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Intervention de Stéphane Lenormand

Séance en hémicycle du vendredi 28 octobre 2022 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Lenormand :

Le secteur de la culture est sans nul doute l'un des plus fragilisés par la dernière crise sanitaire. De plus, ses acteurs doivent faire face, comme beaucoup de nos concitoyens, à une augmentation des coûts, notamment en raison du contexte géopolitique et économique. Il est sûrement le secteur qui en souffrira le plus longtemps, ce qui pourrait avoir à terme des conséquences désastreuses.

Si nous ne pouvons que saluer la hausse des crédits consacrés à la mission "Culture" , celle-ci est à mettre en perspective avec les grandes difficultés du secteur et, surtout, avec la forte inflation, qui relativise ces efforts. Comme l'a bien résumé Olivier Darbois, président du syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et variété, le Prodiss, « nos entreprises souffrent définitivement d'un covid long ».

L'activité connaît un recul sans précédent par rapport à 2019. En 2022, la fréquentation touristique s'est améliorée, mais elle n'a pas retrouvé son niveau d'avant la crise : c'est le cas non seulement pour les petits établissements culturels patrimoniaux, mais aussi pour les grands opérateurs comme le château de Versailles ou le musée du Louvre. La forte inflation perturbe le retour à la normale dans les établissements et limite le pouvoir d'achat du public, lequel risque de se détourner des activités culturelles : il s'agit bien d'une double peine ! Pour cette raison, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires proposera plusieurs amendements, qui visent notamment à soutenir le théâtre.

Un même constat peut être dressé pour le mécénat : dans le contexte actuel, le recours à une combinaison de financements publics et privés est plus que nécessaire pour garantir la pérennité des projets culturels. Or la forte hausse des prix risque de diminuer les dons et le mécénat culturel et patrimonial.

Par ailleurs, les pratiques culturelles des Français ont été modifiées par la crise sanitaire, l'utilisation des moyens numériques s'étant largement accrue dans ce domaine. Le budget de la culture peine à s'inscrire dans cette nouvelle perspective et ne tire pas les conséquences de cette évolution.

Il faut saluer la hausse des crédits du programme Patrimoines, mais rappelons que cette augmentation vise essentiellement à compenser la croissance des coûts de l'énergie et qu'elle risque de se révéler insuffisante pour les opérateurs culturels. La politique de conservation du patrimoine continue de profiter essentiellement aux très grands opérateurs proches de Paris.

Des efforts doivent être consentis pour orienter davantage les crédits de la mission vers les territoires, en particulier vers les territoires ruraux, isolés ou ultramarins. Ils demeurent cependant encore insuffisants car, dans ce domaine, nous partons de loin. Les initiatives locales méritent d'être soutenues et attendent notre reconnaissance avec un budget en conséquence.

Notre groupe insiste sur le fait que le patrimoine rural et de proximité affronte une crise sans précédent et souffre d'un manque de moyens. Les communes, petites et rurales en particulier, sont en grande difficulté pour entretenir leur patrimoine historique et architectural. Notre groupe défendra ainsi un amendement afin de soutenir les associations et les petites communes de moins de 10 000 habitants dans leurs actions de rénovation de leur patrimoine. De la même manière, nous proposerons de mieux accompagner les collectivités territoriales dans la réalisation de leurs diagnostics archéologiques.

Je terminerai sur la question de l'accès à la culture et de sa démocratisation. Notre groupe se réjouit de l'extension du pass culture. C'est, pour notre groupe, une bonne chose, mais il nous paraît important de rappeler qu'il ne saurait constituer une politique culturelle et éducative à lui seul. Or comme l'indiquait en commission la rapporteure pour avis, celui-ci représente désormais 208 millions, soit un montant deux fois supérieur à celui qui est consacré à la politique d'éducation artistique et culturelle. Nous nous interrogeons donc légitimement sur le caractère presque disproportionné du dispositif. Nous avons aussi besoin de davantage de médiation et de découverte, particulièrement à destination des publics les moins favorisés et des territoires les plus isolés.

Comme je l'indiquais au début de mes propos, notre groupe salue la hausse des crédits de la mission "Culture" , mais s'inquiète de sa capacité à suivre la forte inflation et de l'insuffisance des moyens déconcentrés et à destination des territoires les moins dotés. À ce stade, nous nous abstiendrons. Toutefois, les débats qui suivront et l'adoption d'amendements judicieux pourraient nous amener à adopter le projet.

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