Vous avez raison : moi aussi j'en ai assez des caricatures, d'entendre réciter ce que nous avons appris depuis quinze ans. Je ne suis pas content non plus que le rapporteur attaque avec un mensonge.
Vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que l'inflation en outre-mer n'est pas de 11 %. Si vous mentez volontairement sur l'évolution du budget, comment croire le reste de votre discours ?
Et vous, madame la représentante du Rassemblement national, je ne répondrai pas à vos questions. Pour ce que vous avez évoqué, j'ai fait condamner le Front national à Lyon – et j'ai reversé l'argent à des associations. Vraiment, ce n'est pas possible : vous répétez des propos pour lesquels vous avez été condamnés, vous mettez la discussion sur le plan politique, alors que nous devons parler de l'outre-mer ! Quand l'avenir de millions de personnes est en jeu, on ne ment pas !
S'agissant de l'accès à l'eau en Guadeloupe, les problèmes ne sont pas financiers, à ce stade, mais organisationnels. Les réunions que nous avons tenues sur place après la tempête Fiona, la venue à Paris du président du SMGEAG et le voyage en Guadeloupe de mon directeur de cabinet ont permis de clarifier les priorités et les questions de gouvernance. La gouvernance appartient clairement au président du SMGEAG, mais avec un comité qui comprend les présidents du conseil régional et du conseil départemental et le préfet. Tout le monde s'est mis d'accord, nous avons recruté un directeur général et planifié les travaux. Il y a de l'eau, même s'il n'y en a pas assez. Il y a des tuyaux d'eau, même s'ils sont percés. Je suis confiant quant à ce nouveau départ, qui était nécessaire.
Concernant les sargasses, nous appliquons la même méthode. Je ne suis pas pour un État colonial. Le ministre n'a pas à décider à la place des élus et de la population – ce n'est ni le souhait du Gouvernement ni celui du Président de la République. Nous sommes dans un schéma de plus forte responsabilisation, un schéma de rupture.
À Saint-Martin, d'où je reviens, le service public anti-sargasses fonctionne. C'était le plus facile, puisqu'il n'y a qu'un interlocuteur. En Guadeloupe, il me semble que nous en sommes parvenus au point où cela va fonctionner. En Martinique, la question est de savoir s'il faut inclure les mairies dans la gouvernance du système. Elle devrait être résolue début novembre, lorsque je me rendrai sur place.
S'agissant du BQP, je ne cherche pas à avoir une cohérence d'ensemble : on ne mange pas la même chose partout ! En revanche, il doit y avoir une cohérence de méthode. Les BQP en vigueur représentent 1,3 à 1,4 % du panier familial de consommation. L'objectif est de les augmenter progressivement, avec un optimum idéal de 5 %. Il faut aussi impliquer les collectivités dans la création de la chaîne de prix. Je l'ai dit, je suis satisfait qu'elles aient répondu positivement. Je veille également à jouer à la fois sur les entreprises locales et sur ce qui vient d'ailleurs : j'ai engagé une discussion avec les grands groupes qui fournissent des produits à l'outre-mer. Enfin, je travaille à la question extrêmement compliquée du transport, qui soulève un problème de prix mais aussi problème de capacité. J'aurai des discussions avec Air France la semaine prochaine pour qu'il y ait de la place dans les soutes pour transporter des marchandises. Pour le reste, les discussions sont en cours et aboutiront le 15 novembre.
S'agissant du développement régional, il est assez simple d'y travailler en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. C'est plus compliqué avec les Antilles, la Guyane, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon – en somme, tous ceux qui sont dans le système européen des RUP (régions ultrapériphériques). La Nouvelle-Calédonie pourrait avoir un accord de libre-échange total avec les Fidji ou le Vanuatu, mais l'équivalent n'est pas imaginable pour les collectivités qui font partie de l'Union européenne. Avec l'Europe, il y a des avantages financiers – les fonds européens sont très importants, je n'en ai pas encore parlé, et ils ne sont d'ailleurs pas suffisamment consommés – mais il y a aussi des règles, souvent compliquées. Ainsi, le financement du port de Futuna vient de perdre trois ans à cause d'un changement de méthode, et je ne parle même pas du renouvellement des flottes de pêche. Bref l'inclusion dans l'espace régional doit intervenir à deux niveaux, politique et économique, et il faut tenir compte des règles européennes. Je serai à Bruxelles les 16 et 17 novembre pour la réunion des RUP et nous essaierons de progresser !
J'en viens aux questions sur l'habitat indigne. S'agissant de l'agglomération de bidonvilles de Mamoudzou-Koungou, une mission partira dans les jours prochains avec l'objectif très concret de la création d'une SPLA (société publique locale d'aménagement), pour laquelle j'ai obtenu l'accord de principe du maire de Mamoudzou et du président du conseil territorial. Quant à Saint-Laurent du Maroni et Fort-de-France, je me bats pour récupérer un peu d'argent du Fnap. Il faudrait 50 millions d'euros.
