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Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Madame Tanzilli, je voudrais ici vous annoncer la création d'un office de police judiciaire supplémentaire, en complément de l'OCRVP. Il sera spécialisé dans la lutte contre les violences faites aux mineurs, puisque les crimes à l'encontre des mineurs sont en progression, dans le cadre d'internet notamment. Cet office sera confié à la police judiciaire et bénéficiera de trente enquêteurs supplémentaires.

Le premier office manque en effet d'enquêteurs. Il s'agit de profils très spécialisés et, lorsque des postes sont ouverts, nous ne trouvons pas toujours de candidats. Cet office lutte contre la pédocriminalité, notamment sur internet. Le second office, qui s'occupera des mineurs, répondra, je pense, à votre souhait. Il me semble qu'est ainsi démontré qu'en créant des offices de police judiciaire, on ne supprime pas de police judiciaire. Peut-être, un jour, arriverai-je à faire entendre cet argument – la preuve du pudding est qu'il se mange !

Monsieur Rebeyrotte, nous déconcentrons 2 500 emplois dans les territoires, comme je l'avais déjà fait lorsque j'étais à Bercy. Je citerai, en autres exemples, l'IGPN au Havre.

S'agissant de la police municipale, je suis plus circonspect. Cette question relève de la fonction publique territoriale et du fonctionnement de l'Association des maires de France. Je les invite à exprimer ce qu'elles souhaitent pour leur police municipale. Par exemple, faut-il des écoles de formation de police municipale ?

En outre, la police municipale n'est pas la même à Nice qu'à Paris, Grenoble ou Tourcoing. Le code général des collectivités territoriales dispose que chaque ville l'organise comme elle le souhaite, par le biais de ses organes délibérants. N'étant pas l'employeur des polices municipales, j'aurais du mal à avoir une position – d'ailleurs, il y a autant de polices municipales que d'employeurs municipaux. La question est intéressante, mais elle relève de l'échelon décentralisé. Je respecte les compétences prévues par l'article 72 de la Constitution. Si vous pensez nécessaire de modifier les choses, je laisse cela à votre sagacité d'élus locaux et de parlementaires.

Dès que l'on parle d'immigration, pas grand monde ne reste calme. J'ai entendu des propos excessifs de part et d'autre.

Je voudrais tout d'abord saluer le travail de Mme la rapporteure, intéressant et parfois critique, notamment sur l'amélioration du service public – le sujet peut en effet susciter des critiques nombreuses. Des choses ont été dites qui vont me pousser à dévoiler des arbitrages de la loi à venir sur l'immigration.

Par exemple, je trouve inacceptable que seul l'employeur puisse demander la régularisation de la personne embauchée sans papiers. Nous proposerons donc, avec Olivier Dussopt, que ce soit l'employé, et non l'employeur, qui demande la régularisation, afin d'éviter cette pression, que l'on pourrait qualifier « d'armée de réserve », de la part de patrons voyous. Nous renforcerons d'ailleurs très fortement les sanctions contre les employeurs qui embauchent des sans-papiers. Ces sanctions sont extrêmement réduites, en tout cas peu appliquées, et cela donne lieu à des calculs sur les économies réalisées entre le moment de l'embauche d'un sans-papiers et celui de l'intervention des organes de contrôle – personne n'a jamais raisonné ainsi pour un ticket de métro, bien évidemment ! Voilà un exemple de délinquance en col blanc contre laquelle il convient de renforcer les dispositions.

Les files d'attente dans les préfectures, de physiques sont devenues en grande partie numériques. Les raisons en sont multiples. Madame Untermaier, j'ai beaucoup de respect pour votre personne et pour le travail que vous accomplissez. Mais enfin, pas vous et pas ici ! Les suppressions d'emplois dans les préfectures durent depuis quinze ans. Je les ai arrêtées quand j'étais ministre des comptes publics, à la demande du Président de la République. Vous avez supprimé 1 422 emplois dans les préfectures, sous trois majorités qui se sont succédé et singulièrement durant le quinquennat du président Hollande. Vous avez supprimé 56 % des emplois dans les services des étrangers des préfectures et, vous avez raison, en conséquence de cette politique il y a moins d'agents derrière les guichets.

