Cette mission budgétaire est à l'image du pillage déguisé et pernicieux, déjà en marche sous le premier quinquennat du premier des « marcheurs », le Président de la République. Le changement de législature ne sera pas celui de la méthode, mais s'inscrira dans la continuité du précédent quinquennat : celui de la baisse des moyens, avec le retour de la contractualisation financière, celui de la soumission des collectivités territoriales au respect de l'austérité européenne, celui du racket des finances locales au profit des entreprises, de la suppression de la CVAE et de la baisse de la DGF en euros constants.
Cette déchéance est-elle le fruit amer d'un gouvernement simplement déconnecté de la réalité des territoires, ou la traduction jacobine d'un État qui semble souffrir d'un trouble aggravé de la personnalité obsessionnelle compulsive ?
À vouloir contrôler les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités, régenter les faits et gestes des maires, on alimente la grogne sociale, car la conséquence de l'asphyxie financière des collectivités, que vous placez petit à petit sous tutelle étatique, que vous déresponsabilisez fiscalement, que vous privez progressivement de marges de manœuvre, retombe directement sur les citoyens : c'est l'incivisme que ces politiques alimentent et la défiance populaire qu'elles nourrissent.
Coincés entre les concours financiers qui stagnent et une inflation qui explose, les élus locaux se retrouvent à devoir renoncer à fournir à leurs habitants certains services publics – les cantines, crèches et autres, en Guyane, par exemple.
Ce budget assume de brimer les capacités d'investissement des collectivités et la continuité des services publics à destination des Français.
Vous m'opposerez, peut-être, le revirement aussi soudain que trompeur du Président de la République, qui appelle à un « nouveau chapitre de la décentralisation ». J'ai beau chercher, je ne trouve pas de cohérence entre ce semblant de prise de conscience et la mise sous tutelle des collectivités que le Gouvernement tente d'organiser par son fameux Pacte de confiance.
Je ne rappellerai pas le sort piteux qui lui a été réservé en première lecture à l'Assemblée nationale. Décentraliser revient à lâcher du lest, non à passer la laisse et à serrer le collier jusqu'à étranglement.
À quand une indexation de la DGF sur l'inflation ? Elle permettrait aux collectivités de protéger leur capacité d'autofinancement et leur donnerait de la visibilité pour programmer leurs investissements.
À quand une revalorisation des montants de la DETR et de la DSIL pour que l'investissement local puisse jouer un rôle de levier face à l'inflation ?
À quand un véritable bouclier énergétique d'urgence et un élargissement des frais réglementés de vente à l'ensemble des collectivités ?
L'impuissance publique des élus locaux par l'austérité financière et fiscale dessert autant la population par un niveau de services amoindri, que le dynamisme économique, qui dépend en majeure partie de l'investissement public local. C'est aussi desservir les ambitions gouvernementales en matière de transition écologique, car les aménagements colossaux nécessaires ne pourront se faire sans mener des concertations locales apaisées. Mais c'est aussi desservir l'engagement public.
Les élus ont répondu à chaque appel à la rescousse du Gouvernement – crise du covid-19, désertification médicale, crise sociale. Ne confondons pas dévouement et masochisme. En sortant le bâton, non la carotte, vous favorisez le découragement, alors que les solutions aux crises majeures de notre époque se trouveront non à Paris, mais à l'échelon de proximité.
Les territoires d'outre-mer sont fortement touchés par cette situation. En 2017, 32 % des Français d'outre-mer vivaient sous le seuil de pauvreté ; en 2022, ce taux est de 53 %, soit plus de vingt points en cinq ans. Les collectivités doivent faire face à une paupérisation sans précédent de la population. Il faut qu'elles investissent massivement dans leurs infrastructures publiques pour accompagner le développement démographique.
Les budgets et les crédits alloués ne sont pas au niveau des besoins. Cette situation n'est pas tolérable ; un plan d'accompagnement de nos territoires est urgent. L'État peut mais ne veut pas.