Il me revient d'ouvrir cette série de présentations par le programme 203 « Infrastructures et services de transports », consacré aux transports terrestres et fluviaux. Comme dans certains sports, la présentation de ces rapports pour avis comporte des figures imposées et des figures libres. L'exercice imposé est l'examen du programme global, dont près de 90 % des crédits soutiennent le développement de mobilités décarbonées – le ferroviaire, mais aussi le fluvial, le portuaire, le transport combiné et les mobilités douces. La figure libre est un retour sur la situation du fret ferroviaire. Un an après le dévoilement de la stratégie nationale, ce mode regagne-t-il enfin du terrain ? Des articles récents lui sont consacrés dans la presse sur un mode plutôt pessimiste.
Deux phénomènes caractérisent les moyens publics alloués aux transports terrestres et fluviaux dans ce projet de loi de finances (PLF) : leur orientation à la hausse et leur répartition entre plusieurs programmes.
Les crédits budgétaires du programme 203 s'élèvent à près de 4,1 milliards d'euros, en légère augmentation par rapport à 2022 à périmètre constant. Cette hausse tient essentiellement à l'augmentation des concours ferroviaires versés à SNCF Réseau, à hauteur d'une centaine de millions d'euros, à l'action 41 du programme.
Le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) est particulièrement dynamique pour l'année 2023. Ses recettes prévisionnelles sont élevées et plus sécurisées que les années passées. Ses dépenses, en hausse continue depuis 2019, augmentent de 150 millions d'euros pour atteindre le niveau inégalé de 3,8 milliards d'euros.
La trajectoire d'investissements prévue par la loi d'orientation des mobilités (LOM) pour la période 2019-2023 a donc été respectée, et même dépassée. Ce fait mérite d'être souligné, tant le respect des engagements et trajectoires financiers d'investissement a parfois manqué, hélas ! avant 2017, en matière de transports et d'infrastructures.
L'addition du programme 203 et du budget de l'Afit France pour 2023 porte le budget global dédié aux transports terrestres et fluviaux à près de 9,3 milliards d'euros, en augmentation de 6 %. Les crédits alloués au secteur ferroviaire représentent plus de 60 % des crédits du programme 203 et pèsent pour un tiers du budget prévisionnel de l'Afit France.
Les engagements pour le secteur ferroviaire sont notables et signalés, même si l'effort de rattrapage reste pour partie devant nous après des décennies de sous-investissement. Le plan de relance a permis d'engager des opérations importantes pour les trains de nuit, les infrastructures de fret et les lignes de desserte fine du territoire. L'effort se poursuit dans le projet de loi de finances qui nous est proposé. En outre, SNCF Réseau a bénéficié d'une recapitalisation à hauteur de 4 milliards d'euros, dont le dernier versement aura lieu en 2023. L'État assume également 900 millions d'euros de charge d'intérêt liée à la dette reprise en 2020 et 2022.
Le programme 203 prévoit un nouveau plan Vélo doté d'une enveloppe sans précédent de 250 millions d'euros. Je recommande que les 200 millions d'euros d'aide à l'investissement soient consacrés pour moitié aux collectivités du bloc communal de moins de 100 000 habitants, où les projets sont nombreux et les efforts d'accompagnement en matière d'investissement restent à faire.
S'agissant du transport fluvial, le PLF traduit un effort soutenu, grâce au plan de relance, à hauteur de 175 millions d'euros. Le contrat d'objectifs et de performance signé au printemps 2021 entre Voies navigables de France (VNF) et l'État a fixé une trajectoire ambitieuse d'investissements en régénération et modernisation du réseau fluvial. Ces actions, auxquelles n'étaient consacrés en moyenne que 150 millions d'euros par an avant 2021, ont bénéficié de 230 millions d'euros en 2021 et 2022. Ce niveau sera maintenu en 2023, et la trajectoire ambitieuse s'accélérera à partir de 2026 et 2027.
J'ai déposé un amendement visant à relever le plafond d'emplois prévu dans ce PLF afin de stabiliser les effectifs de Voies navigables de France, car les efforts d'investissement accrus ont permis de rationaliser les effectifs les années précédentes. VNF a plutôt besoin d'une stabilisation, notamment en matière de volume de contractuels, pour les exercices budgétaires à venir. On pourrait aussi évoquer le relèvement du plafonnement de la redevance hydraulique, aujourd'hui fixé à 127 millions d'euros pour VNF.