Pour la première fois depuis quinze ans, nous avons cessé de supprimer des emplois dans les préfectures et, dans ce PLF, nous proposons d'en créer un petit peu moins de 400 au cours des cinq prochaines années. Sans doute n'est-ce pas suffisant mais, madame Untermaier, vous pourriez reconnaître avec honnêteté avoir commis une erreur, à une époque, en supprimant des emplois en préfecture. Puisqu'il faut des agents supplémentaires pour réduire le temps d'attente, nous allons recruter des agents de préfecture. Il serait donc intéressant que vous votiez les crédits qui permettent la re-création de ces postes.

Le système ne fonctionne pas bien non plus parce qu'on demande aux étrangers de revenir devant les guichets de préfecture, alors qu'ils ont déjà un titre de séjour. Nous créons nous-mêmes des sans-papiers alors qu'ils ont des papiers, qu'ils travaillent et n'ont aucun problème avec l'ordre public. C'est la raison pour laquelle le chiffre des personnes en situation irrégulière sur le territoire national n'est pas très honnête, dans la mesure où des personnes deviennent sans-papiers parce que nous ne sommes pas capables de leur donner des rendez-vous à temps dans les préfectures.

On leur demande de renouveler leur titre de séjour notamment lorsqu'ils changent d'employeur. Ce n'est pas normal, cela prend du temps aux agents de préfecture et c'est mal accueillir l'étranger qui travaille et vit normalement sur le territoire de la République. Nous proposerons donc, avec Olivier Dussopt, que la personne qui change simplement d'employeur n'ait pas à demander de nouveaux papiers, et que le titre concerne l'étranger et non pas son employeur et son emploi. Contrairement à ce qui se fait aujourd'hui, nous voulons être gentils avec les gentils, et méchants avec les personnes qui posent des difficultés à la République.

Par ailleurs, j'ai personnellement été touché, lorsque j'étais maire, par la question des chibanis algériens, qui ont quasiment toujours vécu sur le territoire de la République française, qui sont venus en France au moment où l'Algérie était française et à qui on demande encore, à 80 ans, de se présenter dans les préfectures. Ces personnes ne posent aucun problème d'ordre public, elles sont tout à fait intégrées, voire assimilées. Pour diverses raisons, elles choisissent de ne pas prendre la nationalité française ; c'est leur droit le plus strict. Nous prendrons donc des dispositions afin de ne plus faire l'insulte à ces personnes d'avoir à se présenter, ce qu'elles font aujourd'hui et qui embolise le fonctionnement des préfectures. Je parle des chibanis algériens, mais cela peut être le cas d'autres personnes.

On peut bien ajouter des ETP et des crédits supplémentaires – j'en suis toujours heureux –, mais il y a aussi une question d'organisation de nos services du ministère de l'intérieur.

J'en viens aux questions sur l'ADA. Fin 2022, 125 000 personnes perçoivent l'ADA ; s'ajoutent à cela 80 000 autorisations provisoires de séjour (APS), l'équivalent de l'ADA pour les Ukrainiens – ceux-ci ne sont donc pas pris en compte parmi les allocataires de l'ADA.

Au passage, la comparaison entre le dispositif destiné aux réfugiés ukrainiens et l'ADA n'est pas juste. Si la France insoumise ou Europe Écologie-les Verts souhaitent que le régime de l'asile soit aligné sur le système appliqué aux Ukrainiens, chiche ! Sachez tout de même qu'en contrepartie, les Ukrainiens ont l'obligation de retourner, au bout de trois ans, dans un pays qui ne sera plus en guerre. Si vous souhaitez cette solution, je ne la trouve guère humaniste. Les Syriens et les Afghans ne seraient peut-être pas très heureux d'avoir à repartir dans trois ans dans des pays qui, a priori, ne sont pas chavirés par la démocratie. Heureusement que nous ne retenons pas cette proposition.

