On nous demande de voter des crédits sans examen préalable de la loi directement concernée : nous ne savons pas comment ces crédits qui concernent la Lopmi, discutée au Sénat à l'heure où nous parlons, seront déployés au cours des cinq prochaines années.
On nous présente des moyens qui font la part belle au volet répression au détriment de la sécurité de proximité. On ne peut que déplorer que ce choix de votre ministère. Les actions relatives à la sécurité, à la paix publique et à la sécurité routière sont dépouillées de centaines de millions d'euros pour alimenter les dépenses d'investissement en casques pare-balles et boucliers de maintien de l'ordre pour des agents qui en ont certainement besoin. Les crédits amputés concernent la lutte contre la délinquance, l'accueil et le contact avec les usagers. De même, pour la gendarmerie nationale, on nous annonce la création de 200 brigades et le recrutement de près de 1 000 ETP, sans préciser qu'un tiers de ces nouvelles unités seront itinérantes et se déplaceront dans les communes rurales, déjà abandonnées par bien des services publics et de proximité.
On nous demande d'acter la restructuration de la police judiciaire, une réforme pourtant décriée par l'ensemble des parties concernées. D'un côté, les moyens des forces de l'ordre augmentent, mais pour créer des unités de forces mobiles destinées à combler artificiellement des manques, au détriment d'une présence continue sur le terrain ; d'un autre côté, la police judiciaire est dépouillée de 429 millions d'euros, alors que vous avez vous-même reconnu que nous manquons d'environ 5 000 OPJ. Apparemment, la solution pour trouver les moyens humains qui manquent cruellement est toute trouvée : avec la Lopmi, il sera désormais possible aux élèves policiers et gendarmes de passer les concours d'OPJ dès la fin de leur scolarité au lieu de trois ans après leur prise de fonction.
Quelle garantie avons-nous que la réforme n'affectera pas le niveau de formation, de pratique et d'expérience OPJ ? Comment juguler la criminalité, dont les méthodes et la spécialisation sont de plus en plus insidieuses, si vous mettez aux enchères l'expertise des enquêteurs et enquêtrices de la PJ ? Nous n'avons eu aucun retour sur l'expérimentation de la réforme en cours dans différents endroits du territoire, dont la Guyane. C'est bien dommage.
Nous estimons que la politique du chiffre du Gouvernement ne pourra aboutir qu'à des pratiques contre-productives, loin du terrain et de la population, que l'on prive de la proximité avec les forces de l'ordre censées la protéger, et loin de l'intérêt de la police et de la gendarmerie, que l'on prive du sens de leur mission en les nomadisant, en les rendant interchangeables et en empêchant leur enracinement local.
Enfin, la dématérialisation des plaintes doit être abordée avec précaution et systématiquement accompagnée d'alternatives physiques. Si le numérique peut être une aubaine, il encourage aussi la désertion des services publics de nos territoires.