Pour illustrer davantage, Ophélie Bau m'a consultée après avoir tourné son premier film avec Abdelatif Kechiche, intitulé Canto uno. Je suis allée voir le film et j'ai trouvé l'actrice absolument formidable. Je lui ai donc proposé de la représenter, ce dont elle était très contente. Ensuite, il a été question de tourner Canto due. À ce moment-là, Ophélie m'a informé que M. Kechiche avait demandé que les contrats du deuxième film ne passent pas par les agents que les acteurs avaient trouvés. Il souhaitait refaire les mêmes contrats que pour Canto uno. Je lui ai répondu : « Si tu veux, je peux contrôler ton contrat, mais si tu ne veux pas, ce n'est pas un problème. En tout cas, je ne prendrai pas de commission dessus. » J'ai alors commencé à travailler avec Ophélie. Elle est partie tourner et nous nous sommes vus environ deux fois. Pendant le tournage, je l'ai appelée et elle m'a assuré que tout allait bien. Le film a ensuite été sélectionné pour Cannes. À cette époque, la projection de presse avait lieu le matin et la projection publique le soir. Je n'avais pas lu le scénario, je n'avais aucun retour sur le tournage, je ne savais rien.
Deux personnes m'ont alors appelé depuis la salle de projection pour me demander si j'étais au courant de la scène de cunnilingus de treize minutes. J'étais stupéfaite et en colère. Je suis allée voir Ophélie et je lui ai demandé s'il n'y avait pas quelque chose qu'elle devait me dire. Je l'ai vue se fragiliser en deux minutes et demie. Elle m'a avoué que Kechiche ne lui avait pas permis de voir le montage. J'étais sidérée et très en colère. Je ne pouvais pas laisser une jeune actrice découvrir une telle scène dans la salle de Cannes. Pour moi, c'était inacceptable.
Il se trouve qu'elle avait un petit contrat avec un bijoutier et comptait sur cet argent. Je ne pouvais pas dire : « Tu ne montes pas les marches, je te mets à l'abri. » J'ai consulté Jérôme Seydoux, le producteur du film, et je lui ai expliqué : « Jérôme, il y a un problème, cette jeune fille a été complètement manipulée, certaines scènes lui sont inconnues. » Jérôme m'a immédiatement répondu : « Je vous comprends, Élisabeth, il n'y a aucun problème. » Elle a donc monté les marches, mais je l'ai fait passer sur le côté. Ce qui est intéressant, c'est qu'Abdelatif Kechiche ne s'est pas rendu compte de son absence à la projection. Je l'ai retrouvée en bas, nous avons passé un long moment ensemble où elle a pu s'exprimer, puis je l'ai mise dans une voiture pour qu'elle retourne à Montpellier, où elle résidait.
Par la suite, nous nous sommes revus plusieurs fois, et je lui ai vivement recommandé de consulter un psychologue. Cela a pris beaucoup de temps, et elle a été très mal pendant presque deux ans. J'ai eu une confrontation journalistique avec Abdelatif Kechiche, incluant des lettres ouvertes où il s'était engagé à montrer le film sans ces scènes si le film sortait. Un bruit a couru selon lequel le film pourrait être présenté à Cannes cette année, ce qui a de nouveau perturbé Ophélie Bau. J'ai donc vérifié que ce film ne serait pas projeté à Cannes. J'ai vérifié qu'il n'en était pas question, je l'ai rassurée. Aujourd'hui, Ophélie Bau est mère d'une petite fille en bonne santé, bien que toujours fragile à cause de cette histoire. Voilà comment j'ai traité ce cas.
Concernant Catherine Corsini, la situation est tout à fait différente. Catherine Corsini est effectivement ma cliente. Elle a réalisé un film avec une productrice qui, en plus, est sa compagne. Mon rôle dans ce projet est limité, même si je connais Catherine Corsini depuis très longtemps. Je ne suis pas impliqué dans les dossiers soumis à la Drieets, au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ou ailleurs. Catherine Corsini a été sévèrement sanctionnée. C'est une véritable sanction, pas une mesure légère. Je pense qu'elle ne réitérera pas. Catherine Corsini est connue pour son tempérament fort. Des acteurs adultes et majeurs, ayant déjà travaillé avec elle, souhaitent continuer à le faire en raison de son talent. Ils continueront de collaborer avec elle pour ses futurs projets. Pour les jeunes débutants, il est possible de leur dire qu'elle peut être parfois difficile, mais qu'elle est une bonne personne, ce qui est vrai. Sincèrement, ce n'est pas quelqu'un de méchant. Cependant, on ne peut empêcher un talent de vouloir travailler avec une réalisatrice. Cela rejoint ce que vous disiez plus tôt. Lorsqu'un talent est chez vous, il souhaite travailler.
En réponse aux questions sur les commissions, nous ne sommes pas des acharnés de la commission. Si je devais comptabiliser tous les contrats que j'ai refusés dans ma carrière, ils seraient plus nombreux que ceux que j'ai acceptés. Gérer une carrière implique une vision à long terme, et non une consommation immédiate dictée par le chiffre d'affaires ou les impératifs financiers mensuels. En tant que chef d'entreprise, vous avez la responsabilité de gérer une carrière. Si vous échouez, vous perdez vos talents, et cela se sait rapidement. Entre les talents, les informations circulent rapidement, et vous êtes sanctionnés pour ne pas avoir fait le bon choix ou aidé à le faire.
Par exemple, lorsque quelqu'un exprime le désir de tourner avec un réalisateur controversé comme Woody Allen, qui est interdit aux États-Unis mais a tourné en France, certains talents refusent catégoriquement, tandis que d'autres souhaitent travailler avec lui en raison de sa renommée. En tant qu'agent, vous ne pouvez pas imposer vos décisions, les talents ne sont pas sous tutelle. Ils exercent leur libre arbitre, surtout quand il s'agit d'acteurs majeurs. Personnellement, je n'ai plus voulu m'occuper de mineurs après une expérience unique avec une actrice mineure il y a très longtemps. Les talents prennent leurs décisions, et nous pouvons les orienter ou les conseiller, mais la décision finale leur appartient. Il arrive que des talents désirent collaborer avec certains acteurs ou réalisateurs, même si cela peut s'avérer complexe. Dans ces situations, ils fixent leurs propres limites, et nous rappelons les règles si le scénario semble trop compliqué. Aujourd'hui, nous avons des réponses très simples à ces questions.
Les scènes de sexe nécessitent la présence de coordinateurs d'intimité, dont l'importance est primordiale pour moi. Leur rôle est essentiel dans la relation entre le metteur en scène et les acteurs, car ils agissent comme une tierce personne qui s'interpose. Cela permet d'éviter des dérives ou des débordements. Un coordinateur d'intimité dicte précisément comment les scènes doivent être filmées, ce qui représente un soulagement pour de nombreuses scènes. Cet outil, que nous ne possédions pas il y a quelques années, est désormais indispensable.
Lors de la lecture d'un scénario, on peut identifier des tensions potentielles ou des situations inquiétantes. Les réalisateurs ont des méthodes de travail très variées. Par ailleurs, il ne faut pas négliger la question du harcèlement moral. Aujourd'hui, on pourrait qualifier les méthodes de Maurice Pialat de harcèlement moral. De nos jours, il est difficile pour un réalisateur de fonctionner de cette manière sans subir des sanctions immédiates. Les équipes peuvent décider de ne plus travailler avec un réalisateur et arrêter le tournage. Un exemple récent illustre cette situation hier soir, sur une série télévisée.