Nous diminuons l'ADA parce que, l'année dernière, nous avons inscrit plus de crédits que nous n'en avons consommés. Contrairement à ce que vous avez dit, madame Faucillon, depuis que je suis ministre de l'intérieur, nous avons surévalué les crédits. Sur un peu plus de 400 millions d'euros inscrits, vous constaterez que nous en avons dépensés moins, à hauteur de 380 millions. Nous gagnons désormais du temps avec les demandes d'asile, certes, encore insuffisamment, parce que l'ADA est versée avant que la personne ait ou n'ait pas obtenu le droit d'asile. D'ailleurs, au bout de six mois, elle peut travailler.

Dans le projet de loi que nous présenterons avec Olivier Dussopt, nous nous demandons s'il ne faudrait pas avancer le versement de l'ADA pour certains demandeurs d'asile – ceux qui ne travaillent pas, ceux dont on est certain qu'ils ne pourront pas repartir dans leur pays, comme les personnes qui viennent d'Afghanistan, par exemple.

Il ne faut pas voir autre chose que notre capacité à être plus efficaces à l'Ofpra. Tout le monde le dit et le constate, notamment grâce aux ETP que vous avez votés. Nous sommes moins efficaces sur le plan de la juridiction administrative. Nous statuons désormais en 140 jours. L'Ofpra enregistre à ce jour un stock de 40 000 dossiers, contre 84 000 quand je suis devenu ministre de l'intérieur. Nous aurions donc divisé par deux le stock, alors que nous recevons davantage de demandes d'asile qu'en 2020, en période de covid. Nous sommes plus performants.

En revanche, la CNDA et les tribunaux administratifs ont parfois allongé leurs délais, pour de multiples raisons, notamment liées au covid. Les juges collégiaux de la CNDA ne voulaient pas se réunir autrement que physiquement, ce qui a retardé l'étude des dossiers. Des mouvements sociaux importants ont touché la CNDA, notamment à l'initiative des barreaux d'avocats, pour protester contre la réforme des retraites par points imaginée par l'ancien gouvernement. Bref, l'Ofpra a diminué ses délais, et la juridiction administrative les a soit maintenus, soit allongés.

C'est la raison pour laquelle, dans la réforme que nous proposerons au Parlement, une mesure touche profondément au fonctionnement de la juridiction administrative, notamment de la CNDA, en lien avec le Conseil d'État. Je ne la détaillerai pas ici ; pour résumer, elle passera par la territorialisation en lien avec les Guda, ce qui permettra de gagner un mois avant d'autoriser une entrée ; la possibilité de recourir au juge unique et la possibilité d'accéder à la visio-audience.

Je rappelle à Mme Faucillon et à Mme Brocard que les crédits de l'ADA diminuent de 170 millions, pour se situer à 321 millions d'euros en 2023. Nous pensons que nous resterons dans cette épure. Nous verrons, bien évidemment, ce qu'il en sera l'année prochaine. En tout cas, je pense que l'examen des deux années budgétaires passées suffit à rendre caduque votre démonstration.

La mise en place de l'Anef, vous avez raison, madame la rapporteure, n'est pas simple mais cela ne m'effraie pas outre mesure, puisque je mène d'autres projets informatiques au ministère de l'intérieur, après en avoir mené d'importants au ministère des comptes publics, en particulier celui de l'impôt à la source. Autant, on peut se poser la question du pilotage du dossier par la police nationale, autant dans la préfectorale, on constate une réussite s'agissant des titres dématérialisés des demandeurs d'emploi. Cela mérite d'être souligné, parce que vous nous aviez interrogés l'année dernière sur cette politique de dématérialisation. Nous relevons qu'elle se révèle d'une grande efficacité pour tout le monde, y compris pour les personnes qui attendent bien moins longtemps et qui sont beaucoup plus réactives.

Le projet informatique de l'Anef concerne des systèmes d'information plus complexes, dont la mise en place s'achèvera dans les semaines et mois qui viennent. Mais nous avons d'ores et déjà gagné des délais importants : par exemple, dix-sept jours désormais pour un titre étudiant, treize jours pour un titre talent et un seul passage en préfecture contre trois jusqu'à présent.

