Intervention de Jean-Pierre Cubertafon

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis :

Le 7 septembre dernier, le Conseil des ministres adoptait le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), un texte attendu depuis de longues années par les forces de sécurité intérieure. Traduction concrète de ce projet de loi de programmation, le projet de budget de la gendarmerie pour 2023 se caractérise par l'augmentation du programme 152 de 349 millions d'euros en crédits de paiement. Les forces de sécurité intérieure restent, comme sous le quinquennat précédent, une priorité budgétaire du Gouvernement et la dynamique ascendante des crédits de la gendarmerie sera désormais sanctuarisée en loi de programmation.

Les crédits supplémentaires prévus l'an prochain devraient permettre de financer l'augmentation du schéma d'emploi de la gendarmerie de 950 équivalents temps plein (ETP) et d'améliorer les conditions de présence des agents sur le terrain, en métropole comme en outre-mer. Ces hausses permettront aussi d'armer en effectifs les nouvelles brigades rurales et les nouveaux escadrons de gendarmes mobiles, la LOPMI prévoyant la création de 200 brigades et de 7 nouveaux escadrons. En même temps que le maillage territorial des brigades sera renforcé, la gendarmerie met l'accent sur sa volonté de passer d'une logique de guichet à une logique de « pas de porte » : il s'agira pour les gendarmes d'aller encore davantage au contact de la population, des élus et des victimes, en particulier les personnes vulnérables – personnes âgées ou isolées – et les victimes de violences intrafamiliales.

La gendarmerie se prépare à faire face à un empilement des missions actuelles et à venir en faveur de la sécurité du quotidien ainsi que de la lutte contre la menace terroriste, l'immigration irrégulière et les trafics de stupéfiants, pour ne citer que les principales. À ces missions s'ajoutent plusieurs rendez-vous internationaux tels que la coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. C'est pourquoi, dans un contexte de fractures territoriales et face à une demande de plus en plus prégnante de sécurité de la part de nos concitoyens, le Président de la République a annoncé, le 18 avril 2021, le renforcement de la réserve opérationnelle de premier niveau, qui sera portée à 50 000 réservistes d'ici à 2027. Le budget de la réserve augmentera de 14 millions d'euros l'an prochain, pour atteindre 84 millions.

La transformation numérique de la gendarmerie se poursuit également. La LOPMI prévoit le déploiement du réseau radio du futur et la création d'une agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure. Cette transformation sera financée en 2023 à hauteur de 30,4 millions d'euros. Grâce aux 120 millions d'euros de crédits dont bénéficieront ses systèmes d'information et de communication, la gendarmerie poursuivra l'équipement de ses personnels en téléphones NEO2 et en ordinateurs Ubiquity.

Enfin, la LOPMI prévoit un renforcement de la formation initiale des gendarmes : le temps passé en école devrait passer de huit à douze mois. Quant à la formation continue, elle sera également renforcée et la gendarmerie créera treize centres régionaux de formation. L'école de Fontainebleau accueillera deux nouvelles compagnies. Le projet de loi de finances pour l'an prochain consacrera 5 millions d'euros supplémentaires aux formations.

Je me réjouis que les moyens de la gendarmerie continuent sur la voie ascendante, au profit des habitants de nos territoires, parfois dans des zones très rurales et très reculées. J'émettrai bien sûr un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 de la mission Sécurités.

J'en viens à présent au thème que j'ai choisi de traiter dans mon avis budgétaire : la stratégie de la gendarmerie nationale dans les nouveaux champs de la délinquance, en particulier dans le cyberespace.