Comme monsieur Nilor, j'ai lu le bel article de Patrick Chamoiseau sur le terme d'ultramarin – je le rencontrerai dans les jours qui viennent. Je suis plutôt d'accord avec vous : l'histoire est là, alors que construit-on maintenant ? Cessons de croire que le budget résume l'action des pouvoirs publics, des collectivités locales et de chaque citoyen ! Le budget ne résout pas tout, et le ministre encore moins : il participe. Nous pourrons rediscuter de ces termes. Je m'occupe d'outre-mer depuis 1988, et l'on me reproche autant de dire « outre-mer » que « métropole ». Ça devient compliqué… Mais ce problème sémantique soulève une question de fond. L'histoire est complexe. On parle de colonisation dans les outre-mer, mais ce qui s'est passé en Polynésie n'a rien à voir avec ce qui s'est passé au Togo, dans les Antilles ou à Mayotte. Essayons de ne pas être binaire, mais parlons-en.
La hausse des remboursements de cotisations sociales signifie que la situation s'améliore – qu'il y a plus de salariés ou qu'ils gagnent plus. On peut considérer que ce n'est pas suffisant, mais j'en suis tout de même heureux.
Les défis existent, mais nous les relevons. C'est le cas avec les sargasses. Quant à l'eau potable, ce n'est pas le ministre qui décide de faire une nouvelle bassine ou une usine de dessalement de l'eau de mer à Mayotte : il influe, mais la décision appartient aux élus locaux. Je discute à leurs côtés avec Vinci ou Bouygues Construction, mais je ne déciderai pas. Ensuite, nous pourrons les aider techniquement, s'ils le demandent.
Un mot à propos de la jeunesse. À Saint-Martin, j'ai été étonné du dynamisme de ce qui se passe. La création de la mission locale date de mai 2022 ; c'est un succès. Quant à la « militarisation » des jeunes, si tous les élus locaux et toute la population souhaitent l'installation d'un régiment du service militaire adapté, ce n'est pas pour avoir des militaires mais parce qu'il s'agit d'un outil de formation efficace. Sur place, j'ai tout simplement été applaudi dans la rue !
Mayotte mérite plus, même si nous faisons déjà beaucoup. Je m'y rendrai à nouveau, et je recevrai cet après-midi l'ensemble des maires, qui sont à Paris. Nous progresserons. Nous devons agir tant en matière de sécurité qu'en matière d'investissements et de responsabilisation. Par exemple, les habitants veulent travailler, mais il faut parfois quatre heures pour y aller le matin et quatre heures pour revenir ! Voilà la réalité de Mayotte, qui me préoccupe autant que l'immigration sauvage. Il faut agir dans les deux domaines.
Quant aux CCT, ce qui m'étonne, c'est la sous-consommation des crédits, mais sachez que nous travaillons sur la question de l'assistance technique. Les prochains CCT présenteront en préambule tous les investissements nécessaires au cours des vingt années suivantes, qui devront être priorisés, puis un relevé des discussions menées avec les départements, les régions et l'État pour faire converger les fonds européens, et enfin, et c'est le principal, une feuille de route économique.
Il faut déterminer ce que l'on veut faire, sur le plan du développement économique, pour les vingt à trente ans qui viennent, mais aussi ce que l'on est capable de réaliser. On ne fera pas à la Martinique des stations touristiques comme à Saint-Domingue : la différence est trop grande en termes de pauvreté. Ce qui m'amène à observer au passage que l'immigration, dans nos territoires d'outre-mer – je mets Mayotte à part – est aussi un signe, même si elle pose de nombreux problèmes, que la République, c'est mieux que le reste. Il faut le dire, de temps en temps !
Madame Desjonquères, c'est en Guadeloupe et à Mayotte qu'on rencontre les principales difficultés d'accès à l'eau. À Mayotte, nous venons de signer une convention en la matière, qui porte sur 411 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable. Je suis en discussion avec les élus locaux pour que les entrepreneurs agissent vite.
Partout doivent se développer des projets d'Ehpad. Nous travaillons à rassembler les propriétaires et les gestionnaires, mais ces projets appartiennent aux élus locaux. L'État veut les accompagner, mais pas gouverner les territoires à leur place. Le Président de la République a une vision très forte à ce sujet.
La continuité territoriale présente deux facettes, externe et interne. La première concerne tous les territoires ultramarins. Nous avons rencontré un premier succès, en la matière, en sauvant Air Austral. Ce fut difficile, mais nous sommes arrivés, avec Mme Bello, à nous mettre d'accord, y compris pour préserver la desserte de Mayotte. Je cherche à présent la modique somme de 550 millions pour venir en aide à Corsair et Air Caraïbes. Par ailleurs, Air France doit faire un effort sur la fréquence des dessertes – je pense en particulier à Saint-Martin – et les tarifs.
La continuité externe est également maritime. Pour ne citer que les Antilles, je discute avec les directeurs des ports de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre au sujet de l'adaptation aux évolutions en cours dans le monde du transport, notamment l'augmentation de la taille des bateaux et leur verdissement. Il est de l'intérêt de ces ports d'être des hubs d'où partent les liaisons vers les îles de la région. Cela représente pour chacun d'eux un investissement de 200 millions.