Ce n'est pas l'alpha et l'oméga, il faut poursuivre notre effort. Certaines préfectures, comme celle du Nord, par exemple, ont instauré un système de prises de rendez-vous. Au moins, l'étranger sait quel jour il peut se présenter à la préfecture. Ce n'est pas le cas partout. Parfois, les files d'attente numériques ne s'organisent pas pour les prises de rendez-vous, la gestion se fait au fil de l'eau du traitement des mails, posant des problèmes à de nombreuses personnes. Reste toujours une possibilité de rencontre physique, qui se heurte, toutefois, à la suppression des effectifs dans l'administration préfectorale, au télétravail et à la crise du covid que nous avons vécue. L'honnêteté aurait peut-être dû pousser un certain nombre d'entre vous qui contestez la politique du Gouvernement, à droite comme à gauche, à rappeler que nous avons traversé une crise sanitaire. Reconduire les étrangers à la frontière quand les avions ne volent pas, ou quand des tests sanitaires sont demandés en toute occasion, est assurément rendu compliqué ! En période de covid, les touristes ne circulent pas, et on ne renvoie pas non plus les étrangers dans leur pays.

Monsieur le député Houssin, j'ai appris que l'un de vos camarades de campagne d'extrême droite allait réserver le nom de domaine de la jeune fille et récupérer des données pour en faire publicité. Vous pouvez être dépassé dans l'ignominie !

L'OQTF a été émise le 22 août 2022 à l'encontre de la suspecte, qui n'était pas connue des services judiciaires, si ce n'est pour violences conjugales. Si vous aviez travaillé davantage le droit des étrangers, vous auriez su que les étrangers victimes de violences conjugales sont protégés par la loi et par l'action des préfets. Peut-être voudriez-vous changer la loi, mais, pour l'heure, elle s'applique.

Vous dites que l'auteure supposée, en tout cas la suspecte, a reconnu les faits. Je respecte, quant à moi, le secret de l'instruction. La principale suspecte est algérienne. Elle est arrivée légalement sur le territoire national avec un titre d'étudiante ; elle a d'ailleurs passé, me semble-t-il, un CAP. De ce que nous savons aujourd'hui, elle a été victime de violences conjugales. Le préfet et la loi protègent les victimes des violences conjugales, y compris lorsqu'elles n'ont pas de papiers ; il s'agit donc d'une procédure particulière. Fin août, elle a fait l'objet d'un contrôle de police, à l'occasion duquel nous avons constaté que son titre de séjour n'était plus valide. Elle a donc fait immédiatement l'objet d'une OQTF.

Âgée de moins de 25 ans, n'ayant par ailleurs aucun casier judiciaire – je le précise parce que vous avez parlé des multirécidivistes –, étant elle-même apparue comme otage, victime de violences conjugales, nous avons organisé un départ aidé, une procédure qui fonctionne puisque nous en avons enregistré 1 583 depuis le 1er janvier. Fin septembre, elle n'est pas repartie, mais je vous rappelle, monsieur le député, que nous sommes un État de droit et que les gens peuvent présenter des recours. Cette personne, en l'occurrence, n'avait pas épuisé son délai de recours . J'ignore si elle l'a déposé, mais si elle l'a fait, le délai était suspensif.

À un moment, il faut reconnaître l'inexactitude de votre présentation. Au début de votre propos, vous avez déclaré que six Algériens avaient été arrêtés pour le meurtre de cette petite fille. Au bout de quelques heures, la justice en a relâché quatre. On ne vous entend pas formuler de remarques particulières sur le fait que vous avez peut-être été un peu rapide !

Sur la principale suspecte, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que la police a fait son travail et que voilà sept semaines que cette personne avait l'obligation de quitter le territoire. Dans aucun pays du monde, on n'expulse quelqu'un en sept semaines. Si vous connaissez ne serait-ce qu'un pays qui soit plus efficace en matière de reconduite à la frontière que la France, dites-le moi !

Au cours d'une dernière réunion, votre groupe a cité la Grande-Bretagne. On voit bien à quel point ce sont des chimères. Les Britanniques expulsent 4 500 personnes par an ; la France en a expulsé 14 565 depuis le début de l'année. J'ajoute que l'accord avec le Rwanda n'a jamais existé, puisqu'il n'est jamais entré en vigueur. L'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Portugal expulsent moins de personnes que la France. La France est le pays qui expulse le plus de personnes.

