M. le ministre veut faire disparaître les files d'attente devant les préfectures par le biais de la dématérialisation – des personnes qui ont traversé la moitié de la planète pour fuir la guerre, la misère, les persécutions ne font probablement pas assez propre dans nos centres-villes…
On annonce des robots d'accueil, des visioplaintes, un traitement quasi automatisé des demandes d'asile, et ce traitement dématérialisé serait aussi envisagé pour les violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes. Quand on connaît la réalité du travail des personnels dans les préfectures, en dehors des cabinets, on pourrait se réjouir de cette possibilité d'allégement des tâches. Or ce n'est pas tant de cela que l'on a besoin que de personnels supplémentaires. Selon les spécialistes, la dématérialisation, par sa déshumanisation, peut aussi provoquer un recul de la confiance dans les institutions et creuser davantage la rupture entre les Français et celles-ci. Comment traiter des violences intrafamiliales de façon dématérialisée ?
Ce qui se dessine à travers cette simplification, ce n'est pas plus de services publics, c'est moins d'accueil et plus de limitations pour les personnes. Certes, les maisons France services sont censées apporter une aide pour les démarches de proximité. Mais pourquoi mettre les moyens, en personnel et en dotations, dans des créations quand on pourrait renforcer l'existant ?
Depuis des années, pour demander une subvention nationale ou européenne, les paysans doivent remplir des formulaires d'une telle complexité qu'ils en sont réduits à payer les services de l'État pour les accompagner dans cette démarche. Pour les paysans, qui ne touchent que 300 à 500 euros par mois, la dématérialisation c'est 50 à 80 euros par acte, parce qu'ils n'ont pas de temps à y consacrer – avant, ils étaient accompagnés d'un bout à l'autre de la procédure de dépôt de dossier, et ne perdaient ni temps, ni argent. Voilà la réalité que l'on promet à tous les Français et aux personnes qui ont fui l'horreur pour venir chez nous.
L'an dernier, 26 millions d'euros ont été affectés à la dématérialisation, et on nous promet de nouvelles dotations. Peut-être pourrait-on envisager d'autres perspectives ?