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Intervention de Stanislas Guerini

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 17h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Stanislas Guerini, ministre :

Je tiens à souligner le travail effectué par la rapporteure pour avis et la qualité des échanges que nous avons eus autour de cette mission.

Certains d'entre vous ont salué l'engagement des agents de la fonction publique. Je voudrais dire toute ma fierté d'être ministre des agents de la fonction publique, plus que ministre de la fonction publique. Plusieurs crises ont marqué le précédent quinquennat, dont une crise sanitaire inédite. À cette occasion, nos concitoyens ont compris à quel point la fonction publique constituait la colonne vertébrale d'une nation qui s'est construite sur son État. Nous avons tous un rapport particulier à la fonction publique, avec beaucoup d'exigences, mais aussi beaucoup de gratitude pour le travail qui est réalisé.

Des enseignements doivent être tirés de la crise du covid-19. Pendant cette période, la fonction publique a fait preuve à la fois d'humilité et d'efficacité. Les chaînes hiérarchiques ont été raccourcies et le terrain a retrouvé sa place dans le pilotage des politiques publiques, en s'appuyant notamment sur le « couple » maire-préfet. Nous devons nous inspirer de ces expériences pour faire évoluer la fonction publique.

Vous m'avez interrogé sur la suppression de postes de fonctionnaires. Celle-ci ne figure pas dans ma feuille de route. M. Guitton a fait allusion au programme du Président de la République. En effet, lors de l'élection présidentielle de 2017, il avait soutenu un projet de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, 50 000 pour l'État et 70 000 pour les collectivités territoriales. Toutefois, à l'occasion de l'élection présidentielle de 2022, nous avons prôné une stabilité du nombre de postes pour l'ensemble du quinquennat.

Nous donnons la priorité à la déconcentration, en réduisant le nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales pour investir dans les territoires. Le Président de la République a ainsi annoncé il y a quelques jours la réouverture de six sous-préfectures.

Le nombre de fonctionnaires ne sera pas stable dans chacun des services publics. Nous devons accroître nos moyens dans la santé ou dans les domaines régaliens. Vous avez pu constater cet investissement dans l'humain lors de l'examen des budgets, notamment du ministère de l'intérieur. Dans d'autres champs de politiques publiques, nous devons, en revanche, continuer à rechercher l'efficacité et l'efficience. Nous devons également tenir compte des évolutions démographiques. Le PLF pour 2023 prévoit une légère baisse du nombre de professeurs pour s'adapter à la diminution du nombre d'élèves dans les classes. Cette mesure permet, en outre, de dégager des marges de manœuvre pour mieux les rémunérer. L'administration fiscale continue aussi à réduire ses effectifs, en ne remplaçant pas certains départs à la retraite.

M. Boucard a évoqué le pilotage des politiques déconcentrées et le rôle confié aux préfets. Il y a quelques jours, le Président de la République a rappelé à ces derniers qu'ils étaient les premiers agents de l'État dans un territoire donné. Nous avons mis en place des outils, dont un baromètre de l'action publique. De 20 à 30 % de la rémunération indemnitaire des préfets dépend désormais de l'atteinte d'objectifs liés à des politiques publiques, qui peuvent concerner la santé ou l'éducation, par exemple.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué les questions d'intérim et de contractualisation. Leur développement ne répond pas à une volonté idéologique, comme le procès a pu en être fait à Olivier Dussopt en 2019 lorsque la loi de transformation de la fonction publique a assoupli certains dispositifs. Dans la plupart des cas, nous recourons à cette solution parce que nous ne parvenons pas à recruter. Vous le vivez également dans vos territoires, pour la fonction publique d'État comme pour la fonction publique territoriale. Le problème est particulièrement épineux dans certains champs des politiques publiques, comme la petite enfance.

Notre ambition n'est pas de développer les contrats et l'intérim mais, au contraire, de rendre la fonction publique plus attractive, de retrouver le sens de l'engagement et de redonner envie de candidater aux concours. Nous investissons dans le dispositif Talents, en ouvrant 2 000 places supplémentaires dans ces classes préparatoires en 2023. Elles existent dans tous les territoires, au titre des IRA, des universités et des instituts de préparation à l'administration générale (Ipag). Pour chaque place ouverte, nous mettons à disposition une bourse de 4 000 euros pour accompagner les élèves. Malheureusement, malgré ces efforts, nous ne parvenons pas à remplir toutes les classes.

