Je pensais exactement à la même chose. Dans un commissariat, un gendarme et un policier ne sont pas parties prenantes et n'ont rien à gagner ou à perdre. Je comprends bien la limite des associations, des syndicats que vous invoquez, ainsi que celle de la cellule Audiens. Toutefois, il est essentiel de reconnaître que se confier à une espèce d'unité de police ou de gendarmerie en interne comporte le même risque d'être blacklisté et de perdre son emploi. Je ne vois pas de différence.
Le seul levier que nous avons est de s'assurer que ces branches pourries et mortes de la profession ne puissent plus imposer leurs lois. Par le nombre de personnes qui dénoncent, aujourd'hui infiniment plus grand. Nous ne devons plus tolérer aucun geste déplacé, aucune parole inacceptable. Il est impératif que nous soyons nombreux à témoigner sans crainte. Le nombre de témoignages obtenus en seulement quatre mois, ainsi que ceux recueillis par Judith Godrèche de toutes les parties de la profession, qu'elles soient techniciennes, acteurs ou actrices, de plus d'un millier, signifie que si toutes ces personnes sortent de l'ombre, il n'y aura plus personne pour travailler dans le monde du cinéma. Si nous blacklistons les victimes, il n'y aura plus d'acteurs, ni de techniciens. Si nous blacklistons les auteurs de ces violences, comme vous le suggérez, nous tenterons de rendre ce système plus propre.
Cependant, nous atteignons une limite, car notre objectif est de mettre en évidence les dysfonctionnements et le caractère systémique des problèmes, afin d'y apporter des réponses, qu'elles soient législatives ou non. Nous devons également proposer des bonnes pratiques et rester vigilants quant aux mesures que nous souhaitons mettre en place. Toutefois, si les témoignages restent anonymes, je comprends la difficulté pour ces personnes courageuses, qui ont déjà beaucoup souffert et ne veulent pas mettre en péril leur carrière. Je ne vois pas comment nous pourrions sortir de cette situation.
En effet, il est important de les mettre en relation pour qu'elles ne se sentent pas isolées. Mais même en tant que victimes, elles n'ont aucune envie de continuer à travailler dans un système corrompu et dangereux. Que nous disent-elles ? Elles s'isolent, sachant que si elles parlent, elles seront blacklistées. Si elles restent dans l'ombre, elles doivent éviter et contourner de nombreux pièges, qui ne se trouvent jamais au même endroit. À chaque nouveau tournage ou film, de nouvelles équipes se forment et se mélangent, rendant impossible toute continuité de travail.