Ma sévérité à l'égard des maisons France services est plutôt une exigence : ces structures doivent fonctionner, elles ne peuvent pas décevoir. Or, dans certains endroits, elles ne sont pas correctement déployées – la Défenseure des droits l'a signalé sans que les préfectures qui pilotent ce déploiement en tiennent toujours compte.
Certaines maisons France services sont ouvertes dans des sous-préfectures. Ne serait-il pas plus simple de rouvrir les sous-préfectures ? Même si on peut se faire plaisir avec un label, l'important est d'avoir un accueil, quelqu'un auprès de qui les citoyens peuvent trouver des réponses et un accompagnement. Il ne faudrait pas, toutefois, que le bon démarrage des maisons France services serve de prétexte à certaines administrations pour fermer leurs accueils physiques – un phénomène déjà commencé et signalé par la Défenseure des droits et les agents. Je me dois d'alerter à ce sujet et aussi de mettre un bémol à la réussite des maisons France services : on en ouvre de plus en plus, à la satisfaction du public, et pourtant la Défenseure des droits constate une augmentation de 18 % des saisines.
Le problème perdure donc parce qu'on démultiplie les expériences de dématérialisation dans de nombreux domaines. Cette conduite du changement pourrait servir de cas d'école pour enseigner aux fonctionnaires ce qu'il ne faut pas faire : surtout, ne pas retirer les effectifs des structures avant de constater les gains concrets dans les procédures. Cela figure dans mon rapport et la Cour des comptes l'a également pointé. Ce ne sont pas 240 ETP, que l'on ne retrouve d'ailleurs pas dans le budget pour 2023, qui compenseront les centaines d'effectifs supprimés au sein des préfectures dans les cinq dernières années – depuis 2010, selon la Cour des comptes. Cela repart dans le bon sens, certes, mais trop timidement, et les problèmes persistent.
Le gain est plus appréciable dans les zones rurales, car les structures sont créées ex nihilo, sur l'emprise de chefs-lieux de canton. Mais il bénéficie surtout à l'administration, car le gain de temps résulte non pas de l'accélération des procédures, mais du report de la constitution des dossiers sur l'usager. Quand l'usager n'y arrive pas, parce que ses informations ne rentrent pas dans les cases du logiciel ou que celui-ci ne fonctionne pas toujours comme on l'espérait, on en arrive aux situations ubuesques décrites par M. Molac : les services de l'État le redirigent vers des associations.
Au nom de la majorité, M. Terlier a reconnu que l'on inversait la dynamique de recul des services publics. C'est bien de reconnaître ses erreurs, mais c'est aussi dommage d'avoir alerté en vain, en étant pris, comme l'a dit Elsa Faucillon, pour des ringards. Ces points d'accueil ne peuvent pas être que de l'aide au clic. Selon la Défenseure des droits, certains problèmes des personnes en situation d'illectronisme pourront être résolus dans les maisons France services, mais, pour celles qui n'utilisent pas habituellement d'adresse mail, ils perdureront. C'est pourquoi il faut que le législateur décide de garantir une procédure papier pour toute personne qui en fait la demande. C'est une exigence démocratique, pour rendre effectif l'accès au droit.
Monsieur Rambaud, je ne connais pas les projets immobiliers du ministère s'agissant de l'emprise territoriale de la DGSI. Le programme 216 pilotera de nombreux projets immobiliers et numériques au titre des 15 milliards d'euros de la Lopmi. Or, pour 2023 et les années suivantes, je ne vois pas d'effectifs dédiés à leur gestion. Il faut pourtant des gens pour dépenser 15 milliards, pour suivre les volets informatique et immobilier des projets, vérifier l'avancement des chantiers, traquer les malfaçons. Le schéma d'emplois indiqué dans le PAP pour 2023 est de moins 7 équivalents temps plein – sans même parler du plafond, qui est en baisse.