J'ai souhaité faire, dans le cadre de cet avis, une figure libre sur la situation du fret ferroviaire en France en 2022. Le report modal en faveur du fret ferroviaire est une priorité écologique au regard de ses bénéfices environnementaux considérables. Par rapport à la route, le fret ferroviaire représente neuf fois moins d'émissions de gaz à effet de serre, six fois moins d'énergie consommée et huit fois moins d'émissions de particules nocives. Or sa part modale décline depuis des décennies sans que les différents plans annoncés par les gouvernements avant 2017 aient permis de redresser la situation. La part du transport routier de marchandises atteint plus de 85 %, un des niveaux européens les plus dégradés.
La loi « climat et résilience » a fixé un objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030, de 9 % à 18 %. Dans cette perspective, il y a un an, le ministre délégué chargé des transports de l'époque, M. Jean-Baptiste Djebbari, a dévoilé une stratégie nationale de développement du fret ferroviaire élaborée en concertation étroite avec les acteurs du secteur. Un an après son lancement, j'ai souhaité en faire le bilan.
Il ressort des auditions que la stratégie a permis d'amorcer un changement de culture au sein de SNCF Réseau, qui accorde un peu plus de place au fret en améliorant l'attribution des sillons et en aménageant ses travaux au bénéfice des circulations de fret, ce qui est un facteur décisif du développement du fret ferroviaire. Ce changement de culture ne fait que commencer puisqu'il date de l'année dernière.
Il y a lieu de se réjouir également du soutien financier sans précédent apporté au secteur. Les aides à l'exploitation des services fret, intégrées aux actions 41 et 45 du programme 203, ont été renforcées à hauteur de 170 millions d'euros par an pour les péages de fret, le wagon isolé et le transport combiné. Ces aides ont été déterminantes pour soutenir la compétitivité du fret ferroviaire par rapport à la route, et inciter les chargeurs au report modal. C'est la raison pour laquelle je proposerai, par un amendement, de faire un rapport sur la prolongation jusqu'en 2027 de ces aides, dont le terme est fixé à 2024. Combinées à la crise traversée par le mode routier, elles ont permis au fret ferroviaire de gagner des parts de marché et de se redresser nettement en 2021 et 2022, puisque la part modale du fret ferroviaire atteint désormais 10,7 %, contre 9 % en 2019. Je me félicite de ce redressement notable un an après le lancement de la stratégie.
En outre, un programme d'investissements doté de 1 milliard d'euros, cofinancé par l'État, les collectivités et l'Union européenne, et incluant une enveloppe de 250 millions d'euros issue du plan de relance, a également permis d'engager des opérations nécessaires à la régénération et au développement des infrastructures de fret. D'après les retours de SNCF Réseau, le rythme d'engagement des projets est bien avancé pour les capillaires de fret et les voies de service. C'est, en revanche, moins le cas pour les terminaux de transport combiné, la mise au gabarit et l'amélioration de l'accès au réseau pour les trains longs et lourds.
Ce programme d'investissements constitue une avancée majeure pour accroître les capacités du secteur. Il faut le saluer, même s'il ne suffira pas complètement à répondre aux besoins d'investissements et à accroître les capacités des infrastructures à l'horizon 2030. Je recommande d'accélérer le rythme des engagements sur l'enveloppe annoncée de 1 milliard d'euros et d'opérer un ciblage stratégique des investissements futurs. Par ordre de priorité, il ressort des auditions qu'il faudrait concentrer les investissements pour le fret sur les principaux terminaux de transport combiné et les gares de triage, ainsi que sur la desserte ferroviaire des grands ports – Dunkerque, Le Havre et Marseille –, actuellement sous-développée mais dont le potentiel de croissance est très important.
Les opérateurs de fret ont également besoin de renouveler leur matériel roulant. Il me paraît intéressant de leur permettre de recourir aux certificats d'économies d'énergie puisqu'il s'agit de décarboner le transport de marchandises.
Le fret ferroviaire apparaît donc lancé sur des rails meilleurs que par le passé mais encore fragiles. Les réformes restent en partie à opérer au sein de SNCF Réseau, en développant en priorité les capacités du secteur pour espérer doubler sa part modale à l'horizon 2030 et passer enfin d'une économie de la demande à une économie de l'offre.
Je conclus en vous invitant à reconnaître la réalité de l'effort budgétaire, poursuivi dans ce PLF2023, en faveur de la décarbonation des transports.