L'année 2023 est historique pour la gendarmerie nationale, en raison de la LOPMI et déjà réalisées dans le cadre du plan de relance. Cela nous permettra d'obtenir de nouveaux moyens et de disposer d'un cadre législatif qui améliorera notre rapport entre le coût et l'efficacité. Enfin, ces évolutions favoriseront la montée en puissance de la stratégie GEND 20.24 que j'ai commencé à construire lors de ma prise de fonctions en 2019, et qui repose sur une sécurité sur mesure dans les territoires, à l'aide des gendarmes dont je tiens à saluer le travail. Un troisième pilier concernant les évolutions numériques vise à interroger dès à présent la façon dont le futur est appréhendé. La quatrième partie de cette stratégie porte sur la gouvernance et l'organisation permettant d'accorder une part plus importante de l'action aux fonctions opérationnelles qu'aux fonctions administratives.
La gendarmerie connaît ainsi un changement de paradigme, qui l'oriente davantage vers l'aller-vers, suivant une logique de pas-de-porte plutôt que de guichet. Nous avons fêté cette année les trois cents ans de la territorialisation de la gendarmerie grâce à la création de brigades. Après une période de contraction de notre service public, la décision de recréer des brigades favorisera l'établissement d'un maillage afin de se rapprocher des citoyens, grâce, également, à de nouveaux moyens techniques et numériques et aux évolutions technologiques. Ainsi, plutôt que d'attendre la visite des citoyens, le gendarme se déplacera chez les usagers sur rendez-vous, ou en se rendant directement au contact des habitants des communes où la gendarmerie est moins présente. Ainsi, trois cents ans après la territorialisation de la gendarmerie, nous revoyons son fonctionnement, tout en conservant les points fixes que représentent les brigades dans nos territoires. Cette évolution contribuera au sentiment de sécurité de nos concitoyens et répondra à leurs attentes d'une présence plus visible des gendarmes sur leur territoire.
S'agissant de notre nouvelle approche opérationnelle et de la densification territoriale, la gendarmerie couvre 95 % du territoire et un peu plus de la moitié de la population. Notre enjeu est donc de gérer les espaces et les flux. 19 maires sur 20 se situent en zone gendarmerie. Les habitants de ces communes s'attendent donc à voir nos gendarmes. Quant aux flux, ils concernent les endroits où circulent la population, les valeurs et les délinquants. Nous portons une vision dynamique de la lutte contre l'insécurité. Pour cela, nous développons différents modes d'action. Le premier est le maillage territorial. Nous avons perdu 500 brigades depuis 2007, passant de 3 600 à 3 100 brigades. 200 brigades seront recréées. Le ministre a ouvert la concertation dans le Cher, en proposant de créer deux à quatre brigades par département.
Dans le même temps, des dispositifs d'appui interdépartementaux ont été instaurés dans la logique de cette vision dynamique, dont les compétences judiciaires s'appliquent sur plusieurs départements. Ainsi, lorsqu'une opération est nécessaire à la limite d'un département, la brigade ou patrouille la plus proche peut intervenir, même si elle se trouve dans un autre département.
La concertation ne porte pas uniquement sur l'emplacement des brigades, mais également sur leur typologie, afin de les adapter au plus près de chaque territoire. Notre ingénierie nous permet de créer des unités nautiques, des postes à cheval ou à vélo. L'utilisation de trottinettes électriques a même été évoquée. De plus, certaines brigades seront fixes, d'autres mobiles. Ces dernières pourront passer plusieurs jours dans un véhicule aménagé et dormiront dans des gîtes ou des relais dans les territoires où la gendarmerie n'a pas l'habitude de se rendre. Toutes les pistes sont exploitables, et c'est ce que nous porterons auprès des maires et des parlementaires dans les départements.
Nous nous sommes également engagés dans la démétropolisation. Différents services parisiens rejoindront les territoires en région. L'inspection générale sera par exemple affectée à Cahors. Dans l'ensemble, plusieurs centaines de gendarmes sont concernées. Cela permettra par ailleurs d'améliorer leurs conditions de vie. L'ingénierie de la formation sera localisée à Rochefort et donnera lieu à une augmentation du volume du commandement des écoles.
