Merci de me donner cette occasion de présenter la partie dépenses de la mission Outre-mer du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Pour ce qui est des recettes, le Gouvernement a eu recours au 49.3, ce qui donnera sans doute lieu à une motion de censure. En attendant, il a retenu quelques ajouts à son texte initial qui me semblent aller dans le bon sens.
C'est le cas de l'éligibilité à la défiscalisation du renouvellement de la flotte de pêche pour les navires de douze à quarante mètres à La Réunion – en parallèle, des discussions consacrées au financement du renouvellement se déroulent à Bruxelles, de manière, disons, franche et directe. Je pense aussi au travail sur le livre foncier à Mayotte, nécessaire pour progresser, au duty free aux Antilles, à la prolongation de deux ans du dispositif de défiscalisation pour la rénovation des logements libres en outre-mer, ou encore à la prolongation de 2025 à 2029 des dispositifs de défiscalisation – autant de bonnes nouvelles pour l'ensemble des populations ultramarines.
Le budget consacré à l'outre-mer est tourné vers le quotidien de nos concitoyens ultramarins. J'espère que son incidence sera rapide et visible. Il est bien plus large que la mission Outre-mer proprement dite, et retrace l'effort – certes lent – de la nation au profit de ces territoires. Ce sont en tout 32 missions et 101 programmes qui sont consacrés à l'outre-mer, 20 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 21,7 milliards en crédits de paiement (CP), soit une hausse, dont je me félicite, de 500 millions par rapport à 2022. Certains militent pour que la mission regroupe l'intégralité des programmes concernés. Cela ne me semble pas souhaitable. Mieux vaut qu'elle se concentre sur certains sujets et que chaque ministère puisse, en responsabilité et aussi à l'initiative des parlementaires, pousser des dépenses au profit de ces territoires.
Les principales missions intervenant en outre-mer sont les suivantes : Enseignement scolaire, pour 6 milliards, Outre-mer pour 2,8 milliards, Écologie, développement et mobilité durables pour 2,3 milliards – y compris la péréquation de l'énergie à Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, effort collectif de la nation au profit de nos compatriotes de ces trois territoires – Relations avec les collectivités territoriales pour 2,3 milliards, Solidarité, insertion et égalité des chances pour 1,9 milliard et Sécurités pour 1,3 milliard, cette dernière étant en hausse de 1 %.
Autre élément important de l'effort budgétaire en faveur des outre-mer, les dépenses fiscales sont stables, à 6,8 milliards. Il faut relativiser ce montant, qui est pour l'essentiel lié aux taux réduits d'impôt applicables outre-mer, notamment la TVA à taux nul pour les carburants. D'aucuns réclament une TVA à zéro pour les produits de première nécessité, contre 2,1 % actuellement. J'y suis opposé, car l'effet serait immédiatement annulé par les revendeurs. Ce sont des mesures structurelles qui sont nécessaires.
Le reste du champ de la défiscalisation s'élève à 1 milliard, dont 700 millions pour l'investissement productif et 300 millions pour le logement social. Nous travaillons avec le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour que cette défiscalisation cible bien l'investissement productif, c'est-à-dire créateur de richesse, et pas simplement « de confort ». J'ai lancé avec Gabriel Attal un travail d'évaluation du champ de l'investissement productif dans la perspective du PLF pour 2024.
Nombre de collectivités ultramarines rencontrent des difficultés financières structurelles, sans pour autant se trouver dans une situation de catastrophe absolue. Elles finissent toujours par régler les entreprises, mais avec des délais de paiement trop longs, ce qui entraîne des conséquences néfastes pour l'emploi. Il faudrait les ramener à 80 ou 90 jours. Nous travaillons avec l'AFD (Agence française de développement) à un système d'affacturage général qui offrirait aux entreprises un bol d'air immédiat.