L'un d'entre vous l'a indiqué, l'intérim ou les contrats peuvent aussi constituer des voies d'accès à la fonction publique.

Nous avons engagé des efforts importants pour développer l'apprentissage au sein de la fonction publique. L'an dernier, la fonction publique d'État a accueilli près de 15 000 apprentis. En 2022, nous avons mobilisé 30 millions d'euros, provenant pour moitié des crédits de France compétences et pour moitié de ceux de mon ministère, pour financer l'apprentissage dans les collectivités locales. L'objectif de 8 000 apprentis a été dépassé, puisqu'elles en ont accueilli 12 000. Nous allons donc renouveler ce budget de 30 millions, par le biais d'un amendement.

J'ai expliqué aux instances représentatives de la fonction publique territoriale il y a quelques jours que j'étais prêt à faciliter l'accès des apprentis aux emplois de la fonction publique : quand un jeune a passé deux ans dans un service et qu'il a fait ses preuves, il doit être possible de l'embaucher facilement.

La réforme des carrières et des rémunérations sera le principal chantier que je porterai en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques. Quelques semaines après mon arrivée dans ce ministère, j'ai pris la décision de revaloriser le point d'indice de 3,5 %, ce qui constitue l'augmentation la plus élevée depuis 37 ans, au début du septennat de François Mitterrand. Cette mesure représente un investissement extrêmement important pour les trois versants de la fonction publique et a donc fait l'objet d'une concertation avec les employeurs territoriaux.

Cette revalorisation du point d'indice s'ajoute aux augmentations moyennes et automatiques prévues par le glissement vieillesse technicité (GVT), qui s'élèvent à 1,5 %. Les fonctionnaires bénéficient en outre des mesures de pouvoir d'achat qui concernent tous les Français, comme le bouclier tarifaire. Pour 2022, l'Insee prévoit une inflation de 5,4 %. Les efforts que nous avons consentis pour la fonction publique étaient donc à la fois nécessaires et cohérents avec le contexte économique.

Nous ne pouvons pas nous contenter de décisions paramétriques. Nous devons aborder le chantier de l'attractivité de manière plus systémique. Nous le ferons avec les organisations syndicales, à l'issue des élections professionnelles du 8 décembre. Nous nous donnerons un semestre pour aboutir, en tenant compte de l'inflation que nous connaîtrons en 2023.

M. Molac a évoqué les difficultés rencontrées par les jeunes qui entrent dans la fonction publique. Je reconnais que certains mécanismes ne sont plus adaptés et ne sont pas des facteurs d'attractivité. Ainsi, un agent qui démarre sa carrière en bas de la grille de la catégorie C franchira des échelons pendant 9 ans sans que sa rémunération augmente, la grille ayant été écrasée par la hausse du salaire minimum. De même, l'écart entre le bas de de la grille de la catégorie B et celui de la catégorie C n'est que de 0,6 %. Le système actuel montre ses limites.

Lors de nos discussions avec les organisations syndicales, nous définirons quelques principes. Nous devons mieux valoriser les métiers et les filières professionnelles. L'exemple des secrétaires de mairie, que vous avez évoquées, est très illustratif. Les collectivités locales ne peuvent pas les faire passer en catégorie B et elles – j'en parle au féminin, car ce métier est extrêmement féminisé – se retrouvent bloquées dans leur progression, alors qu'elles ont 25 ans d'expérience. Cette situation n'est pas normale.

Il n'est pas question de remettre en cause le cadre statutaire global. La fonction publique n'est pas une entreprise. Toutefois, nous devons être capable de raisonner par métier et par filière professionnelle. Il est impossible d'expliquer certaines différences de rémunération entre des personnes qui exercent la même activité, mais qui sont contractuelles ou titulaires de la fonction publique territoriale, de la fonction publique d'État ou de la fonction publique hospitalière. Nous devons à la fois renforcer un socle commun et disposer d'une certaine flexibilité, pour tenir compte de la concurrence avec le secteur privé ou de contextes locaux.

