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Intervention de Jérémie Iordanoff

Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff :

J'ai bien noté que les crédits de la mission Justice augmentaient cette année. Malheureusement, le volontarisme que vous affichez ne suffira pas à combler l'immense retard que nous avons accumulé depuis de trop nombreuses années. Nous partons en effet de très loin : le personnel est à bout, il n'a plus les moyens de rendre une justice de qualité, la justice civile est débordée, les cabinets des juges pour enfants sont saturés, les procureurs sont en sous-effectif et les cadences sont infernales. La perte de sens est totale.

Au niveau européen, la France se situe dans les derniers rangs s'agissant des budgets attribués à la justice. L'Allemagne compte deux fois plus de juges, de procureurs, d'avocats et de greffiers que la France, et même l'Espagne, l'Italie et la Belgique font mieux que nous. Le résultat de ce manque d'investissement, c'est l'allongement sans fin des délais de jugement. Le recours à la justice est devenu un véritable parcours du combattant, les requérants ne sont plus écoutés, les juges des affaires familiales sont trop souvent contraints de traiter chaque dossier de divorce ou de séparation en quinze minutes, sans même prendre le temps de donner la parole aux couples. Quant aux juges des enfants, ils sont condamnés à renouveler les mesures de suivi éducatif sans voir les familles, le nombre de dossiers à gérer étant tel qu'ils ne peuvent les recevoir toutes. Les délais de jugement sont scandaleusement longs : en première instance, au civil, un dossier est instruit en moyenne en 420 jours en France contre 220 jours en Allemagne.

Face à cette justice en crise, face à l'urgence dans laquelle nous sommes, les mesures que vous annoncez ne sont pas à la hauteur. Les présidents des tribunaux demandent 1 500 magistrats immédiatement – pas sur cinq ans ! Or 200 magistrats en 2023, ce n'est pas suffisant. Même constat pour l'équipe autour du magistrat : le juge a besoin de greffiers et de juristes assistants. Là encore, les effectifs et les revalorisations que vous annoncez ne sont pas à la hauteur. Il faut recruter davantage de greffiers pour que leur charge de travail soit raisonnable, avec un ratio minimum de deux greffiers pour un magistrat. Il faut aussi rendre leur fonction plus attractive en améliorant leur statut, leur rémunération et les perspectives d'évolution, par exemple en passant tous les greffiers en catégorie A. Il faut aussi revaloriser la carrière des juristes assistants, qui doivent pouvoir bénéficier d'un statut pérenne et attractif. L'absence de perspective à long terme – ils sont recrutés pour trois ans, renouvelable une fois – les incite à chercher un emploi plus stable, même lorsqu'ils s'épanouissent dans leur mission.

Malgré des efforts notables, ce projet de budget reste en dessous des besoins et ne résout pas à lui seul les grandes difficultés auxquelles fait face la justice de notre pays.

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