La hausse de nos budgets permettra d'améliorer nos outils numériques, grâce auxquels nous pouvons générer du contact et de la présence physiques. Nous avons développé des algorithmes de prédictibilité et d'optimisation de nos effectifs pour répartir au mieux notre présence sur les 95 % du territoire que nous couvrons. Chaque jour, 20 000 à 40 000 patrouilles opèrent dans le pays. Elles dissuadent la survenue d'incidents et permettent une réaction plus rapide lorsque cela est nécessaire. L'ordinateur portable Ubiquity, en outre, permet de réaliser en mobilité le travail habituellement effectué en brigade directement chez les particuliers. Malgré l'utilisation de données par forcément très fiables, le logiciel de prédictibilité sur des cambriolages s'est avéré efficace dans les onze départements où il a été déployé, puisque nous avons amélioré nos résultats de trois points par rapport aux autres départements. Ce logiciel peut également être utilisé pour les accidents de la route, et améliorer la prévention, qui reste notre première mission. Or, pour bien prévenir, il faut pouvoir occuper le terrain.
Nous devons faire preuve de transparence vis-à-vis de la population. À ce titre, nous travaillons sur un parcours victime. Vivant quotidiennement au milieu de la population sur laquelle ils veillent, les gendarmes sont en permanence en contact avec les victimes. Outre la transparence, nous souhaitons mettre l'accent sur le principe de redevabilité. Le maire est le premier responsable de la sécurité de sa population. Aussi, nous devons lui rendre compte de notre action, que nous pouvons d'ailleurs matérialiser à l'aide de cartes de chaleur et d'outils numériques. Ces échanges existent déjà, mais nous pourrons les rendre plus précis encore, afin de stimuler la vision de la sécurité des commandants d'unité dans leur territoire, et d'associer les élus aux réponses que nous apporterons aux situations de crise à venir. Dans les territoires où ces dispositifs ont été mis en œuvre, ils fonctionnent bien et les élus se disent satisfaits de notre travail.
Le Président de la République a fixé une cible de 50 000 réservistes à la fin du quinquennat. Les réservistes sont aujourd'hui au nombre de 34 000. L'augmentation des budgets dès 2023 permettra d'employer 6 000 réservistes supplémentaires dès l'année prochaine. Les réservistes sont utiles pour répondre immédiatement à des pics de tension, et contribuent à servir la logique de contact entre la gendarmerie et la population. Leur très grande motivation doit également être soulignée.
La simplification de la procédure pénale fait également l'objet d'un investissement important. Nous sommes associés aux états généraux de la justice. Cette simplification est difficile à mettre en œuvre, car elle dépend de facteurs exogènes. Toutefois, la justice, les policiers, les gendarmes et mon propre ministre font preuve de volonté pour avancer dans cette direction.
Pour être à la hauteur des ambitions de notre personnel, nous sommes depuis longtemps engagés dans l'innovation en continu. Nous avons très tôt investi dans la radio, nécessaire pour commander et manœuvrer. Avant même l'utilisation d'internet, il était possible d'envoyer instantanément un message en alpha numérique depuis n'importe quel territoire métropolitain vers l'outre-mer. Nous avons depuis longtemps investi dans des personnels montrant une appétence pour les sciences du numérique. Nous recueillons les dividendes de cet investissement précoce, et poursuivons dans cette dynamique, en avançant par exemple dans le domaine du cyber. Je suis persuadé que le numérique permet de générer de la présence physique. Outre l'innovation, nous mettons l'accent sur la transformation, à laquelle est consacré un service qui cherche à capitaliser sur toutes les actions qui nous permettront d'améliorer notre gendarmerie. Nous cherchons partout notre inspiration. Nous déposons des brevets, qui sont parfois l'occasion d'obtenir des budgets annexes. Nous avons créé un salon de la demande à la station F. On parle traditionnellement de salons de l'offre. Au contraire, nous avons convoqué de grands groupes et des startupers pour leur faire part de nos besoins, qui sont également ceux de la police et des armées. La mise en place d'un système de speed-dating a donné lieu à 800 contacts avec des entrepreneurs. Nous renouvellerons donc cet événement chaque année. Le prochain aura lieu dans les deux mois à venir.
