Madame Cousin, en matière d'infrastructures de transport, la stabilité budgétaire est une vertu. Elle traduit la tenue d'une trajectoire définie dans la LOM et l'absence d'aléas liés à l'annualité budgétaire, que nous avons trop connus avant 2017 en matière de transports.
On ne peut parler d'un « énième » plan Vélo, puisqu'il s'agit du premier, lancé à l'époque par Mme Élisabeth Borne, ministre des transports. Il faut se réjouir des crédits alloués.
L'Afit France n'est pas une exception démocratique ; des dispositifs comparables existent dans nombre de pays voisins. Ils permettent simplement de sécuriser à long terme une partie des recettes allouées à la programmation des infrastructures et d'engager des programmes pluriannuels en disposant d'un étiage de financements, en dehors des concours publics complémentaires de l'État, des collectivités territoriales ou autres. C'est bien en ce sens qu'elle avait été conçue en 2006. Le ministre M. Christophe Béchu, ancien président de l'Afit France, a indiqué il y a quelques semaines que l'agence savait déjà ce qu'elle allait faire quasiment jusqu'en 2040. C'est la preuve que cet outil donne de la profondeur temporelle à nos investissements.
Quant aux orientations et aux priorisations des investissements de l'Afit France, je m'érige en faux contre cette vision d'un outil qui déciderait lui-même des programmes à financer. C'est bien le fait de représentants élus démocratiquement. Les crédits déployés par l'Afit France en matière de transports collectifs ont ainsi été votés dans le cadre de la LOM votée par ce Parlement.
Je précise que la prime sur les carburants fossiles ne figure pas dans le programme 203.
Prétendre que développer les transports collectifs suffirait à décarboner les mobilités, c'est écraser fortement les différences entre les territoires. En réalité, il y aura une différenciation des stratégies de décarbonation des déplacements selon les types de territoire. Globalement, il faudra prévoir des transports collectifs très denses dans les secteurs à caractère métropolitain ; du transport collectif sous toutes ses formes, routière et ferroviaire, depuis les villes moyennes vers les métropoles ; des intermodalités, des capacités de stationnement, des accès vélo jusqu'aux points d'accès aux transports collectifs dans les zones très peu denses, ce qui signifie d'abord une décarbonation des motorisations. On ne peut pas dire qu'on mettra du train ou du transport urbain devant la porte de chacun. C'est l'élu d'une circonscription rurale et de montagne qui le dit ; il faut se doter d'une stratégie réaliste.
S'agissant de la gratuité des transports collectifs, l'expérimentation qui s'est déroulée en Allemagne n'a duré que le temps de l'été. Les systèmes de transport collectif les plus performants, comme en Suisse et au Japon, sont très bien financés par l'usager, ce qui les met à l'abri des aléas de la volonté de quelque gouvernement ou quelque autorité organisatrice que ce soit d'apporter des concours publics ou des financements complémentaires. À mon avis, un financement du transport collectif dans lequel la part de l'usager serait réduite à néant est peut-être populaire, mais pas réaliste. Surtout, il n'en permet pas le développement à long terme.
Monsieur Carrière, le programme ferroviaire Lyon-Turin est un projet de report modal massif de transport de marchandises. Il faut s'en réjouir. Avec le projet de liaison Seine-Escaut, c'est l'un des plus gros investissements en infrastructures nouvelles de nature à décarboner le transport de marchandises. Le débat sur les voies d'accès a été en grande partie tranché par les accords signés entre la France et l'Italie ; vous voulez le rouvrir pour privilégier la voie existante Dijon-Modane. Le Conseil d'orientation des infrastructures, que je préside, aura l'occasion de revenir sur le sujet et de donner son avis à la fin de cette année, même si la France est liée par des accords internationaux.
Le sujet des routes ne doit pas être envisagé sous le seul angle de l'entretien, mais plus globalement sous celui du verdissement. Il n'est pas simplement question du trou dans la route, mais de l'évolution de celle-ci pour la rendre productrice d'énergie, favoriser l'accès aux bornes de rechargement électrique, etc. L'État ne peut pas y réfléchir seul ; tous les partenaires, autoroutiers et collectivités, doivent être réunis autour de la table pour couvrir tout le linéaire.
Monsieur Vermorel-Marques, le chiffre de 100 milliards d'euros avancé par Jean-Pierre Farandou ne concerne pas seulement le fret ferroviaire, il comprend aussi le transport de voyageurs. Au passage, plusieurs intervenants ont superposé les lignes de desserte fine du territoire et le capillaire de fret, ce qui constitue une confusion. Ce sont deux choses bien différentes, et les déplacements de voyageurs sont plutôt désignés par la première expression. En la matière, le Gouvernement a signé avec la quasi-totalité des régions françaises, sauf Auvergne-Rhône-Alpes, des accords qui dessinent des solutions et des perspectives réalistes pour sauver toutes les lignes présentant un intérêt en matière de mobilités du quotidien.
S'agissant des gares de triage, le projet de plateforme multimodale de Miramas mobilise 6 millions d'euros de l'État pour en augmenter la capacité. La gare de Woippy a bénéficié d'investissements très importants dans le cadre du plan de relance. On peut dire que la modernisation des grandes gares de triage a connu une accélération, et l'on aurait aimé que les gouvernements antérieurs à 2017 se mobilisent sur ce sujet avec autant de volontarisme.
