Après un été caniculaire, nous bénéficions depuis plusieurs jours d'un été indien. Cette météo douce ne doit pas cacher l'hiver qui arrive ni nous faire oublier ce qui se passera dans les prochaines années, lesquelles réclament de l'anticipation. Il faudra nécessairement faire preuve de sobriété solidaire et produire de l'énergie électrique décarbonée grâce à la montée en puissance des énergies renouvelables. Organisons, bifurquons, et planifions dès à présent la fin de notre dépendance aux énergies fossiles et au gaz russe !
Cet objectif exige une accélération sans précédent du financement de la transition énergétique. Contrairement à ce que laissaient entendre les effets d'annonce, ce n'est pas réellement l'orientation prise par ce budget.
Prenons la rénovation énergétique des logements, premier gisement d'économies potentielles. Certes, les moyens alloués à MaPrimeRenov' sont en hausse, mais ils ne sont qu'au tiers du niveau nécessaire pour espérer atteindre la neutralité carbone en 2050. L'accélération du changement climatique ne nous permet plus d'être dans la demi-mesure, voire le tiers de la mesure.
Vous nous opposerez le nombre important de dossiers de rénovation financés, mais en raisonnant ainsi, on prend le risque de passer à côté de l'essentiel : l'isolation n'a représenté que 21 % des travaux subventionnés alors que 70 % d'entre eux concernent les changements de mode de chauffage. Or, selon l'Agence de la transition écologique, une isolation et une ventilation performantes contribuent à elles seules à réduire en moyenne de 60 % la consommation énergétique, contre à peine 10 % pour le chauffage. La part des rénovations financées avec MaPrimRenov' comportant au moins trois gestes de rénovation est de 3 %, de sorte qu'à peine 2 500 passoires thermiques ont perdu ce statut en 2021 alors que l'objectif gouvernemental était que leur nombre atteigne 80 000. Nous sommes loin du compte !
À tous les étages de MaPrimRenov', quelque chose coince. Il existe une très forte disparité dans la nature des travaux financés selon les revenus des ménages. Ainsi, pour les ménages très modestes, modestes et intermédiaires, l'isolation des murs et toitures n'apparaît pas parmi les trois principaux gestes de rénovation réalisés. Sans dispositif de zéro reste à charge et en l'absence d'un meilleur échelonnement des aides, les plus modestes n'ont simplement pas les moyens de faire des travaux d'ampleur. Ce sont pourtant ces foyers qui sont les premières victimes de la précarité énergétique.
En revanche, pour les ménages aux revenus supérieurs, l'isolation des murs et celle des toitures sont les deux principaux postes de travaux, avant le changement de fenêtres. Ainsi, seuls les ménages les plus aisés bénéficient des travaux les plus performants quand les autres catégories se retrouvent avec des travaux peu performants, voire inefficaces…
Résumons donc : le système actuel ne va pas assez vite, il ne cible pas les bons foyers, ne permet pas des rénovations d'ampleur ; il contribue même à accentuer les inégalités et ne prépare pas notre pays à adopter une sobriété solidaire, seule ambition commune possible pour viser l'indépendance énergétique et lutter contre le changement climatique. Nous vous alertons depuis longtemps et ces constats, tirés du bilan de l'Anah elle-même, donnent – hélas – raison à nos craintes.
La Cour des comptes a publié vendredi 28 octobre 2022 un rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments, dont les conclusions confirment la pertinence des amendements que nous présenterons. Il faut massifier les rénovations en imposant un niveau minimal de gain énergétique que nous proposons de fixer à 35 %, donner la priorité aux rénovations complètes et performantes, et instaurer un système qui réduise à zéro le reste à charge pour tous les ménages, selon le principe du dispositif de prime pour le climat que le groupe Socialistes et apparentés propose depuis 2019 et que Jean-Louis Bricout a évoqué il y a quelques instants. Le coût budgétaire de 7 milliards serait le même que celui de la suppression de l'impôt sur la production, qui bénéficiera presque exclusivement aux grandes entreprises. Ce n'est donc pas une affaire de moyens, mais de mauvaises priorités politiques.
Nous ne pouvons que regretter également l'insuffisante ambition pour une revalorisation du chèque énergie qui permette tout à la fois d'étendre le champ des bénéficiaires et de majorer la valeur du chèque pour les ménages les plus modestes. Au regard de l'inflation et des prix des énergies, même avec le bouclier tarifaire, l'évolution de la valeur du chèque demeure très insuffisante.
De plus, nous sommes placés dans une situation quelque peu étonnante pour en débattre : le Gouvernement a présenté un train de mesures trente minutes avant l'expiration du délai de dépôt sur cette mission et, le lendemain, a déposé un amendement proposant un tout nouveau mécanisme dont le dispositif juridique est décrit en douze pages, sans étude d'impact, et qui n'a été chiffré que très tardivement, puisqu'un amendement de crédits a été déposé hier soir. Nous disposons donc d'une analyse détaillée du coût de ce dispositif, ce que nous attendions, mais reconnaissez, madame la ministre, que le respect de la bonne information de la représentation nationale n'a eu lieu qu'in extremis, ce qui n'est pas satisfaisant. En outre, vous renvoyez à la voie réglementaire, après avis de la CRE, des éléments fondamentaux du dispositif tels que le champ des bénéficiaires potentiels parmi les collectivités, les entreprises et les associations ne bénéficiant pas actuellement des tarifs réglementés.
Eu regard aux insuffisances que nous avons dénoncées, qui concernent tant la rénovation énergétique que le chèque énergie, et étant donné les nombreuses inconnues au sujet du bouclier tarifaire à ce stade, le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits de la mission.