Intervention de Caroline Cayeux

Réunion du jeudi 13 octobre 2022 à 10h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales :

Je tiens tout d'abord à saluer la grande qualité du travail de votre commission. Sous la conduite de votre président M. Jean-Marc Zulesi, vous remplissez une mission indispensable à la construction et à la conduite de nos politiques publiques pour aménager nos territoires et mener la transition énergétique.

Je vous remercie aussi pour l'écoute et l'esprit constructif qui ont toujours présidé à nos échanges. Nous poursuivrons de même, car nous partageons la conviction que le développement durable de nos territoires est une priorité essentielle pour nos concitoyens et l'avenir de notre pays.

Vous avez auditionné plusieurs de mes collègues du Gouvernement : Mme Bérangère Couillard, M. Christophe Béchu, M. Clément Beaune, ainsi que Mme Agnès Pannier-Runacher. Ils ont pu vous éclairer sur la ligne que nous suivons collectivement et la délimitation de nos périmètres respectifs au sein du pôle « Territoires ».

Nous soutenons l'ambition d'un dialogue renouvelé entre l'État, les élus locaux et les collectivités. L'État doit être accompagnateur et non prescripteur, afin de déployer des politiques publiques qui épousent les réalités de nos territoires et répondent aux besoins de nos concitoyens.

Cette redéfinition du rôle de l'État a connu une nette accélération lors du précédent mandat et elle s'est incarnée dans les dispositifs que nous avons appliqués, Action cœur de ville et Petites villes de demain.

Le programme Action cœur de ville représente plus de 4,7 milliards d'euros, sur les 5 milliards engagés avec nos partenaires, la Banque des territoires, Action logement et l'Agence nationale de l'habitat (Anah), en vue de valoriser les centres de 234 villes moyennes lauréates. Concrètement, les habitants ont mesuré l'ampleur des travaux accomplis, qu'il s'agisse de la rénovation des centres anciens, du réaménagement des mobilités ou de la création de nouveaux espaces verts. Cette amélioration de l'attractivité des centres-villes est quantifiable : malgré la pandémie, leur fréquentation a augmenté de 15 % et les ventes immobilières ont progressé de 17 %.

Nous préparons l'acte II du programme Action cœur de ville afin de renforcer notre soutien aux projets de valorisation liés à la transition écologique. La réunion du comité des financeurs que je viens de présider a permis de définir précisément les engagements de chaque partenaire, au service de nos territoires. La deuxième phase a été actée par M. Jean Castex à la fin du premier quinquennat afin de prolonger ce dispositif jusqu'en 2026. Elle sera ambitieuse mais la Première ministre vous en dira davantage dans les prochaines semaines.

L'État et ses partenaires ont mobilisé 3 milliards d'euros pour le programme Petites villes de demain. Action logement ne faisait pas partie du premier tour de table mais nous ne désespérons pas de l'intégrer à la seconde partie. Ce programme vise à réaménager les centres urbains de 1 600 communes de moins de 20 000 habitants, jusqu'en 2026. D'ores et déjà, 780 millions d'euros ont été engagés, soit plus de 25 % du montant prévu initialement. C'est un programme plus jeune qu'Action cœur de ville. Lancé en 2020, il a permis de subventionner 876 projets et de rénover plus de 22 000 logements dans les communes bénéficiaires.

Je souhaite que nous consolidions ce programme pour en verdir davantage les dispositifs et le rendre plus opérationnel. C'est pourquoi j'ai donné mission aux équipes de l'ANCT de rédiger une feuille de route enrichie, conformément aux attentes des élus.

Plus largement, ces deux programmes s'inscrivent dans l'Agenda rural, installé depuis 2019 et dont les résultats sont prometteurs. Dans tous les espaces ruraux, nos concitoyens peuvent en mesurer les fruits et les effets dans leur quotidien.

Il a permis de renforcer la couverture numérique de notre pays, tant pour la téléphonie mobile que l'internet fixe. Notre objectif était de couvrir en 4G, par au moins un opérateur, 85 % du territoire d'ici la fin de l'année 2022. Il est déjà dépassé puisque 90 % du territoire sont déjà couverts.

Les Français devraient avoir accès au très haut débit fixe d'ici fin 2022 et la fibre optique devrait être généralisée d'ici 2025. L'objectif est réaliste puisqu'au début de 2022, 70 % des locaux étaient raccordables à une offre de fibre optique, contre moins de 25 % en 2017.

L'Agenda rural a également permis de réinstaller les services publics au plus près des habitants, grâce aux 2 400 Maisons France services créées, dont 120 bus itinérants qui permettent de couvrir les territoires les plus éloignés. À la fin de l'année, notre pays en comptera 2 600, ce qui dépassera l'objectif initial d'une maison par canton. Ce sont autant de nouveaux points de contact essentiels pour garantir à nos concitoyens l'offre de services publics à laquelle ils ont droit.

Ces dispositifs transversaux ont permis d'affecter les financements de l'État et de ses partenaires aux projets soutenus par les élus locaux. Cet État accompagnateur, et non prescripteur, a géré le programme Territoires d'industrie, qui s'appuie en priorité sur les intercommunalités. Il a relancé la dynamique de réindustrialisation depuis les territoires, grâce à plus de 2 milliards d'euros engagés dans près de 542 intercommunalités pour 30 millions d'habitants.

Grâce à ce programme, la production industrielle française poursuit et consolide sa croissance, à un niveau inédit depuis plusieurs années, malgré un contexte particulièrement incertain. L'initiative des Territoires d'industrie témoigne de l'engagement du Gouvernement pour une différenciation toujours plus forte de nos politiques publiques et de sa volonté de réindustrialiser notre pays de façon équilibrée. Nous en poursuivrons la mise en œuvre, en tenant compte des remarques des élus.

