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Intervention de Sandra Regol

Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Regol :

De loi de finances en loi de finances, les ministres nous présentent des crédits en augmentation. Je ne conteste pas la nécessité de ces moyens, mais je m'interroge sur l'application, l'effectivité et les conséquences de ces augmentations.

En 2019, avant vos prises de fonctions au ministère de l'intérieur, l'ONU dénonçait l'usage excessif de la force dans les stratégies de maintien de l'ordre choisies en France face aux gilets jaunes. En 2020, la presse espagnole en disait autant des interventions brutales et violentes choisies cette fois pour « gérer » les actions de soutien aux migrants à Paris, particulièrement place de la République. En 2022, hier, c'est un rapport indépendant britannique qui a dénoncé les agressions criminelles, les charges continues et aléatoires de la police à l'encontre des supporters et l'utilisation injustifiée de gaz lacrymogènes lors de la soirée connue aujourd'hui sous le nom de fiasco du Stade de France.

Dans cette petite portion de faits, je suis gênée par l'image qui est renvoyée de la France et des Français, celle d'un pays incapable d'adopter des doctrines de maintien de l'ordre dignes du XXIe siècle, celle d'un pays rétrograde. En tant que femme politique, citoyenne et législatrice, il m'est difficile de le tolérer. Pourtant, nous allons octroyer de nouveaux budgets sans que cette doctrine, cette logique, qui se transmet de ministre en ministre, ne soit changée ni même évoquée.

Ce n'est pas le travail des policières et policiers ou des gendarmes qui est en cause, ce sont bien les décisions, les orientations de leurs décideurs qui sont vilipendées par l'Europe tout entière et qui, tout comme notre inaction climatique, font de nous le vilain petit canard de l'Europe. Si au moins la police s'en portait bien, si la population se disait en sécurité partout dans les territoires, ce ne serait pas bien grave que l'Europe se moque de nous. Le problème, c'est qu'à la fin du mois de juin, trente-quatre policières et policiers et quatorze gendarmes s'étaient donné la mort, dont dix dans la police dès le mois de janvier– des chiffres jamais enregistrés jusque-là. Quant au sentiment d'insécurité, sa réalité parfois, chacun le connaît.

Aujourd'hui, c'est la police judiciaire qui gronde. Hier, trente-six villes ont connu des manifestations d'agents de police. À Strasbourg, où je suis élue, 50 policiers enquêteurs et magistrats étaient dans la rue ; ils étaient 50 à Nîmes, 90 à Nice, entre 200 et 300 à Nanterre, 150 à Lyon, 150 à 200 à Montpellier, ces agents qui ont coutume d'observer religieusement le devoir de réserve.

Suffit-il d'affecter 15 milliards d'euros supplémentaires à la sécurité intérieure pour améliorer la qualité du service rendu au citoyen et l'exercice des policières et des policiers ? Plus de bleu est-ce vraiment mieux de bleu ? Cela assurera-t-il aux policiers sur le terrain, qui en ont assez, qu'hormis des chiffres présentables, la qualité de leurs conditions de travail va s'améliorer ?

Monsieur le ministre, je n'ai pas ciblé particulièrement vos politiques et votre personne. Je n'attaque pas des personnes, je remets en question une doctrine politique. J'espère donc que votre réponse sera dénuée du cynisme que vous m'avez déjà opposé et que nous pourrons travailler sérieusement, dans le respect de la démocratie parlementaire.

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