La situation que nous connaissons touche tous les pays occidentaux. On peut toujours discuter du nombre d'étrangers que nous voulons recevoir et du type de migration que nous voulons. Il faut d'abord avoir le courage de dire que plus de la moitié de cette immigration est familiale, rendue automatique par le regroupement familial, mais pas uniquement. La question se posera aux parlementaires. L'immigration de travail représente 9 %, les titres étudiant environ 10 %, et le reste forme les demandes d'asile.

Vous releviez la nécessité de les réguler. Comment voulez-vous réguler la demande d'asile, à moins de changer la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la Constitution de la Ve République ? Je vous ai découvert très gaulliste dernièrement, aussi, je suis un peu étonné que vous vouliez toucher à la Constitution du Général de Gaulle et au préambule de celle de 1946. On ne peut pas fixer de quotas sur le droit d'asile car, par nature, les personnes qui demandent l'asile sur le territoire national sont pourchassées pour des raisons physiques, sexuelles ou politiques. Mme la rapporteure évoquait une voie d'amélioration, qui passerait par notre rapidité à répondre à ces personnes, plutôt que de fixer des quotas.

Vous avez cité Mme Le Pen pendant la campagne présidentielle. Elle proposait que les personnes demandent le droit d'asile dans des pays en guerre. J'imagine bien un Afghan cherchant le consulat de France à Kaboul : « Ah, bon, il n'y en a plus ? Les agents du consulat sont partis ? Pourtant, cela aurait été bien parce que je demande l'asile, je suis pourchassé dans mon pays. » S'il s'adresse à un policier taliban, il connaîtra quelques problèmes ! Cela n'est pas possible, monsieur le député. Vous avez bien fait, finalement, d'aller sur une triste actualité parce que, sur le fond, votre réflexion n'était pas très construite.

Je me suis exprimé sur la question des CRA. M. Dumont dispose des chiffres de l'année 2021. Dans la mesure où je ne fais pas de name dropping pays par pays, je vais citer le cas du pays qu'il a mentionné. Les reprises d'expulsions sont élevées – plus de 20 % depuis le mois dernier, lui-même en progression de plus de 40 % par rapport à cet été – pour une raison simple : de nombreux pays lèvent leurs restrictions sanitaires, telles que les tests PCR.

Nous nous heurtons à un triple problème. Celui, d'abord, des OQTF émises contre des personnes que nous ne pouvons pas expulser. Que faisons-nous d'un Afghan à qui nous avons refusé un titre de séjour, qui est sous le coup d'une OQTF mais que nous ne voulons pas expulser en Afghanistan ? La question se posera dans le cadre du débat sur l'immigration. On ne pourra pas l'expulser, quels que soient ceux qui gouvernent notre pays, sauf si vous me dites qu'il faut les remettre entre les mains de tel ou tel pays – mais ce n'est pas ce que vous dites. Cela vaut pour l'Afghanistan, la Syrie, le Soudan.

Nous rencontrons ensuite des difficultés avec les laissez-passer consulaires de ces pays. On peut toujours dire que l'on peut être plus performant, mais la question ne se limite pas à des relations de ministre de l'intérieur à ministre de l'intérieur. Se posent des questions d'ordre géopolitique.

Enfin, nous avons le problème des recours trop longs. Sur celui-là, nous pouvons agir. Nous aurons un débat sans doute difficile sur la réduction des recours. Il existe jusqu'à douze procédures pour expulser un étranger ; le projet de loi proposera de les réduire à quatre. Par ailleurs, nous proposerons la suppression de l'interdiction de la double peine et de tous les empêchements d'expulsion. Nous estimons le nombre des personnes que nous pourrions expulser à 4 000 personnes par an, si nous n'avions pas dans notre droit ces règles visant l'arrivée avant 13 ans sur le territoire national ou concernant les personnes mariées à un Français. Le débat dans l'hémicycle sera, je l'imagine, très difficile, mais nous avons là un moyen d'améliorer nos procédures d'expulsion.