Enfin, l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) répond à la nécessité de limiter, à l'échelle de notre pays, la trop grande artificialisation des surfaces, afin de mieux lutter contre le réchauffement climatique, de préserver la biodiversité et de valoriser nos paysages. Les élus locaux doivent en être les pilotes car ils connaissent mieux que personne les besoins de leurs territoires, dont ils ont le souci du développement harmonieux. Il n'a jamais été question d'imposer d'en haut des contraintes incompatibles avec la valorisation des territoires ruraux.

Depuis le début, notre Gouvernement poursuit une logique de différenciation et de territorialisation dans le déploiement de cette mesure contenue dans la loi « climat et résilience ». C'est au niveau de la région que se construisent les équilibres et les consensus, en fondant les nouveaux schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) sur les conclusions des conférences des schémas de cohérence territoriale (Scot).

L'État est à l'écoute et a déjà prouvé qu'il prenait en compte les difficultés, toujours au service des territoires. Nous avons ainsi repoussé de six mois la restitution des conférences de Scot, à la demande des élus locaux. S'agissant des deux décrets d'application d'avril relatifs à la nomenclature et au mode de calcul de l'objectif ZAN, nous sommes prêts à la discussion, dans les limites, bien sûr, des textes de loi qui encadrent notre action.

Les élus doivent pouvoir continuer à développer des espaces naturels et de loisirs sans utiliser une partie de leurs droits à construire, et il apparaît légitime de prendre en compte les efforts de renaturation qui seraient consentis par les élus d'ici 2030. Une instruction sur le mode de calcul des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) est d'ailleurs en cours.

M. Christophe Béchu a réuni les associations d'élus pour travailler sur tous ces points de friction qui persistent autour de l'objectif de sobriété foncière.

Vous le voyez, l'État ne cherche pas à contraindre ni à imposer de façon verticale. Nous prenons en compte toutes les propositions qui nous sont faites, pour atteindre le ZAN sans compromettre le développement des territoires, qu'il s'agisse d'environnement ou d'économie.

L'État accompagnateur, et non prescripteur, ne serait qu'un slogan si le projet de loi de finances ne prévoyait pas d'accorder aux collectivités les moyens d'agir et d'investir. Dans un contexte d'inflation et de hausse des prix de l'énergie, un soutien accru de l'État est indispensable.

C'est pourquoi, en plus du filet de sécurité instauré dans la loi de finances rectificative et de la reconduction du bouclier tarifaire pour faire face à l'urgence, nous avons souhaité défendre, avec la Première ministre, une hausse de la dotation globale de fonctionnement des communes (DGF) de 320 millions d'euros, dont 200 millions d'euros de dotation de solidarité rurale, ce qui est inédit depuis 2013. Ainsi, 95 % des communes et des intercommunalités verront leur dotation augmentée ou maintenue. Au regard de l'impératif de maîtrise de notre dépense publique, c'est un geste fort en direction des collectivités et des élus locaux.

La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) permettra à notre pays de gagner en compétitivité, sans amoindrir les ressources des collectivités. Elle sera intégralement compensée par l'attribution d'une part supplémentaire de TVA, mais aussi de sa dynamique, qui dès 2023, sera destinée aux territoires qui accueillent de nouvelles activités économiques, selon des critères que nous établirons de façon concertée, dans les prochains jours. La compensation de 2023 correspondra aux sommes que l'État aurait dû reverser aux collectivités territoriales en 2023 au titre de la CVAE. Il n'y aura pas d'année blanche pour les communes.

Notre souci de protéger les marges de manœuvre des collectivités transparaît également dans le maintien de leurs dotations d'investissement – dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dotation de soutien à l'investissement public (DSID), dotation politique de la ville (DPV), dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) –, pour près de 2 milliards d'euros, comme l'année précédente.

Les crédits du programme 112 augmentent considérablement par rapport à l'année dernière, en lien avec la nouvelle génération de contrats de plan État-région (CPER).

L'enveloppe de l'ANCT, que j'ai eu l'honneur de présider pendant deux ans, est confortée afin de lui permettre d'assurer ses missions auprès des collectivités.

Ces ressources permettront aux collectivités de continuer à investir, en particulier en faveur de leur transition énergétique, ce qui est la seule solution pour surmonter nos difficultés.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit ainsi d'augmenter d'un tiers les moyens consacrés à la dotation biodiversité pour 2023, lesquels avaient déjà été doublés en 2022, pour atteindre un montant de 30 millions d'euros. Surtout, il tend à créer un Fonds vert, d'un montant inédit de 2 milliards d'euros. L'ensemble des projets éligibles et leurs caractéristiques doivent encore être précisés, mais la méthode d'attribution de ce fonds est bien arrêtée.

Conformément à votre souhait, l'obtention des financements obéira à des règles simples, décentralisées et sans appel à projet. Tout partira de vos initiatives, de vos projets, selon une méthode lisible et reconnue, celle du dialogue entre les élus et le préfet du département.

Le Gouvernement s'est attaché à construire un projet de loi de finances sincère, au service des collectivités et des élus locaux, que nous n'avons cessé de consulter en amont. Il leur donne les moyens de poursuivre l'aménagement et la valorisation de leurs territoires, tout en accélérant la transition écologique et énergétique.

Dans tous les dispositifs et les programmes que nous prévoyons ou que nous intensifions, ce sont les élus et les collectivités qui ont l'initiative, l'État venant leur apporter son concours.

Il ne s'agit pas d'une dynamique passagère, mais bien de notre ambition d'ouvrir le nouveau chapitre de décentralisation dont notre pays a besoin. Je sais que vous partagez ce point de vue. Le Président de la République a eu l'occasion de revenir sur ce sujet lors de son déplacement en Mayenne.

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