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Intervention de Jean-Éric Lebelt

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 8h05
Groupe de travail sur le développement durable de l'assemblée nationale

Jean-Éric Lebelt, directeur des systèmes d'information :

Les activités du numérique impactent le développement durable en raison, d'une part, de la production et de l'acheminement des équipements et, d'autre part, des consommations d'énergie induites par leur utilisation. La production des équipements comprend l'utilisation de matériaux et de terres rares, extraits dans des conditions qui ne sont pas toujours optimales. Ces équipements sont, la plupart du temps, fabriqués en Asie et doivent donc être acheminés sur de très longues distances. Ils utilisent de l'électricité, dégagent de la chaleur et engendrent donc une consommation de climatisation.

Ces éléments placent l'ensemble des services en charge des systèmes d'information, à l'Assemblée comme ailleurs, dans un paradoxe. En effet, alors que plus rien ne se fait aujourd'hui, dans une administration ou une entreprise, sans outils informatiques, dont le déploiement permet d'accéder à davantage de ressources et d'industrialiser ou de sécuriser des tâches répétitives ou complexes, ce développement produit sans cesse davantage de données qu'il convient de stocker et de protéger. En outre, derrière la dématérialisation et la virtualisation se cachent des entrepôts de données qu'il convient d'éclairer et de refroidir.

Ces contraintes étant posées, la Direction des systèmes d'information (DSI) de l'Assemblée est vigilante et intervient en matière d'architecture, d'équipement de ses infrastructures, de politique d'investissement et de renouvellement de nos équipements et de nos parcs ainsi que pour rappeler les bonnes pratiques aux utilisateurs.

Concernant les choix d'équipement d'infrastructures, depuis plus de dix ans, la DSI de l'Assemblée s'est orientée vers la virtualisation de ses serveurs informatiques. Nous sommes passés des serveurs physiques aux serveurs virtuels, qui sont beaucoup moins encombrants et permettent le stockage d'un nombre plus élevé de serveurs dans un espace plus réduit. Grâce à cette virtualisation, nous avons maintenu seulement 30 serveurs physiques dans lesquels nous logeons 500 serveurs virtuels. Toutefois, les serveurs virtuels ont l'inconvénient d'entraîner une augmentation de la consommation de refroidissement de ces salles car les équipements électroniques dégagent de la chaleur. De plus, la densité engendre un problème d'appui sur le sol. Nous retrouverons cette problématique dans le cadre des travaux de rénovation de notre salle informatique du 233 boulevard Saint-Germain.

L'avantage de la virtualisation est qu'elle permet d'allouer les ressources en fonction de la demande. En outre, pour des ressources logiques (capacités de traitements des informations) identiques, les ressources physiques sont en moyenne divisées par dix. Cette virtualisation est donc un facteur d'économie.

Toutefois, la demande est sans cesse croissante. Nous gérons actuellement environ 80 applications différentes, ayant trait à la législation, à l'administration ou encore à la sécurité de l'Assemblée.

Le progrès technique vient largement à notre secours. Plus nous disposons d'équipements récents, plus ils sont économes en consommation énergétique et plus leurs capacités de mémoire et d'algorithme sont importantes. Sur les dernières solutions déployées, il existe un dispositif de consommation électrique pouvant être ajusté en fonction de l'utilisation réelle des serveurs à tout instant.

La salle de secours initialement implantée au 101 rue de l'Université a été externalisée dans les locaux de la gendarmerie nationale à Nogent-sur-Marne. Le motif premier du déplacement de cette salle est une amélioration de la sécurité. En effet, il a été jugé peu sûr que nos deux salles informatiques soient situées dans un périmètre aussi restreint que l'était le 233 boulevard Saint-Germain ou le 101 rue de l'Université. Lorsque Climespace a connu une panne sur le répartiteur utilisé par l'Assemblée, nous avons rencontré des problèmes de réchauffement dans les deux salles. Outre la sécurité, le déplacement de la salle de secours est avantageux en termes de développement durable puisque, dans ces installations de la gendarmerie nationale, ces alimentations énergétiques sont mutualisées et rationalisées.

Ensuite, concernant les deux salles informatiques, nous avons une vigilance accrue concernant le démontage de tous les équipements de production devenus inopérants afin de réduire les infrastructures exploitées au strict nécessaire. Nous mesurons les effets sur la consommation électrique avec l'aide de la direction des affaires immobilières et du patrimoine (DAIP).

La salle informatique qui restera hébergée au sein de l'Assemblée fera l'objet d'une restructuration complète selon les dernières normes en la matière. Les systèmes de refroidissement seront rationalisés en les adaptant en temps réel aux consommations.

Concernant la politique d'acquisition des équipements, nous fonctionnons par marché public, dans lesquels sont progressivement insérées des clauses afférentes à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ces clauses permettent à l'Assemblée d'acquérir des équipements dont les normes environnementales sont à jour.

Un autre facteur permettant de disposer d'équipements aussi économes que possible est la politique de renouvellement. Par exemple, les 1 800 postes de travail des députés sont remplacés tous les cinq ans après chaque changement de législature. L'ancienneté du parc est donc raisonnable. De plus, 300 des 1 500 postes informatiques des services sont remplacés chaque année après environ cinq années d'exploitation, avec parfois des petits décalages pouvant être dus à des raisons d'ajustements budgétaires. Par ailleurs, les serveurs physiques et les baies de stockage sont exploités sept ans avant d'être remplacés. Enfin, les équipements réseau sont en moyenne exploités une dizaine d'années avant d'être remplacés.