La continuité intérieure, elle, relève d'abord des régions et des départements, même s'ils peuvent solliciter le ministère des outre-mer pour obtenir une aide technique ou financière. Une des difficultés actuelles concerne Futuna, que plus aucune compagnie ne dessert à partir de Wallis. Ce sont des sujets difficiles, qui demandent du temps.
En matière de logement, il me semble que le Plom est paralysé par ses procédures de contrôle. J'ai rencontré tous les présidents de collectivités et les maires intéressés. Nous avons déterminé des priorités à Mayotte, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Pointe-à-Pitre, pour ne citer que ces collectivités. Il nous faut construire du logement social, mais pas uniquement : loger les fonctionnaires qui font tourner les hôpitaux et les écoles est aussi important, surtout compte tenu du prix du studio à Saint-Barth. La LBU est utilisée pour des actions qui excèdent parfois son périmètre. Nous devons travailler avec les collectivités locales dans tous ces domaines, en créant éventuellement des SPLA ou des OIN. Cela permettrait un engagement supplémentaire de l'Agence nationale de l'habitat et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Monsieur Naillet, certes l'inflation est plus faible qu'en France hexagonale, mais elle frappe une population qui n'a pas le même niveau de vie.
S'agissant de l'énergie, j'ai beaucoup insisté pour que le bouclier tarifaire s'applique outre-mer. Les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) s'appliquent aux entreprises de moins de 1 million d'euros de chiffre d'affaires ou de moins de 10 salariés, soit la très grande majorité des sociétés outre-mer, qui bénéficient du bouclier tarifaire domestique. Par ailleurs, je mène actuellement des négociations, non sans difficulté, au sujet du plafonnement du TRVE pour les entreprises de plus de 1 million d'euros de chiffre d'affaires ou plus de 10 salariés ; cela concerne principalement les services publics, notamment dans le domaine de l'eau.
Madame Moutchou, c'est vrai, le budget n'est pas la seule, ni même la principale réponse aux enjeux de l'outre-mer : ce qui prime, c'est l'engagement collectif.
Les moyens engagés en faveur de la diversification agricole passent de 3 à 6 millions d'euros. En parallèle, nous avons recours au Fonds européen agricole pour le développement rural, et le ministère de l'agriculture accomplit pour sa part un gros effort. Je suis en discussion avec l'Odeadom (Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer) et m'efforce d'activer le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité. Un petit plaisir : on a enfin ouvert l'abattoir de Saint-Martin, dont j'avais émis l'idée il y a vingt ans, lorsque j'étais préfet de Guadeloupe ! Reste à régler les dysfonctionnements qui font que cela a été si long.
Monsieur Iordanoff, s'agissant du logement et des collectivités locales, nous avons tenu les engagements du Président de la République. Nous accomplissons des efforts en matière d'enseignement et de recherche. Il y a une université à Mayotte. Nous travaillons sur le Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Guyane. Nous rénovons des hôpitaux. Tout ne va pas bien, c'est vrai, mais il faut avoir conscience des efforts collectifs qui sont faits.
J'ai découvert récemment qu'en Guyane, on se connectait fréquemment au réseau surinamien pour avoir la 4G, ce qui est plus onéreux. J'ai déjà rencontré à cinq reprises le président Serville, avec qui nous bâtissons des projets, notamment en matière énergétique.
Ce serait une erreur de supprimer les usines de fabrication fonctionnant au fioul : mieux vaut les convertir au bioliquide. Dans chaque territoire il doit y avoir, même si on souhaite s'en servir le moins possible, une usine productrice d'énergie à partir du bioliquide ou du gaz. Il n'est pas admissible que, dans une zone non interconnectée (ZNI), on ne bénéficie pas d'un système stabilisé offrant une certaine sécurité énergétique. C'est pourquoi la République finance des usines dont l'ambition est de ne pas fonctionner, ou le moins possible – 500 ou 700 heures par an. On ne peut pas laisser les ZNI fonctionner uniquement avec les énergies renouvelables : cela les condamnerait à n'avoir aucune industrie lourde et stable. Ainsi, monsieur Dunoyer, j'espère qu'on arrivera à verdir tout le nickel, mais il faudra tout de même une centrale au gaz si nous voulons être crédibles !
S'agissant du covid, j'ai fait des propositions et j'attends une réponse officielle. Il est naturel que les syndicats en demandent toujours plus, mais l'ensemble du corps médical hospitalier est opposé à la réintégration des soignants non vaccinés. Il faut trouver une voie, même si elle sera étroite. J'ai renoué des discussions personnelles avec Gaby Clavier et Élie Domota, que je connais de longue date. En tout état de cause, je respecterai l'avis de la Haute autorité de santé. La question demeure pour les non-soignants, mais nous avons fait, me semble-t-il, des propositions intéressantes à leur égard.
Monsieur Brotherson, en effet, le BQP ne s'applique pas chez vous. La stratégie indo-pacifique n'a pas uniquement une traduction budgétaire : elle a d'abord pour finalité que la Polynésie vive bien. Enfin, je vous confirme que le dispositif de défiscalisation est prorogé.