Il y a lieu de se réjouir de l'achèvement du rattrapage de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (Dacom) dans le PLF pour 2023, conformément à l'engagement du Président de la République. Cette dotation affiche une hausse considérable de 150 millions par rapport à 2016, soit 71 %. Par rapport à 2022, la progression est de 26 millions, soit 11 %, et s'ajoute à celle de la dotation globale de fonctionnement – nous n'avons pas encore les données complètes, mais l'outre-mer aura sa part de l'augmentation de 300 millions constatée au niveau national. Toutefois, les collectivités ultramarines bénéficient d'une péréquation limitée. J'ai entamé avec ma collègue Caroline Cayeux un travail sur ce sujet qui nourrit un débat légitime.
Nous pouvons également nous réjouir de la stabilisation des dotations d'investissement au niveau national. La création d'un Fonds vert de 2 milliards a bien sûr attiré mon attention. Je ferai tout pour que les collectivités ultramarines puissent en bénéficier au maximum : je rencontrerai prochainement Christophe Béchu dans cette optique.
S'agissant de la lutte contre la vie chère, nous avons su nous mobiliser pour apporter des solutions d'urgence. Le paquet « pouvoir d'achat » de cet été a ainsi permis de débloquer 19 millions pour des aides d'urgence aux populations ultramarines – je regrette que la situation l'ait rendu nécessaire. Nous avons aussi lancé, avec Gérald Darmanin, la démarche d'un « Oudinot du pouvoir d'achat ». Elle devrait aboutir le 15 novembre – j'avais été trop optimiste en pensant que ce serait possible pour septembre – avec des engagements locaux et nationaux. Il s'agit d'accroître le nombre de produits figurant dans le bouclier qualité prix (BQP) et de trouver un accord de modération des prix.
Cette démarche a pris la forme de négociations locales conduites par les préfets et regroupant l'ensemble des parties prenantes – les acteurs économiques et, pour la première fois, les collectivités locales. J'ai fermement demandé à ces dernières de participer à cet effort de lutte contre la vie chère, sachant que les recettes de l'octroi de mer sont en nette progression – +11 % au premier semestre 2022. Dans la plupart des cas, elles ont répondu positivement. Quoi qu'il en soit, la vraie réponse à la vie chère passe par des mesures structurelles, par des réformes fortes et par la création de richesse et de valeur dans les territoires ultramarins.
Le Président de la République a souhaité ouvrir le chantier de la réforme de l'octroi de mer, à juste titre puisque ce dispositif est au cœur des politiques économiques : il représente des recettes pour les collectivités locales, mais aussi un moyen de dynamiser et orienter la concurrence et la production locale ainsi qu'un outil en faveur de l'écologie. Mais l'octroi de mer ne peut s'envisager séparément du reste de la fiscalité. Une réflexion de fond sur l'ensemble démarrera donc prochainement en vue d'aboutir à des réformes structurelles et, si nécessaire et sans tabou, institutionnelles.
J'en viens au détail de la mission Outre-mer et de ses programmes 138 Emploi outre-mer et 123 Conditions de vie outre-mer. Les crédits de la mission s'élèvent à 2,9 milliards en AE et 2,8 milliards en CP, en hausse de 11 %, soit 300 millions environ dans les deux cas. Il s'agit d'une hausse significative, puisque l'inflation outre-mer est plutôt légèrement plus faible qu'en métropole. Hors compensation des exonérations sociales patronales, les AE progressent de 8 %.
Quatre priorités sont identifiées.
La première consiste à répondre aux préoccupations quotidiennes des habitants, en particulier sur le plan environnemental. Concernant le Plan eau en Guadeloupe, la mission que j'avais confiée à mon directeur de cabinet Joël Mathurin s'est traduite par neuf engagements partagés par le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), la région et le département. J'ai sollicité et budgété une augmentation exceptionnelle de 10 millions pour accompagner le syndicat mixte. Cette somme sera versée en contrepartie d'engagements opérationnels et financiers en matière de gouvernance. Nous avons recruté un directeur « musclé », qui fait consensus. Les engagements seront suivis dans le cadre d'un contrat et d'une gouvernance à quatre – SMGEAG, conseil régional, conseil département et État. Il ne s'agit en rien de placer le SMGEAG sous tutelle mais de rassembler les énergies, chacun dans sa ligne de compétence, afin qu'en matière d'eau la Guadeloupe connaisse un « avant Fiona » et un « après Fiona ».
