Intervention de Sophie Taillé-Polian

Séance en hémicycle du vendredi 28 octobre 2022 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Taillé-Polian :

Le budget de la culture pour 2023 s'inscrit, nous le disons tous, dans un contexte de grande inquiétude et de grande incertitude pour les milieux culturels et les publics. Les conséquences de long terme de la crise sanitaire ne sont pas encore visibles que déjà la crise économique, l'inflation et la hausse des coûts de l'énergie sont porteuses de grandes interrogations pour le secteur culturel.

Le groupe Écologiste – NUPES considère que ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux car, comme il ne compense pas l'inflation, sa hausse est en quelque sorte factice. Pour notre groupe, la culture est un pilier de la République écologique que nous voulons construire. Je voudrais mettre l'accent sur deux points principaux, qui mettent en lumière nos divergences de fond.

Le premier a trait à l'éducation artistique et culturelle ainsi qu'à l'accès à la culture, notamment des jeunes. Cela a été dit, il y a un net déséquilibre entre les crédits alloués au pass culture et ceux dédiés à l'éducation artistique. Le pass culture est une aide ponctuelle aux jeunes en forme de cadeau d'anniversaire. Vous le présentez comme le chantier culturel du quinquennat, or ce dispositif ne peut représenter à lui seul une politique d'accès à la culture et de démocratisation. Cette mesure est présentée comme un outil visant à renforcer et à diversifier les pratiques culturelles des jeunes. S'il répond à l'exigence culturelle de pouvoir d'achat – certes essentielle aujourd'hui –, le pass culture correspond à une politique culturelle de l'offre et non à une politique de médiation. Alors que la démocratisation culturelle ne peut se résumer à un bon d'achat, ce dispositif ne répond à la question de l'accès à la culture que par sa dimension financière, laquelle ne constitue pas le seul obstacle. Le développement du pass culture vers les classes de collège et de lycée va certes dans le bon sens, mais le montant annuel par élève, 25 euros, est faible, d'autant que les transports ne sont pas pris en compte, ce qui bloque de nombreux projets ; un tel investissement ne compense pas la baisse continue des moyens alloués à l'éducation culturelle dans les collèges et les lycées, qui entraîne notamment la réduction des sorties scolaires depuis tant d'années. Le pass culture – aide ponctuelle à la consommation, fût-elle culturelle – ne peut pas remplacer une politique de l'éducation artistique et culturelle conçue sur le temps long et fondée sur des pratiques régulières.

Le deuxième élément concerne le manque de soutien aux collectivités territoriales. Vous me direz que ce constat ne se limite pas au budget de la culture et qu'il concerne l'ensemble des politiques publiques, les collectivités éprouvant pourtant de grandes difficultés dues notamment à la hausse des coûts de l'énergie. Cette situation aura de lourdes conséquences sur les budgets culturels. Les maires ne souhaitent pas remettre en cause leur politique culturelle, mais il est techniquement simple de diminuer ce poste de dépenses. Tous les professionnels appellent le ministère de la culture à anticiper davantage ces cadrages budgétaires, qui s'annoncent stricts pour 2023. Des ajustements sévères sont à craindre pour les collectivités, alors que celles-ci sont essentielles pour la pratique culturelle de proximité. Les budgets culturels des collectivités locales représentent les deux tiers du budget culturel français. L'accès à la culture sera donc plus difficile, et les professionnels rencontreront d'importants problèmes. Vers qui les associations culturelles et les artistes se tournent-ils d'abord, notamment lorsqu'ils commencent leur activité ? Vers les collectivités. Mettre en difficulté les générations d'artistes et de créateurs qui sont en train d'émerger est un choix risqué.

Lors de la campagne des législatives, la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale a proposé de porter le budget de la culture à 1 % du PIB, afin de développer le service public des arts et de la culture à la hauteur des ambitions qui sont les nôtres. Il faut y parvenir en s'appuyant fortement sur les collectivités territoriales et les territoires pour déployer un service public de la culture de proximité tourné vers les gens. En un mot, nous appelons à un nouvel acte de décentralisation culturelle et à un nouvel élan, au plus près de chacun, en faveur des artistes de toute esthétique comme des publics dans leur diversité.

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