« La justice, c'est difficile à rendre », déclariez-vous il y a quelques jours sur un plateau de télévision, monsieur le garde des sceaux. Et je vous rejoins totalement sur ce point. C'est la raison pour laquelle il est important de lui donner les moyens de ses ambitions dans ce projet de loi de finances pour 2023. Comme chaque année évidemment, la majorité présidentielle et le Gouvernement se félicitent d'un budget de la justice présenté comme exceptionnel, voire historique alors que, nous le savons, rien ne va changer fondamentalement pour les justiciables.
En 2023, la plupart de nos concitoyens devront toujours attendre près de deux années pour qu'une décision de justice soit rendue et cela n'est pas acceptable dans un pays comme la France.
Il est vrai que le budget de la justice augmente chaque année. C'est particulièrement le cas pour 2023, ce que je tiens à saluer. Cette augmentation sera-t-elle suffisante pour que la justice soit mieux rendue ? Non, assurément. En effet, malgré les hausses des crédits intervenues ces dernières années, notre système judiciaire se dégrade petit à petit. Je citerai quelques-unes des causes de cette évolution.
Les crédits d'investissement ne peuvent pas être dépensés. En trois ans, une année complète de crédits n'a pas été dépensée – et le covid n'explique et n'excuse pas tout.
Le programme de construction de prisons n'est pas réalisé. L'ouverture de 15 000 places était prévue pour le premier quinquennat ; ce chiffre est aujourd'hui ramené à 7 000 places d'ici à la fin de l'année 2022, accompagnées, peut-être, de 8 000 places supplémentaires à l'horizon 2027. Alors que nous arrivons à la fin de la première échéance, à ce jour, seules 2 081 places ont été ouvertes, et il devrait y en avoir seulement 2 000 supplémentaires en 2023 avec la livraison de dix nouveaux établissements.
Nos prisons sont délabrées et indignes avec un taux d'occupation qui ne fait qu'augmenter passant de 119,4 % en 2020 à 126 % en 2021. L'année 2022 s'annonce encore plus compliquée : le taux d'occupation atteindrait 129 % selon les estimations.
Enfin, le temps d'attente pour les justiciables est insupportable : le délai moyen de traitement par la Cour de cassation des affaires civiles est passé de 17,9 mois en 2020 à 19,1 mois en 2021. Le délai moyen de traitement devant la Cour d'appel est quant à lui de 17,5 mois en 2021, alors qu'il était de 17 mois en 2020. Il faut donc en moyenne plus d'un an et demi pour que ces juridictions prennent une décision. Ces lenteurs étaient déjà difficilement acceptables par le passé ; elles ne font qu'augmenter d'année en année.
Il y a néanmoins des points positifs dans ce budget, qu'il est important de souligner, notamment en ce qui concerne les créations d'emplois. En 2023, le ministère bénéficiera ainsi de la création de 2 253 équivalents temps plein (ETP), dont 1 220 seront créés dans les services judiciaires pour renforcer la justice de proximité et résorber la vacance d'emplois dans les greffes. Vous voyez, monsieur le garde des sceaux, que je tiens un discours vraiment pondéré : quand ça ne va pas, j'en parle, mais je parle aussi de tout ce qui va…