Au croisement de toutes ces questions, les avancées ne sont pas uniformes. Par exemple, les artistes, nous sommes une profession relativement peu formée, voire non formée à cette question. Les personnels techniques des industries audiovisuelles et cinématographiques, grâce à l'action du CNC, bénéficient d'une situation plus favorable aujourd'hui. Toutefois, un tournage implique souvent une équipe nombreuse. Une des difficultés pour le spectacle vivant réside dans le fait que ce sont majoritairement des TPE. Ces entreprises n'ont pas de représentant du personnel, et le référent violence se déclenche avec le CSE. Or, ces entreprises fonctionnent souvent avec des intermittences et n'atteignent pas le volume nécessaire pour avoir un CSE. Il n'y a donc pas de CSE d'entreprise ni de référent.
Notre présence est parfois éphémère. Par exemple, dans le secteur des musiques actuelles, notre durée moyenne d'appartenance à l'entreprise est d'un jour, car nous venons pour un concert. Un gros festival peut rassembler une communauté de travail importante, mais chaque prestataire (sécurité, nourriture, etc.) et chaque producteur de spectacle programmé appartient à une entreprise différente. Même dans un contexte de travail avec beaucoup de monde, l'addition de toutes ces petites structures ne déclenche pas les mécanismes juridiques comme le CSE ou le référent violence. Dans l'audiovisuel et le cinéma, des CHSCT de branche ont été créés, permettant à des structures extérieures à l'entreprise d'agir utilement.
Les négociations avec les représentants des employeurs dans le spectacle vivant sont extrêmement difficiles. Depuis des années, ils nous refusent la mise en place d'un CHSCT, que nous souhaiterions interbranche en raison de l'imbrication entre le spectacle vivant public subventionné et le spectacle vivant privé. Il serait en effet inefficace de créer deux CHSCT distincts alors qu'un seul serait plus pertinent. Nous cherchons à faire preuve d'inventivité dans ces négociations. Par exemple, un courrier adressé au ministère du travail par les employeurs et les salariés est resté sans réponse depuis deux ans.
Concernant les institutions représentatives du personnel du CSE, la loi est rigide, rendant difficile la mise en place de telles institutions, même lorsque la volonté existe. Prenons l'exemple des orchestres constitués d'intermittents. En France, plusieurs orchestres emploient les mêmes artistes dans chaque pupitre depuis des années, voire des décennies. Cependant, ces artistes ne participent pas aux élections de représentants du personnel en raison de la nature morcelée de leur emploi, qui les empêche d'atteindre le seuil nécessaire pour se présenter. Cette situation ne concerne pas uniquement les violences sexuelles. Par exemple, dans un opéra, c'est souvent le syndicat qui apprend les incidents.
Il y a également la question des salariés protégés. Aucun intermittent n'est considéré comme un salarié protégé dans une entreprise. Un militant syndical élu dans un CSE bénéficie d'une certaine sécurité vis-à-vis de l'employeur. Pour les intermittents, ces protections n'existent pas. Nous souhaitons travailler sur des sujets tels que le CHSCT ou l'accès des intermittents à l'éligibilité dans les entreprises. Ces questions ont des conséquences directes sur les problèmes que nous évoquons devant votre commission.