Nous devons avoir la possibilité d'accélérer les carrières, en permettant à des agents de franchir plusieurs échelons ou un grade plus rapidement qu'avec les mécanismes d'ancienneté et de progression automatique. Cette évolution, qui est de nature à renforcer l'attractivité, doit aller de pair avec un renforcement du pilotage des ressources humaines, au sein de l'État et dans les collectivités territoriales.

Il me paraît, en outre, indispensable de mieux récompenser l'engagement individuel et collectif. Le président de la République l'avait affirmé lui-même pendant la campagne présidentielle, en répondant à une interview dans Acteurs publics.

Je suis très favorable aux plans d'intéressement dans les entreprises et ce modèle pourrait nous inspirer. Ces dispositifs ne reposent pas forcément sur un résultat financier, mais peuvent prendre en compte des objectifs collectifs, en matière de transition écologique par exemple. Une partie de la rémunération des agents pourrait, ainsi, être conditionnée à la mise en œuvre du plan de sobriété ou à l'engagement dans la planification écologique. Nous aurons des discussions à ce sujet au sein des comités sociaux d'administration (CSA) issus de la loi de transformation de la fonction publique de 2019.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué des éléments qui ne relèvent pas de la fiche de paie. La débureaucratisation fait partie des chantiers que nous avons lancés avec les organisations syndicales avant les élections professionnelles. Nous avons également ouvert des discussions au sujet du logement des fonctionnaires. Cette question est absolument centrale, car elle renvoie aux enjeux de mobilité et de rapprochement des familles. Tous les leviers doivent être mobilisés, pour produire davantage de logements, renforcer la transparence dans l'attribution des logements sociaux et éventuellement mettre en place une bonification dans l'accès à ces derniers pour les fonctionnaires. Dans les zones tendues, ce pourrait être un facteur d'attractivité.

M. Guillaume Gouffier-Cha m'a interrogé sur l'application de la durée annuelle de travail de 1 607 heures. Cette réforme était prévue par la loi de transformation de la fonction publique de 2019, avec une échéance en 2022 pour les communes et intercommunalités et en 2023 pour les départements et les régions. À l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a estimé, il y a quelques semaines, que la loi ne remettait pas en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales. Elle doit donc s'appliquer. Je n'ai d'ailleurs aucun doute quant au fait qu'elle le sera.

Je lie les questions qui m'ont été posées sur les cabinets de conseil au chantier relatif à la réinternalisation de certaines compétences et au renforcement de l'attractivité.

Nous aurions tort de laisser le sujet des cabinets de conseil aux populistes. Ce n'était pas l'esprit de la commission d'enquête sénatoriale et du travail transpartisan qui a été mené, ni celui de vos interventions, mais nous savons que certains, notamment sur les réseaux sociaux, aimeraient l'instrumentaliser.

Le recours aux cabinets de conseil doit être mieux encadré, y compris pour des raisons de bonne gestion des deniers publics. Un nouvel accord-cadre, relevant de la DITP, a été publié avant l'été. Il couvre l'ensemble des prestations de conseil en stratégie utilisées par les cabinets ministériels, et reprend l'intégralité des recommandations de la commission d'enquête en matière de déontologie, de transparence, de capacités d'internalisation ou de limitation des montants. Un jaune budgétaire a été publié et, je l'ai indiqué la semaine dernière aux sénateurs, je défendrai un amendement dans le cadre du budget pour le pérenniser, afin de pouvoir suivre l'ensemble des commandes et leurs montants. Si un ministère ne souhaite pas publier une commande, il devra le justifier.

Dans notre budget, nous avons fait le choix de réinternaliser des compétences, en créant quinze postes au sein de la DITP. Nous avons engagé une cartographie des ressources susceptibles d'effectuer du conseil en interne. Nos services d'inspection, comme l'inspection générale des finances (IGF) ou l'inspection générale des affaires sociales (Igas), sont en capacité de réaliser des missions, qui pouvaient d'ailleurs être redondantes avec celles que nous confiions à des cabinets de conseil.

Comme je l'ai indiqué lors de l'examen de la proposition de loi sénatoriale, celle-ci ne me semblait pas totalement atteindre certains objectifs de proportionnalité et d'efficience. J'ai donc fait systématiquement des contre-propositions. Je souhaite que nous trouvions un consensus et que le texte soit voté, dans une logique de renforcement de l'État.

