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Intervention de Élisabeth Tanner

Réunion du jeudi 6 juin 2024 à 9h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Élisabeth Tanner, présidente du syndicat français des agents artistiques et littéraires (SFAAL) :

Depuis quarante-quatre ans que j'exerce ce métier, je constate que les violences sexuelles et sexistes ont toujours existé et continuent malheureusement d'exister. Cependant, aujourd'hui, la parole se libère davantage. Les victimes sont prêtes à aller plus loin, mais il faut leur laisser le temps nécessaire. Ce que nous observons actuellement, c'est le délai entre la prise de parole et le dépôt éventuel de plainte, lorsque celle-ci est encore possible, car parfois il y a prescription. Il y a toujours un temps de maturation avant que les talents ne rapportent des dysfonctionnements avec un directeur de casting, un producteur ou un metteur en scène. On ne peut pas leur demander de réagir immédiatement en leur disant : « fais ceci ou cela ». Ce temps de maturation est essentiel pour qu'une prise de parole, qu'elle soit judiciaire ou journalistique, puisse se faire de manière adéquate. Chaque jour, nous découvrons encore des comportements inappropriés, ce qui est étonnant car nous devrions être plus vigilants. Malheureusement, dans chaque métier, il y a des individus qui se comportent mal. Aujourd'hui, on peut affirmer que tout le monde est beaucoup plus vigilant qu'auparavant.

En ce qui concerne les relations entre agents et talents, je n'ai pas eu de remontées négatives concernant les membres du SFAAL. Nous nous connaissons tous très bien depuis longtemps et je n'ai pas eu connaissance de dysfonctionnements où un talent aurait accusé son agent de l'avoir harcelé ou coincé dans un coin. Nous sommes au cœur de cette chaîne de pouvoir où l'on découvre qu'un talent a été malmené au cours d'un casting, ou qu'une situation s'est mal déroulée avec un metteur en scène. Parfois, quelqu'un revient plusieurs fois attendre devant la porte d'une chambre d'hôtel, ce qui est évidemment stressant et angoissant.

Ce genre de situations nous est rapporté, et c'est à nous de les traiter. Lorsque les personnes sont prêtes à s'exprimer, nous les orientons vers la cellule d'Audiens. Nous ne nous en débarrassons pas, je précise. Nous les orientons car nous savons qu'ils seront pris en charge par des avocats, des psychologues, etc., ce qui permet de résoudre définitivement le problème. Il est important de comprendre que nous entretenons des relations avec les talents et que nous sommes au centre d'un processus qui nous met en contact direct avec les castings, les producteurs, et parfois les réalisateurs. Soit ce sont nos talents, soit nous collaborons avec eux pour assurer leur emploi. Nous sommes donc au cœur de cette nébuleuse, qui n'est pas si nébuleuse que cela, mais plutôt claire, nous sommes des intermédiaires. Avec de nombreuses années d'expérience, nous avons autant de relations avec nos talents qu'avec l'extérieur, ce qui renforce la « puissance de l'agent ».

Il y a toujours eu et il y aura toujours des problèmes de cet ordre. C'est aussi une question de patriarcat. Lorsque j'étais agent, ce métier était majoritairement féminin, mais dans le secteur des producteurs, il n'y avait que quatre productrices. Aujourd'hui, leur nombre a considérablement augmenté. Cela ne signifie pas qu'elles se comporteront mieux que les hommes, mais il y a tout de même un changement de ton, même si ce n'est pas encore une parité totale. Une jeune génération arrive, bien plus informée sur ces questions, beaucoup plus combative, désireuse de rapports sécurisés et clairs. Cela modifie les équilibres. Plus nous travaillerons, plus notre métier deviendra sûr. Et lorsque ce ne sera pas le cas, les sanctions seront extrêmement sévères.

Nous disposons d'outils que nous n'avions pas auparavant. Premièrement, nous pouvons désormais décrypter certains comportements. Par exemple, il y a trente ans, je ne connaissais pas le terme « pervers narcissique ». Depuis une dizaine d'années, ces sujets sont abordés à la télévision, ce qui nous permet de mieux comprendre les méthodes de manipulation mentale. Deuxièmement, les travaux récents du SFAAL, en collaboration avec des associations comme l'Association d'acteur.ices féministe et anti-raciste (ADA), et le Collectif 50/50, ont été enrichissants. Mon expérience aux Césars nous a permis de beaucoup travailler sur les problèmes de violences sexuelles et sexistes. Aujourd'hui, tout le monde s'engage dans cette voie. Je suis donc très optimiste quant à l'avenir. Bien que je ne sois pas confiant sur tous les sujets, je pense que sur celui-ci, nous pouvons avoir un peu d'espoir.

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