Nous avons également construit un pôle capacitaire, car le budget ne peut répondre à une logique de coup par coup. Ce pôle mène une réflexion permanente sur l'idéal de la gendarmerie dans dix ans dans l'ensemble des périmètres que nous couvrons. À partir de cette analyse, nous dessinons une trajectoire pertinente afin d'éviter des changements permanents de stratégie. C'est pour cette raison qu'au moment d'acheter des hélicoptères, nous savions déjà que nous avions besoin de modèles H160 qui permettent de transporter quatorze personnes.
Ce point me conduit à évoquer l'école de Saint-Astier. En effet, l'achat de H160 et de nouveaux blindés, dont le premier est récemment arrivé, et la formation de nos escadrons et de nos forces d'intervention visent à apporter une réponse à un spectre de violences compliquées, allant des émeutes urbaines à l'engagement en Ukraine. Le GIGN est très tôt intervenu en Ukraine afin de protéger l'ambassade et d'en transférer le personnel vers la Moldavie grâce à un convoi de cinquante véhicules, puis de le réinstaller à Lviv, dans un contexte particulièrement difficile. Certes, le GIGN est engagé partout, mais cela ne suffira pas. Il y a trente ans, les escadrons intervenaient dans des pays africains à la situation compliquée. Des gendarmes mobiles étaient engagés en Afghanistan ou encore au Kosovo. Nous devons préparer la gendarmerie à élever son niveau de réponse aux missions qui pourraient lui être confiées. Le centre d'excellence que constitue l'école de Saint-Astier y contribuera. Des formations communes avec le corps des Marines des États-Unis y ont par exemple eu lieu.
Nous devons nous montrer plus vigilants envers certaines catégories de la population. Vous êtes conscients de l'augmentation des faits constatés en matière de violences intrafamiliales, qui s'explique par la libération de la parole, mais également par l'augmentation des faits, en outre-mer comme en métropole. La gendarmerie doit trouver des moyens de mieux aider les victimes. J'ai évoqué les prises de plainte en mobilité. Nous y avions notamment procédé pendant le confinement, par exemple dans des supermarchés. Cela permet aux victimes de porter plainte sans susciter la méfiance de l'auteur. Nous avons créé cette année de nouvelles maisons de protection des familles, qui sont désormais une centaine sur le territoire. Certains départements nécessiteront sans doute que nous en créions davantage. En Martinique, le réseau de maisons de protection des familles, construit avec la collectivité, est un exemple de réussite. Nous portons également une attention particulière aux personnes âgées, aux jeunes et aux élus, qui ont fait l'objet de 46 % d'agressions supplémentaires ces dernières années.
La stratégie sur les flux implique de développer notre capacité sur les mobilités. Nous devons être présents sur les axes au bon moment. La question des flux soulève également celle des transports, dans lesquels le ministre nous a demandé de renforcer notre présence afin d'éviter la persistance d'angles morts.
J'ai évoqué le durcissement de nos capacités grâce aux escadrons. La Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024 nous rendent d'autant plus vigilants à cet égard. Au-delà des 200 brigades créées, la LOPMI nous permet de recréer onze forces mobiles, dont sept escadrons. Des postes de gardes républicains et issus de la préfecture de police seront en outre créés pour dégager des escadrons et des CRS occupés à monter des gardes sur la plaque parisienne. Le ministre a décidé de confier cette mission aux forces territoriales locales, afin que nous récupérions sept forces supplémentaires. Nous serons ainsi en mesure de mieux réagir aux situations de crise.
Après le drame d'Ambert, nous avons œuvré pour la transformation des gendarmes adjoints volontaires en gendarmes dans les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG ). La France périphérique des ronds-points a sans doute subi davantage de désocialisation que les grandes zones urbaines à la faveur de la crise sanitaire, et elle connaît en outre la plus forte augmentation démographique selon l'INSEE. Sa population est plus fragile qu'auparavant, et les situations de délinquance y sont plus nombreuses. Il nous faut développer les bons réflexes et être en mesure de traiter ces situations, en neutralisant les forcenés tout en veillant à la sécurité de ces derniers. Nous engageons donc une capacité de gestion de crise, dans l'intérêt des victimes, des auteurs et des gendarmes.
