Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont :

Ce budget arrive dans un contexte où prévaut le sentiment d'une situation migratoire hors de contrôle.

Rappelons que la première source d'immigration illégale reste l'immigration légale. Avec 400 000 entrées légales par an, peuvent se maintenir sur notre sol les déboutés du droit d'asile qui ne sont pas expulsés, les titulaires d'un premier titre de séjour, dont la délivrance a augmenté d'un tiers depuis 2012, ou encore les détenteurs de visas touristiques.

L'immigration familiale subie est surreprésentée. C'est la première catégorie de titres de séjour délivrés en 2021, avec environ 90 000 premiers titres de séjour. C'est un phénomène inquiétant, en ce qu'il représente 50 % de ces titres de séjour. Il faudra répondre à cette problématique dans le futur, en particulier dans la prochaine loi que vous nous présenterez.

L'immigration du travail est sous-représentée par rapport à celle des autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en particulier européens. Il faudra probablement l'augmenter : elle représente 13 % de l'immigration en France, contre un tiers en Allemagne. En France, c'est l'immigration familiale qui fait office d'immigration de travail, et 40 % d'immigrés ayant un niveau « brevet » ou inférieur alimentent les trappes à bas salaires.

L'immigration étudiante connaît également une dérive, avec 85 000 titres. Avons-nous besoin d'une immigration étudiante hors de contrôle, dans toutes les filières, y compris celles qui n'offrent pas de travail en France ?

Le détournement de la demande d'asile que j'ai évoqué, qui en fait une voie légale d'immigration, est préoccupant : 140 000 demandeurs d'asile par an ; un tiers est protégé ; seulement 50 % des déboutés reçoivent une OQTF. À terme, il sera nécessaire de délivrer automatiquement une obligation de quitter le territoire français à l'ensemble des personnes déboutées, même s'il faudra la suspendre le temps de l'appel devant la CNDA.

Par ailleurs, pourquoi ne pas remettre des visas aux ressortissants géorgiens et albanais, dont l'augmentation des demandes d'asile a été de l'ordre de 150 % en 2020, ce qui représente près de 10 000 demandeurs d'asile par an ?

Nous saluons, dans ce budget, l'augmentation du nombre de places en centre de rétention administrative. Nous demandons, afin de les garder sous la main, un placement plus important des demandeurs d'asile provenant de pays sûrs, sachant qu'ils seront in fine déboutés. Nous sommes particulièrement inquiets des résultats imputables à l'absence de politique migratoire : 500 000 clandestins, des éloignements lamentables – 13 000 en 2021, 22 vers l'Algérie au début de cette année –, et une aide médicale d'État qui dépasse le milliard d'euros.

Je m'interroge sur la sincérité des documents budgétaires qui nous ont été transmis. La cible à atteindre sur la part des demandeurs d'asile hébergés a été abaissée : elle représentait 90 % dans le PLF pour 2022 ; elle est de 70 % dans le PLF pour 2023. La part des places occupées par les demandeurs d'asile dans le dispositif national d'accueil était de 89 % dans le PLF pour 2022 ; elle est de 84 % dans le PLF pour 2023. S'agit-il d'une baisse d'ambition, d'une baisse des moyens ? Vos propositions antérieures étaient-elles des mensonges présentés à la représentation nationale ?

Sommes-nous sûrs que les chiffres que vous nous présentez aujourd'hui sont les bons ? Je pense en particulier aux délais moyens de traitement d'un dossier par l'Ofpra : dans le PLF pour 2022, ils étaient estimés à 112 jours, mais la réalité était de 261 jours, soit près du double. Se pose donc la question sur la cible 2023 de la loi Collomb, à 60 jours : vous viseriez une division du délai quasiment par cinq, alors que vous ne créez que huit emplois supplémentaires à l'Ofpra et que nous devrons probablement faire face à une augmentation de la demande d'asile.

Le nombre d'éloignements en 2021 était prévu à 3 000 dans le PLF pour 2021 ; vous nous en proposez 7 000 dans le PLF pour 2023. Comment allez-vous doubler ce nombre, alors que le budget dédié aux étrangers en situation irrégulière ne compense, en réalité, que l'augmentation des places de CRA, le kérosène et les achats de billets ? Ce budget ne permettra pas d'augmenter, ni a fortiori de doubler les expulsions.

Je m'interroge donc sur l'adéquation des moyens financiers aux objectifs politiques annoncés, sachant notamment que la dotation pour l'allocation pour demandeurs d'asile est fondée sur 135 000 demandes d'asile introduites à l'Ofpra, soit le chiffre de 2019. Pouvez-vous nous garantir la validité de ce chiffre ? Quelles sont les tendances pour 2022 ?

Dans ma circonscription, le tribunal administratif de Lille vient d'annuler trois arrêtés préfectoraux d'interdiction de distribution des repas à Calais. Quelles seront vos consignes aux préfets ? Leur demanderez-vous de ne plus prendre de tels arrêtés, ou reverrez-vous votre position pour continuer à protéger la population et éviter la création de points de fixation ?

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