Le pragmatisme nous invite d'abord à saluer la hausse des crédits alloués à la justice par ce budget pour 2023. Néanmoins, le réalisme nous oblige à nous rendre à l'évidence en décelant sous cette hausse un véritable budget de l'impuissance. Non, il ne permettra pas de rompre avec le laxisme judiciaire face à l'insécurité qui gangrène notre pays depuis des années.
Monsieur le ministre, vos fonctions font de vous d'abord le garant de l'exécution des peines prononcées. Pourtant, tout est fait pour qu'elles ne soient plus exécutées. Je n'invente rien, ce sont vos chiffres qui le démontrent : seules 21 % des personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à six mois font réellement l'objet d'une détention. Pire, vous souhaitez atteindre les chiffres de 18 % en 2023, 16 % en 2024, puis 14 % en 2025. Au lieu de poursuites en bonne et due forme après la commission d'un délit, les alternatives aux poursuites ou les peines alternatives, dont vous êtes friand et dont on sait pourtant qu'elles n'ont aucun effet, sont en constante augmentation. Le taux de rappels à la loi par délégué du procureur de la République passera ainsi de 30 % en 2020 à un objectif de 47 % en 2025. Le taux de peines alternatives à l'emprisonnement ferme passe, quant à lui, de 76,9 % en 2020 à un objectif de 81 % en 2025.
C'est donc sur cette base et sur ces prévisions que se fonde ce budget de la justice, qui témoigne d'un laxisme inacceptable pour les victimes et contre-productif pour prévenir la récidive. Beccaria disait que la certitude d'une punition, même modérée, fera toujours plus d'impression que la crainte d'une peine terrible si à cette crainte se mêle l'espoir de l'impunité. Vous devriez vous en inspirer. C'est tout le sens de nos propositions et du projet défendu par Marine Le Pen durant sa campagne présidentielle, proposant de privilégier les peines courtes, réputées plus efficaces pour prévenir la récidive et éviter que la petite délinquance du quotidien ne se transforme en grand banditisme.
Par votre intermédiaire, l'État abandonne progressivement l'une de ses missions régaliennes en la sacrifiant sur l'autel de la bien-pensance et de l'angélisme. Au bout du compte et comme toujours, cela pèse sur les Français, qui subissent l'insécurité au quotidien.
Sur le territoire dont je suis élu, le Loiret, un cas illustre toutes les contradictions et les injustices de votre politique. Le 20 septembre 2020, Valentin, 19 ans, était fauché par un automobiliste conduisant sous l'influence de l'alcool et de stupéfiants. Aujourd'hui, 25 octobre 2022, deux ans après les faits, la procédure est toujours en cours, interminable. Les parents de la victime m'ont fait part de leur immense chagrin et de ce qu'a d'insoutenable l'attente d'un jugement définitif et d'une réparation qui ne sera jamais à la hauteur de leur perte. Pendant ce temps, l'auteur est en liberté, a toujours son permis de conduire et, au volant de son véhicule, nargue les habitants de Montargis, dont les parents de Valentin et sa petite sœur.
Plus occupé, depuis votre nomination, à combattre le Rassemblement national qu'à apporter des réponses concrètes pour lutter contre la délinquance et à la criminalité, vous abdiquez une nouvelle fois, alors que l'insécurité vécue par nos concitoyens justifierait une réponse judiciaire forte. Ce budget révèle un projet politique : celui de l'impunité généralisée et du permis de commettre des infractions. Au fond, il dévoile une nouvelle corde à votre arc : la capacité de faire moins bien avec plus.
Qu'attendez-vous pour orienter ces hausses de budget vers le renforcement de la politique d'exécution des peines de l'ensemble des délinquants et pour rompre avec le marqueur de votre impuissance qu'est le déploiement massif des peines alternatives ?