Les nouvelles frontières, le cyber et l'environnement, ne sont pas des problématiques neuves pour la gendarmerie. Le cyber, à tous les niveaux, représente pour nous un sujet de vigilance constant. L'appétence pour le numérique au sein de la gendarmerie nationale est cruciale dans un contexte où les faits de cybercriminalité sont de plus en plus nombreux. Nous avons créé un commandement cyber, qui ne vise pas seulement à enquêter sur les hackers, mais également à prévenir les faits, en travaillant notamment en association avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Pendant le confinement, nous avons contacté les collectivités pour recenser les dispositifs existants, leur apporter des conseils et améliorer la sécurisation de leurs systèmes. Nous avons créé des outils d'autodiagnostic que nous distribuons aux maires, et nous leur adressons des spécialistes si cela est nécessaire. Nous pouvons ensuite les orienter vers des spécialistes du secteur privé, mais nous leur permettons de prendre les premières mesures pour se protéger davantage. Déjà majeur aujourd'hui, ce sujet gagnera en ampleur à l'avenir.
Le ministre a souhaité que nous créions une école cyber du ministère, que nous portons à Lille sur le site d'EuraTechnologies, en association avec l'écosystème qui y est présent, en fournissant mutuellement des formateurs dans nos domaines respectifs.
S'agissant de l'environnement, nous allons créer une gendarmerie verte. Nous disposons d'un office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique. Neuf antennes ont été créées. Un dispositif comparable au Comcyber doit permettre de les agréger, tout en s'intéressant à la prévention. De nombreux problèmes environnementaux sont en effet la conséquence de négligences. Le dispositif sera finalisé dans quelques mois et mobilisera 3 000 gendarmes particulièrement formés dans ce domaine. Nous souhaitons que certaines unités qui exercent en extérieur, comme les postes à cheval, les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et les brigades nautiques puissent porter un regard plus aigu encore sur les problématiques environnementales. Dans ces unités et dans les brigades, nous voulons développer l'intérêt pour ces sujets. La demande est forte dans ce domaine, comme l'a montré le drame d'un maire tué alors qu'il appréhendait une personne qui déposait ses déchets sur la voie publique. Au sein même de la gendarmerie, les personnels se montrent désireux de travailler davantage sur ces questions, toujours dans un meilleur rapport entre le coût et l'efficacité.
Enfin, la gendarmerie tire sa richesse de ses gendarmes. Dans la LOPMI et les budgets, la création de brigades a suscité une forte adhésion, tout comme la création et l'augmentation des indemnités, et les marges de déconcentration des crédits, notamment les crédits immobiliers pour redonner davantage la main aux personnels de terrain. Nous renforcerons notre réseau de psychologues dans les unités, car nos gendarmes doivent être accompagnés lorsque des drames surviennent. La formation sera valorisée, puisqu'elle passe de neuf à douze mois. La formation des officiers de police judiciaire aura lieu dès la formation initiale. Des centres régionaux de formation seront créés, ce qui permettra de former les gendarmes au plus près de leur territoire, de gagner en performance et d'inventer des modes de formation innovants. À ce titre, la gendarmerie développe la e-formation et la formation en lien avec l'étranger. Il y a quinze jours, j'ai échangé avec mes homologues italiens, espagnols et portugais pour créer un Erasmus des forces de sécurité, appelé Polaris, sur la formation initiale. La police allemande est également intéressée, et nous bénéficions de l'aide de l'Europe dans ce cadre. Dans deux semaines, je rencontrerai les polices des pays scandinaves pour échanger sur leur rapport avec la population.
Le ministre a annoncé la création de postes d'assistants d'enquête. Il s'agit d'un moyen de valoriser les personnels en employant moins les enquêteurs. Ces personnels n'auront pas un statut de gendarme, puisqu'ils seront issus du civil ou du corps de soutien de la gendarmerie, qui ne bénéficie donc pas du logement ou des primes de police. Ils nous permettront de traiter tout ce qui entoure l'enquête, comme les convocations, mais également d'améliorer le travail administratif dans les brigades, actuellement géré par des personnels dont ce n'est pas le métier et qui ont davantage leur place sur le terrain. Ces mesures nous feront gagner en performance et nous aideront à répondre aux attentes du Président de la République et du ministre d'un doublement de notre présence sur la voie publique.
L'année 2023 s'annonce positive. Nous voyons arriver des mesures et des moyens que nous attendions depuis longtemps, qui nous permettront de mieux répondre aux sollicitations de la population et des élus.