Vous semblez vous étonner que nous voulions ouvrir un centre de rétention administrative à Nantes. Mme la maire de Nantes est d'accord avec moi, elle a d'ailleurs assumé courageusement sa position dans le débat public local. Je l'ai reçue et nous avons signé un communiqué de presse commun. Elle-même constate qu'une partie de la délinquance est le fait d'étrangers sur le territoire nantais. Ce n'est pas une chose terrible que de le constater, puisqu'ils représentent plus de 60 % de la délinquance dans le centre-ville de Nantes. Je vous propose de prendre rendez-vous avec la maire de Nantes, car il me semble que votre coalition politique doit encore beaucoup travailler pour se mettre d'accord sur tous ces sujets.

Le tribunal administratif de Lille a annulé trois arrêtés de la préfecture du Pas-de-Calais ; il en a validé d'autres, portant sur le centre-ville de Calais. Ceux que M. Dumont a évoqués ont été cassés cet après-midi. Le préfet a fait appel, l'appel étant suspensif. Si l'appel nous donne tort, nous nous mettrons en règle avec les lois de la République ; s'il nous donne raison, nous continuerons à éviter les fixations, afin de ne pas offrir des opportunités aux passeurs.

Je rappelle que seulement 5 % des immigrés arrivant dans votre région demandent l'asile en France puisqu'ils veulent rallier l'Angleterre. Nous disposons encore de 7 000 places disponibles d'hébergement pour ces personnes, qui méritent d'avoir de l'eau, de l'électricité, du chauffage, de la nourriture, dans des lieux dédiés et non pas dans des jungles reconstituées. C'est là l'essentiel, nous ne pouvons que leur donner.

Madame Untermaier, vous avez évoqué la reconstruction de gendarmeries. Dans la Lopmi, je proposerai l'idée d'une foncière de la gendarmerie et de la police nationale, qui me semble un dispositif plus intelligent pour construire, car les élus ont des difficultés de financement, qui les oblige à contracter des prêts. Parfois, les petites communes ont du mal à porter ces projets.

Madame Faucillon, la rétention des enfants dans les CRA soulève deux difficultés. Qui considérons-nous comme mineur : un jeune âgé de moins de 18 ans ou de moins de 16 ans ? Il est anormal qu'un enfant de moins de 16 ans vive dans un CRA pendant plusieurs jours de suite. Je suis donc favorable à sortir les enfants des centres de rétention administrative. Ils ne sont jamais tout seuls, ils sont toujours avec leur famille, ce qui soulève une seconde question : soit on sépare la famille – le père, la mère et l'enfant ; soit on assigne la famille à résidence. Il faudra que nous en discutions, parce que mettre en assignation à résidence ne doit pas empêcher d'expulser les personnes. Nous aurons peut-être des points de vue politiques différents, mais vous comprenez bien qu'il faudra le faire, dans des conditions humaines et de respect des droits de l'homme. Je suis prêt à changer la loi sur ce point.

À Mayotte, la difficulté c'est que les personnes y restent moins de quarante-huit heures, parfois largement moins de vingt-quatre heures, avant d'être expulsées vers les Comores. Une grande partie des personnes concernées sont accompagnées par des mineurs. Mayotte est donc un cas très à part, dont il faudra discuter. On peut tout à fait imaginer quelque chose qui soit conforme à l'intérêt que l'on porte, tout en considérant que le droit des étrangers n'est pas le même que nous appliquons en métropole, quand nous mettons plusieurs semaines à expulser quelqu'un. Je suis prêt à discuter de ce sujet dans le cadre du projet de loi. Ce n'est pas une disposition que nous introduisons aujourd'hui dans le projet de loi, mais elle peut faire partie du débat parlementaire, bien évidemment.

Madame Regol, j'ai du mal à comprendre que vous vous plaigniez de la restriction du nombre de logements puisque, à Strasbourg même, il n'y a aucune fermeture de places d'accueil et de logements. Des fermetures sont intervenues en 2021 pour des raisons de restrictions liées au covid, comme ce fut le cas partout. Pour l'année 2023, nous créons 4 900 places. J'ai donc du mal à imaginer comment nous pourrions en fermer dans votre département, mais je suis prêt à en discuter avec vous. Nous avons prévu 30 000 places d'hébergement et d'accueil au cours du quinquennat et n'avons décidé d'aucune fermeture d'accueil et de logement à Strasbourg.

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