Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Les autres ne devaient pas le savoir, alors ! Cette réforme est opérationnelle, nous pouvons le dire après un an de mise en œuvre. Alors que les mineurs étaient jugés une fois sur deux quand ils étaient majeurs, ils le sont désormais dans un délai maximal de huit mois. Quand on s'attaque à la délinquance des mineurs, il est extrêmement important de lui apporter une réponse pénale très rapide.

Monsieur Balanant, je connais votre investissement concernant le harcèlement scolaire. Bien sûr, il faut renforcer les liens entre éducation nationale et justice. Mais, alors qu'on ne reproche pas la maladie au médecin, on reproche la délinquance au garde des sceaux. Pourtant, quand nous sommes saisis, il est déjà bien tard et mille raisons expliquent les faits : l'éducation, ce qu'on appelle la « culture de l'excuse » ou d'autres motifs sociologiques. Quand elle est confrontée à un féminicide qui n'a donné lieu à aucune alerte préalable, comment la justice peut-elle intervenir en amont ? La prévention, c'est essentiel. Les féminicides, c'est l'histoire de tout le monde, à commencer par les voisins.

Monsieur Boucard, vous m'interpellez sur la réduction des délais. Bien sûr, la justice est beaucoup trop longue, je l'ai dit dès mon arrivée au ministère. La plateforme citoyenne des États généraux de la justice le met en lumière, tout comme elle met également en avant la méconnaissance de la justice. Quand nous avons recruté des contractuels, on m'a regardé, au mieux, avec circonspection… et gratifié, au pire, d'un déluge de critiques au motif qu'il fallait embaucher des magistrats. Mais nous n'avions pas le temps de les former !

Dix-huit mois plus tard, on m'a demandé de pérenniser l'emploi de ces contractuels. C'est la démonstration que nous ne nous étions pas trompés. C'était audacieux mais, avec les magistrats qu'ils aident au quotidien, ils ont permis de faire diminuer le stock d'affaires civiles de près de 30 %. La baisse est également tangible au pénal. La justice va donc plus vite, mais elle doit aller encore plus vite, et être encore plus protectrice. C'est pourquoi nous proposons le recrutement de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, ainsi que de contractuels, et des moyens matériels.

Les dernières consultations des États généraux de la justice se sont terminées il y a quelques jours. Nous allons présenter les conclusions législatives et réglementaires mi-novembre – vous serez bien évidemment associés. Certaines mesures réglementaires, qui font l'objet d'un consensus, vont permettre d'alléger la procédure civile et donc d'aller plus vite – équipe autour du magistrat, médiation, etc. Il faut aussi inciter les avocats à aller vers cette dernière, c'est-à-dire les payer comme s'ils allaient au procès.

À la suite du rapport Sauvé, j'ai souhaité instaurer une nouvelle gouvernance. J'ai transmis ce rapport, ainsi que ses annexes, à tout le monde ; j'ai reçu tous les acteurs de la justice, sauf ceux qui n'ont pas souhaité franchir ma porte – c'est leur responsabilité –, et nous avons retenu toutes les propositions consensuelles. Pourtant, ce n'est pas de l'eau tiède ! Tout le monde a compris qu'il s'agissait d'une chance historique de moderniser la justice et de la rendre plus efficace, plus protectrice, plus rapide.

Madame Untermaier, vous comparez les 8 500 emplois du ministère de l'intérieur et les 10 000 créés sur le quinquennat au sein du ministère de la justice. Vous soulignez que la détention provisoire ne diminue pas. C'est vrai, et c'est une réponse à ceux qui affirment que la justice est laxiste. Non, la justice n'est pas laxiste, les prisons sont archipleines et la détention provisoire ne faiblit pas. On ne peut reprocher au ministère d'être laxiste tout en le blâmant de la surpopulation carcérale !

Je prends note de la création d'une mission d'information sur l'évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, que vous corapportez avec M. Jean Terlier. Depuis l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, le nombre de mineurs détenus est en baisse de 12 %. C'est un succès, même s'il ne faut pas se réjouir trop vite, et analyser ces chiffres en détail. Les 92 créations d'emplois prévues à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le projet de loi de finances pour 2023 s'inscrivent dans la continuité des 338 créations d'emplois entre 2018 et 2022. Nous accentuerons les efforts durant le quinquennat.

Vous m'interrogez sur les logiciels. Ceux de la Cour de cassation et du Conseil d'État fonctionnent très bien – mon directeur de cabinet peut en témoigner. Mais on ne peut nier le problème d'adaptation et de gestion des flux. Nous allons donc renforcer le réseau et proposons qu'un spécialiste informatique se rende dans les juridictions pour régler les problèmes locaux – l'idée est plutôt bien accueillie.

Monsieur Lemaire, je ne suis pas en mesure de vous dire combien de magistrats vont être affectés dans chaque juridiction, car c'est du ressort du dialogue de gestion piloté par la direction des services judiciaires. Du fait du défaut d'attractivité des juridictions de Cayenne et Mayotte, nous avons créé une brigade de soutien. Ainsi, des magistrats en poste en métropole pourront aller y travailler six mois, en ayant la certitude de retrouver leur poste. Le Conseil supérieur de la magistrature vient de donner son aval au dispositif.

Monsieur Iordanoff, j'ai déjà répondu sur les stocks. Il s'agit d'une préoccupation tout à fait légitime.

Madame K/Bidi, souvenez-vous de la mission relative à la profession d'avocat, dite Perben. Elle comprenait de nombreux avocats. Nous allons au-delà de ses préconisations concernant l'aide juridictionnelle (AJ) avec une hausse de plus de 50 % du budget, à 641 millions d'euros en 2023, contre 430 millions d'euros en 2020.

Monsieur Acquaviva, il est impossible de recruter simultanément 1 500 magistrats pour une raison simple : il faut les former et leur formation doit être de qualité, à hauteur de leurs futures responsabilités. Il faut donc prévoir des concours et des recrutements qui prennent en compte les locaux et les enseignants disponibles.

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