Madame Jourdan, le contrat de performance est critiqué par certains acteurs des mobilités. Il prévoit tout de même un effort sans précédent de 2,8 milliards d'euros annuels pour la régénération et la modernisation du réseau.
On peut bien rêver d'égaler l'Autriche, mais l'objectif de 30 % de fret ferroviaire pour 2030 n'est pas réaliste, et l'irréalisme de l'objectif peut nuire à la conduite d'une démarche. Capter une partie de la rente autoroutière pour la redéployer sur le fret ferroviaire n'est pas juridiquement possible dans le cadre des concessions actuelles, mais c'est une piste.
Le concours de l'État aux liaisons fluviales, qui a été doublé et porté à 400 millions d'euros, ne constitue pas la seule recette de Voies navigables de France, qui dispose de recettes propres. L'accompagnement en investissement, bien supérieur à ce qui a été réalisé avant 2017, notamment grâce au plan de relance, doit lui permettre de dégager également des recettes supplémentaires. C'est davantage le plafonnement de la part des ressources issues de la redevance hydraulique revenant à VNF qui doit être mis en question qu'une augmentation sèche des concours.
En matière de qualité de l'air, on parle toujours du CO2 mais les externalités positives de la décarbonation des transports et du transfert modal vers le train incluent également les oxydes d'azote – M. Fugit a raison d'insister. La mise en parallèle, par plusieurs de nos collègues, des zones à faibles émissions et de la possibilité, dans au moins un cas sur deux, de développer des réseaux express métropolitains, est une perspective intéressante. Il faudrait rapprocher les calendriers d'ici à 2030.
Madame Luquet, en raisonnant de façon très sèche sur de courtes distances, le fret ferroviaire est peu compétitif car son coût est composé à 80 % de coûts fixes. Ce n'est plus vrai pour la longue distance, dans laquelle il reprend un avantage en raison du tonnage qui peut être emmené par le train. Selon les économistes des transports, au-delà de 400 kilomètres, sans concours public et dans les conditions actuelles du marché, il y a égalité de coût pour les chargeurs. C'est pour les capillaires de fret irriguant les grands flux de transfert vers le fret ferroviaire que le concours public est le plus précieux.
S'agissant de la revitalisation des petites lignes ferroviaires, je l'ai dit, les lignes de desserte fine, donc le transport de voyageurs, ont fait l'objet d'accords signés avec la plupart des régions françaises, à l'exception d'Auvergne-Rhône-Alpes et de la Bretagne – des négociations sont en cours avec cette dernière. Les lignes capillaires de fret ont bénéficié d'investissements conséquents dans le cadre du plan de relance et toutes les régions l'ont ressenti. Force est de reconnaître que la mobilisation des concours locaux est plus ou moins marquée. Certaines régions, telles Centre-Val de Loire et Grand Est, font beaucoup ; d'autres sont absentes des tours de table. Certes, cela ne relève pas strictement de leur compétence, mais c'est un sujet de développement économique. Il est prématuré de dresser un bilan de la revitalisation des capillaires de fret. Nous y verrons plus clair d'ici quelques années.
Madame Pochon, je serais curieux de savoir où vous trouvez dans ce projet de budget le chiffre de 13 milliards d'euros pour les extensions routières. Vous avez peut-être cumulé des aides pluriannuelles.
Vous comparez l'investissement de la France dans le réseau ferroviaire avec celui de la Suisse. Le ministre M. Christophe Béchu a indiqué qu'au rythme auquel la France investit dans ces infrastructures, nous commençons à rattraper le retard par rapport à l'Allemagne.
Il me semble que le sujet du train de nuit fait l'objet d'un surinvestissement au regard des problématiques réelles de déplacement. Reste que quatre-vingt-treize voitures ont été rénovées grâce au plan de relance et 100 millions d'euros ont été injectés.
Vous évoquez la nécessité de déployer le plan Vélo en zone rurale : j'ai proposé que la moitié de l'enveloppe de 200 millions d'euros consacrée au développement des infrastructures soit concentrée sur les collectivités du bloc communal de moins de 100 000 habitants. Encore faut-il qu'elles prennent l'initiative et que l'État puisse les accompagner en ingénierie.
M. Wulfranc a avancé la casse de l'entreprise publique SNCF comme explication à la décélération de la part modale du fret ferroviaire au cours des trente dernières années. Ce n'est pas ce qu'on observe ailleurs, aussi bien pour le transport de voyageurs que pour le fret. L'ouverture à la concurrence a souvent permis de gagner de nouveaux voyageurs. À en juger par le succès du trafic de fret et du trafic de voyageurs en Allemagne depuis 1998, bien menée, elle se traduit par une attractivité supplémentaire du mode ferroviaire.
L'intérêt principal d'ERTMS et de la commande centralisée du réseau est de pouvoir faire rouler plus de trains sur les mêmes itinéraires. De fait, la France a cumulé un grand retard puisque, au rythme actuel, le déploiement de la commande centralisée du réseau serait achevé en 2060, mais il faudra trouver des financements nouveaux en plus des concours d'État classiques.
M. Taupiac a signalé la tarification de l'électricité pratiquée par SNCF Réseau vis-à-vis des entreprises ferroviaires utilisatrices. C'est effectivement un des sujets de préoccupation relevés dans mon rapport. Il faudra envisager une mobilisation sous quelque forme que ce soit pour éviter un effet désincitatif. L'absence de réponse publique exposerait à un risque sérieux de report modal inversé.