Élisa Martin a évoqué le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, dont la moitié finance des dispositifs de sécurisation ou de vidéosurveillance. Or ceux-ci n'ont pas démontré leur efficacité pour prévenir la délinquance. Plusieurs études, dont une de la gendarmerie, ont même montré le contraire. Il faudrait que ces crédits servent vraiment à la prévention de la délinquance.
En matière de radicalisation, j'ai été quelque peu choqué par les éléments de langage relatifs au contre-discours employés sur le compte Twitter du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à évaluer l'usage des crédits gérés par le FIPD, au regard de la pertinence et des effets.
Monsieur Vincendet, le détail de la ventilation des 15 milliards d'euros a été promis au rapporteur de la Lopmi, M. Boudié, qui s'est engagé à le transmettre aux commissaires aux lois. J'attends, comme tout le monde, ce document, non sans saluer le tour de force du ministre, qui a réussi à obtenir 15 milliards, avant d'expliquer à quoi ils allaient servir !
Madame Jacquier-Laforge, la délivrance des cartes d'identité et passeports s'améliore, mais on partait de loin. Les gains escomptés de la spécialisation et du découpage des procédures n'ont pas été obtenus. Il faut écouter les alertes et arrêter de conduire des réformes en quatrième vitesse, sans agents, sans encadrement, car on finit par externaliser même au sein de ces services. L'Agence nationale des titres sécurisés passe ainsi des marchés publics pour des plateformes téléphoniques : ce sont désormais des salariés au lieu de fonctionnaires du service public qui répondent aux questions des usagers. La précarité et la paupérisation sont en marche !
Monsieur Saulignac, il était important que des référés mesures utiles soient déposés et que les avocats se saisissent de la question. Depuis juillet dernier, on ne peut plus prendre de rendez-vous en ligne à la préfecture de Seine-Saint-Denis, et c'est tant mieux car cela a mis fin au business qui était apparu dans ce domaine. En revanche, pour une démarche simplifiée, il est possible de solliciter le service, qui donne une date.
Il n'est pas vrai que 2021 et 2022 ont marqué la fin des schémas d'emplois négatifs. Ces deux années, le périmètre budgétaire a été modifié : on est passé du programme 333 au programme 354, avec des transferts d'agents des directions départementales interministérielles, ce qui a permis d'afficher une non-diminution de façade. Le rapport de la Cour des comptes indique que, dans l'intervalle, des économies ont bien été réalisées et que, pour l'ensemble de l'administration de l'État, il y avait bien une diminution. C'était d'ailleurs le but des réformes successives et de la mise en place des secrétariats généraux communs, qui n'ont pas fonctionné.
Madame Poussier-Winsback, j'attends, comme vous, des détails sur le rééquilibrage des dotations des préfectures. Le secrétaire général du ministère, que nous avons interrogé lors de l'audition sur la Lopmi, a indiqué avoir pris connaissance du rapport de la Cour des comptes, et qu'il ferait des rééquilibrages à l'occasion des nouvelles arrivées d'effectifs. C'est souhaitable car plusieurs sous-préfectures sont en sous-administration.
Quant au contrôle de légalité, la Cour des comptes a été claire : les engagements pris pour le renforcer n'ont pas été honorés. Il continue donc d'être sous-doté, et des décisions qui ne sont pas examinées par les préfectures vont au contentieux.
Monsieur Molac, la situation de la propagande électorale était « moins pire » lors des élections présidentielle et législatives, mais on ne peut se satisfaire de 10 % à 20 % de non-distribution. Chaque fois, cela éloigne des gens du vote, ce qui a des conséquences directes sur l'abstention.
La promesse de réinternaliser la distribution dans les préfectures n'a pas été tenue, et plus de 40 % de la propagande a continué d'être externalisée pour les élections présidentielle et législatives – on est obligé de croire sur parole les prestataires pour ces chiffres, ce qui n'est guère satisfaisant. L'État n'est jamais mieux servi que par lui-même pour garantir la bonne tenue des élections.