La justice a droit à une belle augmentation de 8 % en un an pour ce premier budget de la législature. Ce n'est certes pas un luxe, mais des efforts et des moyens budgétaires ont été fournis, personne ne peut le nier.
Tout n'est pas pour autant parfait et la justice souffre encore de trop nombreux maux, dont, en premier lieu, une crise des recrutements que le ministère peine toujours à résoudre. Alors que la Première ministre, dans sa déclaration de politique générale, annonçait la création de 3 000 postes de magistrats et de greffiers, seuls 200 postes de magistrats sont prévus ici. Pourquoi reporter les efforts qui permettraient le recrutement des 1 500 juges manquant à notre système judiciaire et dont l'absence affecte directement le principal indicateur de la mission, la durée de traitement des affaires judiciaires ? Celle-ci reste si élevée qu'il est trop souvent difficile de rendre justice dans un délai raisonnable, ce qui expose la France à de nouvelles condamnations européennes. Le rapport du comité des états généraux de la justice préconisait le renforcement de l'entourage du magistrat. Pourtant, là aussi, les initiatives pour renforcer l'attractivité des emplois sont au point mort.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ne met pas en doute votre volonté d'augmenter l'effort en matière carcérale. Des moyens importants sont prévus, avec 650 millions d'euros pour les investissements immobiliers, notamment dans le plan « prison ». Cependant, le taux d'occupation des maisons d'arrêt a dépassé 130 % en 2023, si bien que l'on peut s'interroger sur les effets des investissements sur son évolution.
Nous nous inquiétons également des faibles recrutements dans l'administration pénitentiaire. Malgré la volonté de recruter du ministère, les résultats ne sont pas là. Au-delà des efforts en matière de rémunération, quels autres moyens sont déployés pour renforcer l'attractivité de ces métiers ? Je veux en tout cas rendre hommage au personnel qui œuvre au quotidien dans des conditions difficiles.
J'en viens à la prorogation du dispositif expérimental de médiation préalable pour certaines affaires familiales. Alors que c'est la troisième depuis 2016, elle ne concerne que onze juridictions. La pandémie ne saurait à elle seule justifier la faiblesse de ce déploiement. Nous éprouvons également des doutes concernant son financement puisque l'évaluation préalable évoque un coût total de 7,7 millions d'euros, dont seulement 2,8 millions pour l'État. Ce sont donc les CAF – caisses d'allocations familiales – qui devront prendre en charge les 75 % restants. Vous indiquez que vingt-quatre à trente-trois juridictions supplémentaires pourraient être concernées sans détailler le choix des territoires concernés. Comment le ministère peut-il chercher à proroger le dispositif avant même d'avoir obtenu des garanties que les CAF poursuivront ce modèle de financement ?
Enfin, j'appelle l'attention du garde des sceaux et de la représentation nationale sur la situation particulière de la Corse. Vous le savez, nous avons engagé un processus de discussion entre l'État et la collectivité de Corse. Il convient en effet d'avancer pour trouver une solution aux lourds problèmes économiques, sociaux et culturels de l'île et – je veux le redire ici – une issue politique globale qui intègre la question des prisonniers.
Nous avons sollicité et attendons la création d'une commission d'enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur l'assassinat d'Yvan Colonna. L'immense majorité des citoyens et des forces politiques de Corse attend aussi des réponses sur la possibilité de libération conditionnelle de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Hier, la Cour de cassation a ordonné un nouvel examen de la demande de semi-liberté de Pierre Alessandri. Je souhaite que ce processus aboutisse enfin pour ces deux hommes. Je souhaite une solution conforme au droit et surtout à l'esprit du droit.
Il est de notre devoir de faire de la bonne politique et d'apporter enfin, dans tous les domaines – économique, culturel, social –, les remèdes à toutes les avanies dont la Corse souffre depuis tant de décennies. Nous attendons. La Corse attend depuis longtemps et exprime démocratiquement cette attente de solutions pragmatiques, y compris pour ses prisonniers.