Intervention de Thomas Rudigoz

Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Rudigoz, rapporteur pour avis (Sécurité) :

Le budget que vient de présenter le ministre de l'intérieur s'inscrit dans une trajectoire amorcée dès 2017, qui s'amplifie sans discontinuer depuis la précédente législature. Les crédits de paiement (CP) affectés à la police nationale connaissent ainsi une augmentation de plus de 6 %, atteignant 12,4 milliards d'euros. Ceux de la gendarmerie progressent de la même façon et atteignent près de 10 milliards d'euros. Les budgets de la police et de la gendarmerie présentent donc une hausse cumulée de près de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2022 : nous ne pouvons que nous réjouir de la concrétisation, dans le projet de loi de finances pour 2023, des engagements pris par le Président de la République et le ministre de l'intérieur à l'issue du Beauvau de la sécurité.

Ces engagements doivent aussi trouver leur place dans la Lopmi, adoptée en première lecture par le Sénat et que notre commission examinera au début du mois de novembre.

Je n'entrerai pas dans le détail de la répartition des crédits, le ministre en ayant déjà brossé un tableau complet.

Le renforcement de l'ensemble des moyens, qu'il s'agisse de la création de 8 500 postes de policiers et de gendarmes, du développement des outils numériques mis à leur disposition ou de la rénovation et de la construction de nouveaux locaux, est une condition indispensable au bon accomplissement de leurs missions, dont on mesure chaque jour l'importance pour la sécurité de nos compatriotes. Permettez-moi d'avoir une pensée pour nos forces de l'ordre blessées ces derniers mois dans l'exercice de leurs fonctions, face à des délinquants et criminels de plus en plus déterminés.

Je souhaiterais soulever deux points en particulier.

Premièrement, les documents budgétaires font état du recrutement de 1 462 personnes au sein du corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Cette hausse correspond-elle majoritairement à l'embauche de nouveaux gardiens de la paix ? Quelle sera la catégorie d'emploi des 5 400 futurs assistants d'enquête dont la Lopmi prévoit la création ?

Deuxièmement, au sein du programme Gendarmerie nationale, le montant des dépenses d'investissement diminue de 8 % par rapport à l'année dernière. Une telle évolution s'explique sans doute par l'achèvement du plan de renouvellement des véhicules de la gendarmerie mobile. Une autre explication pourrait-elle être un effet de décalage sur l'exécution des crédits de paiement dû au calendrier de réalisation des 200 brigades de gendarmerie que vous avez annoncé le mois dernier devant notre commission ?

J'ai choisi, cette année, de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à l'activité de l'Office anti-stupéfiants (Ofast). La lutte contre le trafic de drogue constitue, monsieur le ministre, l'une de vos priorités. L'Ofast, organe interministériel créé dans le cadre du plan national contre les stupéfiants et placé sous l'autorité de la direction centrale de la police judiciaire, est opérationnel depuis 1er janvier 2020. Après trois ans de fonctionnement en tant que chef de file de la lutte anti-stupéfiants, il m'est apparu nécessaire de faire le bilan de son action.

L'organisation et le fonctionnement de l'Ofast soulignent à quel point la lutte contre les trafics de stupéfiants exige une approche à la fois globale et territoriale. Globale, car il est nécessaire de combiner efficacement l'ensemble des dimensions stratégiques et opérationnelles pour « comprendre », « cibler » et « agir », selon les trois piliers de l'Ofast. Territoriale, car ce sont dix antennes, quatorze détachements et près d'une centaine de cellules départementales du renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross) qui assurent au quotidien le combat de terrain contre les réseaux de trafiquants de drogue. La finesse de ce maillage territorial et le développement d'actions de coopération européenne et internationale de grande envergure permettent aujourd'hui à l'Ofast de jouer pleinement son rôle de chef d'équipe, en disposant d'une autorité incontestable et reconnue à l'échelle internationale.

Cependant, la hausse du volume des saisies de cannabis, de cocaïne et d'héroïne témoigne autant de la réussite de l'ensemble des acteurs engagés dans cette lutte – police, gendarmerie, douanes, finances publiques, marine nationale – que de l'augmentation de la production et du transit de stupéfiants sur notre territoire.

Cette situation constitue un triple fléau, sanitaire, social et sécuritaire, et les habitants des quartiers les plus défavorisés en sont les premières victimes. Nous avons le devoir collectif de continuer à combattre avec la plus grande vigueur les acteurs de ces trafics, en anéantissant leurs ressources par la fermeture des points de deal, qui génèrent en moyenne 20 000 à 80 000 euros de chiffre d'affaires chaque jour, et à mettre hors d'état de nuire les dealers et les commanditaires.

Je salue ici le dévouement exemplaire et le dynamisme des agents de l'Ofast, notamment de sa directrice Mme Stéphanie Cherbonnier. Bien que dans l'ombre, ces femmes et ces hommes sont le visage de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Ils supportent avec courage et détermination les risques physiques auxquels leur mission les expose.

Pour réussir, l'action de l'Ofast suppose également de relever des défis à la fois juridiques, opérationnels et organisationnels.

Le travail de l'Ofast doit se faire en bonne articulation avec celui des directions départementales de la sécurité publique. Il faut tout faire pour empêcher tout conflit de priorité entre le nécessaire travail à long terme de démantèlement des filières et l'urgence quotidienne de fermeture des points de deal dans les quartiers. Il est également indispensable de consacrer des moyens d'action adaptés pour lutter contre tous les trafiquants, notamment ceux, qui, se situant au « milieu du spectre », peuvent aussi bien échapper à l'attention de l'Ofast qu'à celle des policiers de la sécurité publique. Cette exigence apparaît d'autant plus cruciale dans la perspective de la réforme visant à « départementaliser » la police nationale dans le but d'améliorer la synergie entre les différents services de police et d'encore mieux lutter contre cette criminalité organisée.

Il me paraît donc primordial que les forces de sécurité engagées dans la lutte anti-stupéfiants soient renforcées, en moyens et en effectifs, au cours des prochaines années. C'est à cette condition que le combat contre le trafic de drogue finira par être gagné.

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