Permettez-moi de clarifier plusieurs points soulevés par Mme la députée. En premier lieu, concernant les faits rapportés par l'article mentionné, je tiens à rappeler que Dominique Boutonnat a publié un droit de réponse les contestant formellement. Ensuite, je comprends que ma présence aujourd'hui pour représenter le CNC puisse susciter des interrogations. Cependant, il ne faut pas interpréter la composition de cette délégation comme une esquive de la part du président. Depuis plusieurs années, la répartition des tâches entre le président et moi-même fait que j'assiste systématiquement à ce type d'auditions, qu'il s'agisse de commissions d'enquête, de commissions permanentes ou de groupes de travail formés par la représentation nationale. La configuration actuelle n'a donc rien d'exceptionnel et ne traduit en aucune manière une dérobade de Dominique Boutonnat.
Abordons maintenant la question de fond. Comment traiter les éléments anonymes portés à notre connaissance ? Il est vrai que les contacts avec la cellule d'Audiens se font sous couvert de l'anonymat. Néanmoins, cette cellule a précisément pour mission de fournir des conseils sur les plans médical, psychologique et juridique. Les personnes anonymes qui sollicitent la cellule d'Audiens se voient exposer toutes les possibilités à leur disposition pour faire cesser ou réprimer ce qu'elles dénoncent. À ce stade, il leur est expliqué le rôle du CNC, de la justice, de la police, de l'inspection du travail, etc. Ainsi, chaque personne est informée des démarches possibles et des institutions compétentes pour répondre à ses préoccupations. Nous sommes bien d'accord sur le fonctionnement.
Si ensuite, après avoir pris connaissance de toutes ces informations, la personne décide de ne pas franchir le pas, alors nous retombons dans le cas de figure que j'évoquais. Le CNC se charge en réalité de mobiliser l'ensemble des leviers disponibles au sein de l'État judiciaire, de l'administration du travail et en rapport direct avec ses compétences, notamment la mise en œuvre de procédures pour retirer les aides attribuées à un tournage ou à une entreprise quelconque où le droit du travail, et en particulier l'obligation de prévention et de cessation des comportements sexistes et sexuels (VSS), n'est pas respecté.
C'est le point de départ de notre réflexion commune. Faut-il envisager dans le cinéma une autre entité, distincte de l'inspection du travail ou des services de police, pour mettre fin aux problèmes que nous abordons aujourd'hui ? Très honnêtement, je n'en suis pas convaincu. Notre conviction est que les axes de progression résident dans l'efficacité des actions du CNC concernant les aides et l'organisation du dialogue au sein de la filière, ainsi que dans les interventions de la police et de l'inspection du travail, chacun dans son domaine de compétence.
Ce qui remonte de la filière, c'est que l'approche de l'inspection du travail concernant le déroulement des tournages n'est pas satisfaisante. En effet, un tournage est une entreprise foraine et temporaire, ce qui le rend très particulier. Les processus et les services de l'inspection du travail éprouvent des difficultés à appréhender certaines spécificités. Plutôt que de concevoir une entité hybride entre la justice, l'inspection du travail et le CNC, il serait plus pertinent de doter les entités existantes de moyens spécifiques et de compétences diversifiées. Il est préférable que les organismes disposant déjà d'une base solide de compétences soient formés aux particularités du métier du cinéma. En réalité, c'est cette demande qui émane du secteur, et c'est également la réflexion que j'aurais tendance à suivre. L'inspection du travail n'est pas à l'aise avec les modes de fonctionnement des tournages. Cette observation s'applique également aux services de police dans le traitement des violences sexistes et sexuelles.
Le secteur du cinéma et de l'audiovisuel présente des particularités dues à la conjonction de nombreux facteurs. Les professionnels travaillent souvent de manière temporaire, loin de chez eux, et doivent parfois passer la nuit sur place. Ils évoluent dans un environnement où la frontière entre les moments de travail et les moments festifs est souvent floue. De plus, ce secteur dépend largement de la cooptation, en l'absence de cursus validés par des diplômes, rendant la réputation essentielle pour travailler. Cette multitude de particularités crée un risque spécifique dans notre domaine. Il est donc préférable que l'inspection du travail et les services de police soient formés pour appréhender ces spécificités, plutôt que de créer une entité administrative hybride entre le CNC, la police et l'inspection du travail.