Madame la rapporteure pour avis, je partage vos recommandations en matière de déontologie. La loi de transformation de la fonction publique de 2019 a créé une architecture, qui repose sur des lignes directrices en matière de gestion des ressources humaines pour les managers, la nomination de référents déontologues dans chacune des administrations et, pour les cas les plus complexes, une intervention de la HATVP. Ce dispositif fonctionne. Nous devons toutefois améliorer l'animation du réseau des référents déontologues et mieux les former. La proposition que vous formulez en la matière me semble très intéressante. Nous devons également accentuer la collaboration entre l'Agence française anticorruption (AFA), la HATVP et la DGAFP.

Le programme France Services fonctionne. À la fin de l'année, nous aurons déployé 2 600 maisons France Services dans les territoires. C'est une promesse tenue : le Président de la République voulait que chaque Français dispose d'un service public à moins de trente minutes de chez lui, c'est chose faite pour 99 % de nos concitoyens, non seulement sur le territoire métropolitain, mais aussi dans les outre-mer.

Nous allons renforcer encore le réseau : l'État va maintenir son engagement financier, afin de créer 150 maisons supplémentaires au cours de l'année prochaine et atteindre ainsi 2 750 maisons France Services.

Nous pouvons aller plus loin. Vendredi dernier, lors de la réunion du comité de pilotage France Services avec l'ensemble des opérateurs, j'ai lancé la « saison 2 » de France Services, qui s'articulera autour de quatre axes.

Premier axe – que vous avez évoqué, monsieur le président : enrichir le bouquet de services, au-delà du bouquet socle proposé par les neuf opérateurs actuels. Nous expérimentons par exemple une participation de la Banque de France, pour mieux accompagner les ménages en matière de surendettement. Si cela fonctionne, nous pourrons le généraliser à l'ensemble des maisons France Services. D'autres services font l'objet de demandes très fréquentes, par exemple MaPrimeRénov'. Il faut que les maisons France Services soient capables d'apporter un certain nombre de réponses de premier niveau, bien évidemment sans se substituer aux opérateurs.

Deuxième axe : favoriser la montée en compétences des agents des maisons France Services. J'ai annoncé le doublement du volume d'heures de formation qui leur est dévolu. C'est de cette manière que nous offrirons un service public de qualité.

Troisième axe : renforcer l'« aller vers ». Nous allons poursuivre le développement des bus France Services, au nombre de 127 actuellement, ainsi que des dispositifs de covoiturage solidaire. En outre, nous avons consacré 250 millions d'euros du plan de relance au déploiement, dans les territoires, de 4 000 conseillers numériques France Services, pour former les Français et lutter contre la fracture numérique.

J'ai rencontré la Défenseure des droits et partage le constat : 13 millions de nos concitoyens sont éloignés du numérique, et c'est un problème qu'il faut prendre à bras-le-corps. Ce n'est d'ailleurs pas du tout antinomique avec la numérisation d'un certain nombre de services publics ou le recours à l'intelligence artificielle. Il faut en même temps moderniser les services publics – par exemple pour permettre des démarches plus rapides à partir d'un smartphone – et accompagner celles et ceux qui sont le plus éloignés du numérique. C'est ce que nous faisons dans les maisons France Services et avec les conseillers numériques.

Quatrième axe : mettre en réseau et créer des synergies entre les maisons France Services et les services publics existants – les mairies, évoquées par Mme Poussier-Winsback, mais aussi les guichets des caisses d'allocations familiales (CAF), des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) ou des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat). Il ne peut pas y avoir le réseau France Services d'un côté et le réseau des services publics de l'autre !

Il faut s'inscrire dans une logique de guichet unique universel. Je ne suis pas favorable à un doublement ou à un triplement du nombre de maisons France Services, car je pense que nous avons atteint la bonne maille – ce qui n'empêche pas de compléter opportunément le réseau ici ou là. Pour construire ce guichet unique universel, nous devons établir un cahier des charges commun des réponses de premier niveau qui doivent être apportées dans l'ensemble des guichets physiques des services publics. Nous devons aussi travailler sur la question du numéro de téléphone. C'est de cette manière que nous renforcerons la proximité au bénéfice de nos concitoyens.

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