsi toute disposition relative aux ressources fiscales, sauf affectation de recettes pour l'année en cours, et il limite les mesures relatives aux crédits budgétaires à l'année en cours. Cet encadrement est logique puisque le Parlement examine la loi de finances initiale au même moment – le PLF pour 2023 sera ainsi discuté la semaine prochaine en séance publique au Sénat.
Bien que le collectif budgétaire que nous examinons en cette fin d'année soit le dernier à ne pas être soumis à ces nouvelles règles, le texte du Gouvernement semble déjà s'inscrire, comme du reste l'an dernier et en 2019, dans le futur cadre organique. Il me semble, chers collègues, que nous devrions dès maintenant essayer, nous aussi, de nous astreindre à respecter ces nouvelles normes.
Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) ne votera pas les amendements identiques à celui qu'avait déposé M. Jean-Paul Mattei sur les superdividendes lors de l'examen du PLF, même si nous sommes toujours persuadés que la mesure est juste et nécessaire – juste parce qu'elle taxerait mieux les distributions exceptionnelles de dividendes résultant de profits exceptionnels, et nécessaire parce qu'elle encouragerait l'investissement et un meilleur partage de la valeur au sein des entreprises.
Ces amendements prévoyant toutefois de taxer les superdividendes distribués en 2023 et 2024, il n'y aurait aucun sens à insérer ces dispositions dans un projet de loi de finances rectificative pour 2022. L'amendement de M. Mattei doit continuer de cheminer dans la navette du PLF, notamment pour améliorer son champ en adaptant le périmètre des entreprises concernées ou en traitant de la question des holdings.
À la suite du ministre délégué et du rapporteur général, j'appelle l'attention sur les deux chèques énergie exceptionnels prévus par l'article 9 du présent texte. Ceux-ci seront distribués dans les prochaines semaines pour aider nos concitoyens à affronter la hausse des prix de l'énergie – qu'il s'agisse de gaz, d'électricité, de fioul ou de pellets de bois. Dès décembre, 40 % des ménages bénéficieront ainsi de 100 euros ou plus d'aide de l'État. Voilà ce à quoi doit servir une loi de finances de fin de gestion : à faire face en 2022 aux besoins de 2022 et à rien d'autre. Notre groupe votera en faveur de ce texte.