Le budget que le Gouvernement souhaite consacrer aux outre-mer en 2023 est insuffisant. Si les documents budgétaires font apparaître une petite hausse en euros constants, il s'agit en réalité, compte tenu de l'inflation, d'une baisse de budget en euros courants.
Dans mon rapport, j'ai choisi de mettre en exergue le thème de la sécurité, cher à nos compatriotes ultramarins et complémentaire des « conditions de vie », titre de l'un des programmes de la mission.
La sécurité est la première des libertés. Dans un grand nombre de territoires d'outre-mer, la promesse républicaine n'est pas tenue. En septembre, une opération « île morte » a eu lieu à Mayotte en réponse à des affrontements entre bandes ou avec la police. En Guyane, la situation est telle qu'il a fallu convoquer des Assises de la sécurité. Et comment oublier qu'à l'automne 2021, les Antilles ont été le théâtre d'un embrasement social qui a vu les forces de l'ordre essuyer des tirs à balles réelles ?
Au-delà des coups de projecteur médiatiques, les chiffres sont parlants. Les faits de coups et blessures volontaires, par exemple, qui sont de 4,5 pour 1 000 personnes en France hexagonale, atteignent 7,4 en moyenne outre-mer et même 8,4 en Guadeloupe et 9,8 en Guyane. Les conséquences sont directes et quotidiennes pour plus de 2 millions de nos compatriotes. Comment vivre normalement lorsqu'on craint de se faire agresser, ou d'être victime d'un vol violent ? Comment aller travailler si les routes sont bloquées ? Comment assurer une éducation à ses enfants si sa voiture, le car scolaire ou l'école ont été incendiés ? Sans compter les conséquences de l'insécurité pour le tourisme et l'attractivité économique de ces territoires.
Lors des nombreuses auditions que j'ai conduites, les acteurs de terrain, en particulier, m'ont parlé d'impunité et de forces de l'ordre épuisées, de moyens insuffisants et d'équipements pas toujours adaptés. J'ai cherché, dans mon rapport, à rendre compte des principales causes de l'insécurité dans les outre-mer et à attirer l'attention sur des solutions déjà appliquées, à des degrés divers : les outre-mer ont besoin d'un choc de moyens et d'une volonté politique ferme, pour ne pas dire intraitable, face à l'insécurité.
Parmi les principaux facteurs qui alimentent l'insécurité, on trouve notre incapacité à contrôler correctement nos frontières outre-mer. Dans un environnement géographique souvent instable et économiquement défavorisé, cette porosité expose les territoires à tous les trafics – armes, stupéfiants, migrants. S'ensuivent des règlements de comptes, des infractions violentes, des coups de sang, sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool, à proximité d'armes.
Ces territoires connaissent de façon générale une situation socio-économique plus dégradée que le reste de la France, avec des nuances locales. Le chômage, les difficultés familiales et la pauvreté entretiennent l'insécurité mais souvent, le point de départ est la présence de personnes en situation irrégulière, habituées à une violence banalisée et aux trafics ou infractions lucratifs. La situation sécuritaire à Mayotte, submergée par une immigration incontrôlable en provenance des Comores, l'illustre suffisamment.
Les timides hausses d'effectifs des forces de l'ordre ne sont pas à la hauteur. Sans le choc de moyens que j'évoquais, la situation deviendra hors de contrôle. Coopération diplomatique, réponse judiciaire, développement socio-économique, moyens de surveillance et de contrôle aux frontières, présence de forces de l'ordre : tous ces axes doivent être renforcés et mobilisés. Mais surtout, rien ne sera possible sans une volonté politique forte.
Lors des auditions, les représentants des syndicats de police ont dit leur lassitude d'être sans cesse entendus par des parlementaires sans que rien ne change. À ce rythme, la situation deviendra selon eux incontrôlable dans dix ans, en Guyane et à Mayotte notamment. Plus que de la lassitude, nos forces de l'ordre sont en colère – et elles ont raison. Puissent-elles être non seulement écoutées, mais entendues pour que nos compatriotes ultramarins connaissent enfin le cadre de vie apaisé auquel ils ont droit.