Disons-le d'emblée, un projet de loi de finances rectificative est de nature différente d'un projet loi de finances. Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative dont nous discutons aujourd'hui n'a pas les défauts – la suppression de la redevance audiovisuelle, notamment – de celui présenté en juillet dernier, lesquels le rendaient inacceptable à mes yeux. Ce texte se contente de prolonger ou d'adapter des dispositifs existants, le temps de finir l'exercice 2022.
Certaines aides financières prévues par le texte vont clairement dans le bon sens. Je pense à celles accordées aux universités pour payer la facture énergétique, aux armées pour le carburant, à l'Ukraine ou aux agriculteurs pour faire face aux conséquences des crises de cet été.
Je ne partage pas forcément les dispositifs retenus pour certaines aides – je considère notamment que les aides énergétiques doivent s'accompagner d'un blocage des prix et être financées par une plus ample taxation des superprofits –, mais leurs objectifs me conviennent. Néanmoins, ces mesures sont insuffisantes, qu'il s'agisse du chèque énergie exceptionnel ou de la prolongation de votre ristourne de 30 centimes sur le litre de carburant ; en effet, les montants ne sont toujours pas à la hauteur des besoins des gens et les problèmes ne sont traités qu'en surface, sans les modifications structurelles nécessaires, à commencer par la mainmise du marché sur l'énergie.
Aucun pansement ponctuel ne supprimera la nécessité de déployer une politique visant à recouvrer notre souveraineté énergétique et à effectuer la bifurcation écologique. Je vous interpelle sur la question du climat d'autant plus sérieusement que nous sommes en pleine conférence des parties (COP27) et que tous les voyants restent au rouge. La question n'est malheureusement plus de contenir la hausse de la température à 1,5 degré Celsius, mais à 2 degrés Celsius, limite au-delà de laquelle les scientifiques ne répondent plus de rien sur l'habitabilité de vastes régions du globe.
Je souhaite répondre à Mme Borne, car j'ai encore en tête les propos qu'elle a tenus lors de son quatrième 49.3 de la rentrée. Elle y considérait que les « conditions d'un dialogue constructif » n'étaient « plus réunies », à cause des 15 milliards d'euros de dépenses nouvelles votées par les oppositions lors de la discussion des crédits de la mission "Écologie, développement et mobilité durables" . Elle s'inquiétait du fait que ce vote ait pour conséquence de « multiplier par sept les crédits alloués aux travaux de rénovation thermique » et que les salariés de la filière bâtiment et travaux publics (BTP) ne soient pas « disponibles d'un coup de baguette magique ».
Pour moi, ce qui n'est pas sérieux, c'est que l'augmentation des moyens de la rénovation énergétique soit inférieure au niveau de l'inflation. C'est autrement plus irresponsable, par les temps qui courent, que d'y investir 12 milliards d'euros comme nous le souhaitions. Quant à l'argument selon lequel les entreprises ou les salariés ne seraient pas prêts, je rappelle que c'est avec ce genre de raisonnement que nous avons pris des décennies de retard face à la crise écologique. Je vous le dis, le secteur ne sera jamais prêt et ne se donnera jamais les moyens de l'être sans une demande élevée, laquelle ne se développera jamais sans soutien financier : c'est le serpent qui se mord la queue.
Je l'affirme, d'autres méthodes, d'autres façons d'exercer la démocratie dans le respect de la souveraineté parlementaire et d'autres modèles de réponses aux crises sont possibles. C'est ce que nous montre par exemple l'Espagne, qui procède à coups de plans de relance, de contributions exceptionnelles de solidarité sur la fortune, de taxation plus ample des superprofits et d'augmentation de 10 % du salaire minimum pour compenser l'inflation. Autant de mesures que vous refusez de prendre ! Les résultats macroéconomiques espagnols n'en sont pas moins bons, ils sont même, à mon avis, supérieurs aux nôtres. Il est donc temps d'arrêter de vous gargariser en prétendant être les meilleurs !
Heureusement, le texte dont nous allons débattre aujourd'hui ne nous impose pas vos vues macroéconomiques que je réfute, comme vous le savez. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors du retour à l'Assemblée du projet de loi de finances pour 2023, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP).
Pour autant, je constate que, même sur ce texte rectificatif qui pose moins de problèmes que ceux que je viens de citer, vous n'avez pas démontré en commission de volonté d'écouter les propositions des oppositions, afin, si ce n'est de déboucher sur un consensus, au moins d'éviter le recours à un passage en force. Les oppositions ont pourtant abordé ce texte de manière très différente des précédents, pour toutes les raisons que j'ai énoncées. Il serait donc incompréhensible, et même inimaginable à mes yeux, que le Gouvernement et la majorité balayent de nouveau d'un revers de main toutes ces propositions, d'autant que certaines relèvent du bon sens élémentaire, au-delà de toute appartenance partisane.
Je pense à l'amendement que j'ai déposé avec mon groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (LFI – NUPES) visant à octroyer aux personnels médicaux municipaux la prime Ségur dont ils ont été privés, mais aussi à l'amendement attribuant une aide exceptionnelle aux ménages se chauffant au bois, lesquels ont été injustement exclus des aides pour le chauffage au fioul, alors même que tout avait été fait pour les convaincre de changer leur chaudière. Je pense enfin aux amendements renforçant le soutien à l'aide alimentaire, à l'heure où plus de 8 millions de personnes ont faim dans notre pays ; à ceux visant à améliorer la rénovation thermique globale des logements, même si je doute que nous parvenions à les imposer, ou encore à l'amendement visant à transformer la réduction d'impôt en crédit d'impôt pour les Ehpad.
J'attends de ce débat, monsieur le ministre délégué, des actes, promus par vos oppositions, en faveur de l'intérêt général des Français. La balle est vraiment dans votre camp.