Notre vigilance ne s'arrête pas là puisqu'une fois désaffectés, les équipements sont repris et retraités dans le respect des normes environnementales grâce à des clauses prévues par nos marchés d'acquisition. Il s'agit d'un axe important d'action pour le développement durable en matière d'équipements informatiques et électroniques.

Par ailleurs, nous agissons sur les bonnes pratiques en matière d'utilisation des ressources informatiques, qui font l'objet de recommandations régulières. Nous préparons d'ailleurs une nouvelle plaquette d'informations en ce sens, dont les travaux avaient commencé avant la création de ce groupe de travail. La principale recommandation est toujours d'éteindre les postes de travail après usage. En effet, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), un ordinateur en veille utilise l'équivalent de 20 % à 40 % de sa consommation en marche. Nous rappelons toutefois qu'un ordinateur éteint, mais qui reste branché, continue aussi à consommer environ 70 watts-heure par jour. La multiplication de ces bonnes pratiques peut donc avoir une incidence réelle. Il convient toutefois de relever que certains équipements informatiques, comme les copieurs d'étages ou les postes de travail des développeurs, ne sont pas conçus pour être éteints régulièrement.

En matière de télétravail, il convient d'éviter autant que possible le principe des accès à distance par rebond sur des postes qui restent allumés dans les bureaux, occasionnant alors une double consommation électrique, à distance et au bureau. Nous combattons cette pratique puisque nous avons maintenant équipé les députés d'ordinateurs portables, avec lesquels ils ont accès au portail de l'Assemblée. Pour les services, nous avons profité du passage à Windows 10 pour équiper très largement les utilisateurs d'ordinateurs portables afin qu'ils n'utilisent plus la prise en main à distance. Cette dernière reste nécessaire pour les personnels équipés d'ordinateurs spécifiques dotés, par exemple, de moyens graphiques ou d'une puissance de traitement tels qu'il ne serait pas envisageable de disposer de la même configuration à domicile.

En outre, une série de recommandations concernent les usages. Nous recommandons par exemple de limiter les emails, fortement consommateurs. Un certain nombre d'outils, qui permettent le travail collaboratif, ont été mis en place et constituent un pas dans ce sens même s'ils sont encore perfectibles. Nous recommandons également de limiter le volume des pièces jointes, d'effectuer un nettoyage dans les données conservées sur les disques durs d'ordinateur ou dans les boîtes de messagerie et de préférer le wifi plutôt que la 4G pour travailler sur son téléphone.

Concernant les applications, une bonne pratique consiste à ne pas laisser perdurer des applications ou fonctionnalités inutiles car elles entraînent la mobilisation de ressources matérielles.

Certaines pratiques de développement sont susceptibles de diminuer ou d'augmenter l'empreinte carbone. Nous recommandons ainsi d'optimiser les traitements en procédant, lorsque nous nous lançons dans un projet informatique, à un exact recueil des besoins pour éviter des développements qui se révèleraient inutiles. La conception des algorithmes entraîne des conséquences sur les besoins en capacité de calcul, de mémoire ou de stockage. Certains langages de développement ou encore certains choix en matière de graphisme sont plus consommateurs en énergie. Nous devons être vigilants sur la limitation des traitements redondants d'une application à l'autre et bien veiller à décloisonner la réflexion lorsque nous abordons le développement d'une nouvelle application.

S'agissant du portail vidéo, que nous modernisons actuellement, quelques éléments pourraient être analysés avec le prestataire en vue de réaliser des économies d'énergie. Par exemple, nous nous demandons si la mise à disposition des images en full HD est nécessaire et si nous ne pourrions pas laisser le choix à l'utilisateur de l'adapter à ces besoins. Le portail propose d'ores et déjà plusieurs définitions laissées au choix de l'utilisateur mais nous pourrions être un peu plus directifs et imposer automatiquement un débit inférieur en fonction de la taille d'affichage. Nous devons réfléchir sur notre mode d'encodage et regarder si nous n'avons pas des systèmes plus efficaces. En effet, les vidéos sont peu complexes, avec de longs plans fixes, et ne nécessitent peut-être pas un système d'encodage très sophistiqué. Une autre question est l'étendue de la conservation des vidéos, disponibles un an en accès direct et disponibles, depuis 2007, après demande de republication. Enfin, un dernier axe de recommandation concerne les paramétrages par défaut des postes de travail et des matériels d'impression.

J'espère vous avoir montré que nous travaillons sur un défi sans cesse renouvelé. Chaque fois que nous entreprenons une action, nous devons nous interroger sur son impact en matière de développement durable. Nous pouvons en effet faire des choix qui paraitraient rationnels sur le moment mais qui s'avèreraient questionnables. Par exemple, la dématérialisation n'est pas nécessairement vertueuse. Sans qu'il soit question de revenir en arrière, le bilan reste à faire des effets de la dématérialisation des liasses d'amendement. Nous avons supprimé l'utilisation de très grandes quantités de papier mais nous avons équipé l'ensemble des députés d'une tablette pour leur permettre de suivre ces amendements.

Enfin, le progrès technique permet des gains mais rend aussi plus exigeant. Ainsi, les nouveaux afficheurs de l'hémicycle utilisent la technologie LED, réputée moins gourmande en énergie que la technologie LCD. Toutefois, les écrans étant plus grands, la consommation électrique pourrait se révéler supérieure à celle des écrans qu'ils remplacent. Si l'affichage est amélioré, nous pouvons considérer malgré tout que le bilan est positif.

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