Je souhaite réagir à la question de la formation dès le plus jeune âge que vous avez évoquée précédemment. En effet, cette initiative peut s'avérer intéressante, notamment pour lancer une discussion sur les rapports de domination. Toutefois, il ne faut pas oublier que, lorsqu'on s'adresse aux plus jeunes, on parle potentiellement déjà à des victimes. Cela signifie que, selon moi, il est essentiel de considérer cet aspect. Par exemple, au sein de l'association HF+, nous proposons des cours et des ateliers d'autodéfense dispensés par des formatrices qualifiées. Il est assez frappant de constater que ce sont les potentielles victimes, ou celles qui le sont déjà, qui apprennent à se défendre. Pour ce qui est des formations destinées aux plus jeunes, il me semble indispensable d'impliquer également les parents et la famille, comme nous en avons discuté. Les rapports de domination, dont les violences sexistes et sexuelles sont une conséquence directe, doivent être abordés de manière globale. Sinon, on risque de remettre la responsabilité entre les mains des victimes potentielles et des personnes dominées.
En ce qui concerne l'ouverture d'une formation sur les métiers du spectacle pour les lycéens, il est crucial de recentrer l'attention sur le savoir-faire. Ces métiers sont souvent perçus comme des métiers de paillettes, ce qui tend à minimiser la notion de compétence. Or, le savoir-faire confère une certaine autorité, c'est-à-dire qu'une expérience et des compétences avérées permettent d'accéder à des postes où l'on peut exercer une autorité sur les personnes qui nous entourent, sans pour autant confondre cette autorité avec la notion de pouvoir. Dès le plus jeune âge, il est essentiel de comprendre qu'une autorité peut être remise en question si une personne perd sa crédibilité, si elle ne travaille pas correctement, notamment en ne respectant pas ses collègues. Une autorité peut être contestée, alors qu'un pouvoir est quelque chose de diffus contre lequel on ne peut rien faire, dont on est forcément victime.
Pour aborder les moyens, je reprends ce qu'a dit Iris Brey. En tant que réalisatrice, elle a choisi d'allouer une partie de son budget à une coordinatrice d'intimité, plutôt que de tourner certaines séquences. C'est une logique similaire à celle des assurances. De nombreuses personnes nous disent : « Je ne vais pas parler parce que je vais compromettre le tournage et mettre au chômage toutes ces personnes. » Si les employeurs mettent en place des mesures pour évaluer et compenser les risques, et éviter les agressions, l'assurance doit pouvoir couvrir les annulations. Il y a une peur profonde de mettre ses collègues au chômage temporairement. Je fais partie d'une génération qui, pendant les quinze premières années de sa vie professionnelle, serre les dents, baisse la tête et avance, en se disant : « Ce n'est pas grave, dans deux semaines ou deux mois, ce sera fini ». Cette temporalité nous pousse à nous taire et à être des guerrières, des « warriors », comme on dit, et nous en étions même fiers car cela n'impactait pas les autres.