Par ailleurs, j'ai pu constater à Saint-Martin que la lutte contre les sargasses porte ses fruits. Le ministère contribue au programme Interventions territoriales de l'État à hauteur de 3,5 millions et prendra en charge, en 2023, la totalité des investissements nécessaires aux trois services publics anti-sargasses qu'il a été convenu, État et collectivités réunies, de créer. Nous réglerons ces affaires ultramarines avec un travail d'équipe renforcé, sans état d'âme et en se disant la vérité. Les parlementaires avec qui j'échange régulièrement savent que c'est ce que nous faisons.
S'agissant du logement, nous consommons la LBU (ligne budgétaire unique) depuis deux ans, et je m'en félicite. Les problèmes dans ce domaine ne sont pas financiers, mais liés au foncier et aux normes. Concernant le Fnap (Fonds national des aides à la pierre), Action Logement accepte de reporter les 400 millions qui lui restaient en réserve après son dernier plan d'investissement volontaire sur le suivant. Par ailleurs, nous essayons de développer dans plusieurs territoires – Mamoudzou et Koungou, Fort-de-France, Saint-Laurent du Maroni, Saint-Martin – des procédures particulières, avec des prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et des opérations d'intérêt national (OIN) d'accords parties. Il nous faut maintenant dépenser l'argent que nous avons, en trouvant le foncier que nous n'avons pas encore mais qui existe. Les opérations seront coordonnées. Je recevrai bientôt à Paris tous les organismes HLM d'outre-mer en vue de constituer une « armée » pour le logement.
Par ailleurs, les moyens en faveur de la continuité territoriale sont maintenus à 45 millions pour le droit commun et à 47 millions pour les dispositifs de soutien à la formation. La continuité territoriale est l'une de mes préoccupations majeures.
Deuxième priorité : la création de valeur sur chaque territoire. La Première ministre a accepté de prolonger d'un an les contrats de plan qui arrivaient à échéance cette année. La contribution du ministère de l'outre-mer est stable, à hauteur de 190 millions.
Les moyens en faveur de la diversification agricole restent modestes mais doublent tout de même, passant de 3 à 6 millions. C'est un signal. Par ailleurs, je négocie à propos du POSEI, le programme européen d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité. Le ministère de l'agriculture, lui, a accepté de maintenir son effort à hauteur de 45 millions. Enfin, la compensation des exonérations sociales versées par l'État progresse de 203 millions, ce qui signifie certes que l'État s'engage pour l'emploi, mais aussi que l'emploi progresse.
La troisième priorité vise à renforcer l'ambition républicaine pour et grâce aux habitants du territoire. Les projets de service militaire adapté (SMA) sont nombreux, avec une nouvelle implantation à Hao et une autre à Mayotte. Saint-Martin en demande une aussi : c'est bon signe !
Enfin, la quatrième priorité est l'accompagnement des collectivités territoriales. Le fonds outre-mer sera réabondé à hauteur de 10 millions pour poursuivre des actions d'assistance technique. Le projet global que nous déployons en liaison avec l'AFD dans l'océan Indien et l'océan Atlantique permettra de disposer d'un système quasi automatique d'assistance technique. Enfin, les moyens du FEI (fonds exceptionnel d'investissement) sont maintenus. Si une autorisation de programme affectée au FEI ne se concrétise pas, l'argent est perdu. J'invite donc les collectivités locales à ne proposer que des projets qu'elles pensent vraiment réaliser.