La stratégie globale de la gendarmerie dans le champ cyber couvre l'ensemble du spectre de ses missions. Opérationnel depuis le 1er août 2021 et fort de 147 ETP au 1er septembre 2022, le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend) est investi à la fois de missions de proximité numérique, de prévention et d'investigation sur l'ensemble du territoire. Il s'appuie pour cela sur le dispositif CyberGend, réseau de 7 700 cyber- gendarmes aux compétences diverses, mais aussi sur le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) et ses 11 antennes régionales au sein des sections de recherche. Le C3N est l'unité de police judiciaire à compétence nationale de la gendarmerie en matière de lutte contre la cybercriminalité. La force de frappe du ComCyberGend repose aussi sur les compétences de haut niveau de 7 335 correspondants nouvelles technologies, dits NTECH, de 352 enquêteurs sous pseudonyme, de 307 enquêteurs « nouvelles technologies » et de 67 enquêteurs spécialisés dans la traçabilité des crypto-actifs. À titre d'exemple, la semaine dernière, après deux ans d'investigations, une enquête menée conjointement par le ComCyberGend et le service d'enquêtes judiciaires des finances sur « DrugSource », un trafiquant de stupéfiants sur le darknet, a conduit à la saisie de 450 000 euros en biens et en valeurs et à deux interpellations.

Les gendarmes ont su se munir d'un dispositif parfaitement intégré aux écosystèmes à la fois de la gendarmerie et de la cybersécurité. Je tiens ici à souligner la capacité impressionnante de l'institution à se transformer et à se moderniser. Les principes militaires de subsidiarité des unités et de complémentarité des moyens président aux engagements quotidiens. Poursuivant un impératif de réactivité garant de l'efficacité opérationnelle, le dispositif intégré du ComCyberGend vient s'agréger aux échelons territoriaux de commandement et se combine à d'autres compétences d'exception –négociateurs, spécialistes de certains milieux – pour intervenir au plus vite et au plus près de chaque situation. Que ce soit sur le segment de la prévention comme sur celui de l'investigation numérique, la gendarmerie s'inscrit résolument dans une démarche collaborative avec l'ensemble des acteurs français. De plus, la gendarmerie est en relation permanente avec ses partenaires étrangers, forces de sécurité intérieure comme experts techniques internationaux, au travers de groupes fermés d'experts permettant une interaction technique de haut niveau entre les acteurs. L'appui de la gendarmerie est en outre reconnu par des organismes internationaux tels qu'Europol.

Enfin, la stratégie prospective de la gendarmerie lui permet d'anticiper au mieux les menaces cyber de demain. La formation cyber de ses personnels est une priorité, d'où la création d'un centre national de formation cyber, implanté à Lille, qui formera les effectifs, accueillera les partenaires et diffusera des contenus sur tout le territoire. Le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) a souhaité que la moitié des officiers recrutés soient titulaires d'un diplôme d'ingénieur ou équivalent. La gendarmerie compte déjà dans ses rangs 1 200 ingénieurs et 300 docteurs et doctorants dans les domaines de la vitesse de calcul, de l'intelligence artificielle, des réseaux ou encore des nouvelles technologies de chiffrement. Les réservistes cyber opérationnels contribuent également à renforcer la gendarmerie dans des domaines d'expertise de pointe. Par ailleurs, l'institution s'est récemment dotée d'outils sécurisés et résilients, dont les applications sont hébergées dans un data center qu'elle maîtrise. La gendarmerie a aussi développé des applications pour faciliter le traitement de données de masse et alléger le travail de ses enquêteurs.

Voilà, en quelques mots, ce que je souhaitais vous dire des capacités cyber de la gendarmerie.

Je voudrais à présent terminer mon propos en rendant hommage à l'ensemble des femmes et des hommes de la gendarmerie qui, quels que soient leur grade, leur lieu d'affectation et leur mission, contribuent, de jour comme de nuit et parfois malheureusement au péril de leur vie, à assurer la sécurité des Français sur la quasi-totalité du territoire national. La semaine dernière encore, un gendarme est décédé dans un accident de la route lors d'une mission d'escorte à Bayonne. Par ailleurs, les gendarmes sont malheureusement de plus en plus victimes d'agressions dans l'exercice de leurs fonctions. L'abnégation des personnels de la gendarmerie nous oblige : il m'importait de le souligner.

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