Création de richesse dans les outre-mer, dites-vous ? Je m'interroge, comme nous devrions tous le faire, au sujet du terme « outre-mer ». Si, habitant Fort-de-France, je me qualifie d'ultramarin, cela signifie-t-il que je me définis par rapport à un centre, Paris ? Ce terme traduit le maintien d'un lien colonial entre l'Hexagone et nos territoires. Si je suis outre-mer pour vous, vous êtes outre-mer pour moi lorsque je suis en Martinique ! Ces difficultés sémantiques sont un aveu d'incompréhension et un malentendu persistant, qui devra être réglé.
De mandat en mandat, de secrétariat d'État en ministère de plein exercice, de budget en budget, le positionnement des territoires dans l'ensemble français et la prise en compte de leurs réalités semblent décidément bien complexes. Chaque année, en dépit des intentions louables du Gouvernement, et des efforts parfois sincères, le budget qui leur est consacré montre la nette insuffisance des moyens, en quantité et en qualité, pour répondre aux besoins des populations et à leur aspiration à mieux vivre.
Cette année encore, le budget alloué aux territoires dits ultramarins ne sera pas à la hauteur des ambitions légitimes des peuples, bien que la mission soit dotée de 2,665 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,489 milliards en crédits de paiement. Cette hausse est relative, puisqu'elle provient pour les deux tiers d'une hausse prévisionnelle et mécanique des compensations d'exonérations de cotisations sociales, après la baisse des années précédentes, dont la majorité est comptable.
Ce budget n'intègre pas les conséquences du mal-développement, et encore moins les effets retard des mesures prises dans la gestion catastrophique du covid dans des domaines clés – économique, environnemental, social et sociétal. Il occulte les grands défis qui nous attendent à moyen terme, comme la politique du grand âge, dans un contexte de vieillissement des populations, l'autosuffisance alimentaire, les pollutions environnementales – quid du service public anti-sargasses promis par le ministre des outre-mer ? – la gestion des ressources ou l'accès à l'eau potable en quantité et en qualité – pas seulement en Guadeloupe.
Ce budget est-il de nature à réduire les trop fréquentes discriminations et inégalités qui minent nos territoires ? Le programme 138 fait la part belle aux exonérations de cotisations au profit des moyennes et grandes entreprises, laissant de côté 90 % du tissu économique. L'approche exclusive par l'emploi des jeunes, qui mise essentiellement sur le service militaire adapté, traduit-elle une volonté de militarisation de notre jeunesse ? Les militaires seraient-ils les nouveaux missionnaires ?