Les crédits alloués à la mission Plan de relance représentent un peu plus du tiers du montant total du plan de relance, soit 36 milliards, et 60 % de ses crédits budgétaires.
Le Gouvernement a choisi de maintenir un rythme d'engagement et d'exécution très soutenu : l'objectif était d'engager la totalité des autorisations d'engagement et de décaisser la majeure partie des crédits de paiement à la fin de 2022, et il a été atteint. Aucune autorisation d'engagement n'est inscrite pour 2023 et 4,4 milliards sont prévus en crédit de paiement. En raison du retard pris pour l'application de certains dispositifs ou de la nature même des investissements, la totalité des crédits du plan de relance ne sera pas décaissée avant 2026 au plus tôt. L'extinction est néanmoins en cours : 2,5 milliards en 2024, 600 millions en 2025.
Dans la mesure où j'interviens, en tant que rapporteur spécial, à un moment où l'essentiel du plan de relance a déjà été mis en œuvre, je vous propose de faire un bilan à partir des retours que j'ai eus sur le terrain comme des auditions que j'ai menées.
Le plan de relance a été élaboré sous le contrôle de l'Union européenne, puisque dès l'origine, il devait être financé à hauteur de 40 milliards par des subventions de l'Union. Pour en bénéficier, la France a dû élaborer un programme national de relance et de résilience (PNRR) dans lequel elle s'engage à atteindre un certain nombre d'objectifs, par exemple en matière de transition écologique, et à engager un certain nombre de réformes, dont celle de l'assurance chômage. Le versement des fonds est conditionné à l'atteinte de plus de 150 cibles et jalons : si la France ne les atteint pas, elle risque de ne pas bénéficier de ces financements européens. Ces derniers sont donc octroyés par la Commission européenne, qui n'a aucune légitimité démocratique, pour soutenir des investissements et des réformes visant à faciliter la convergence économique et même sociale des pays européens.
Un point plus positif : le plan de relance a permis de réhabiliter l'échelon départemental, qui a longtemps souffert de la réorganisation de l'action publique. Son application a fortement reposé sur les préfets de département et sur les sous-préfets à la relance. Dans les départements où ils ont été proactifs, comme le mien, les entreprises ont pu largement bénéficier des financements. Le plan de relance a ainsi marqué le retour des échelons de proximité dans le domaine économique et a mis en évidence le rôle central des chambres consulaires, qui connaissent parfaitement les entreprises de leur territoire.
Je regrette que le plan de relance n'ait pas été l'occasion d'élaborer une véritable stratégie industrielle pour la France et qu'il ait favorisé un saupoudrage d'actions de soutien économique aux entreprises plutôt qu'une politique industrielle solide dans des domaines stratégiques.
Je déplore également que l'investissement en faveur de l'hydrogène ait essentiellement financé un projet important d'intérêt européen commun plutôt que nos entreprises.
Si ces dernières ont pu largement bénéficier des financements du plan de relance, je constate que certaines n'ont pas pu y avoir accès, soit parce que les appels à projets n'étaient pas conçus à leur intention, soit parce qu'il y a eu des effets d'aubaine.
Certaines aides, comme Industrie du futur ou France Num, auraient mérité un périmètre plus large pour bénéficier à un maximum d'entreprises.
Le plan de relance a essentiellement financé des projets industriels déjà programmés par les entreprises : il a été un accélérateur plutôt qu'un déclencheur d'investissements.
Les plus petites entreprises ont eu des difficultés à répondre aux appels à projets, à concevoir leur dossier de candidature et à le déposer dans des délais très courts.
J'ai constaté également que certaines entreprises s'inquiètent de ne pas pouvoir mener à bien leurs projets d'investissement en raison de l'inflation du prix des matières premières ainsi que du mécanisme de reprise partielle de l'aide octroyée à la signature du contrat. La guerre en Ukraine a mis à mal la dynamique économique favorable qu'avait enclenchée le plan de relance.
Je note enfin un manque de lisibilité dans le suivi. En particulier, certains crédits budgétaires semblent consommés alors qu'ils n'ont en réalité pas atteint leur bénéficiaire final.
Même si les objectifs fixés en septembre 2020 ont été atteints – amorcer la reprise de l'économie française et faire baisser le chômage dès 2021 – l'évaluation doit aussi faire la part d'autres politiques publiques, comme les mesures de soutien du plan d'urgence suite à la crise sanitaire ou le plan France 2030.