Concernant la parité dans les instances, il existe déjà des lois et des réglementations sur ce sujet. Je souhaite aborder spécifiquement le spectacle vivant, notamment le théâtre, qui est majoritairement financé par des fonds publics. La question de l'éga-conditionnalité, c'est-à-dire le fait de conditionner l'octroi de subventions à l'atteinte de certains objectifs de parité, montre des résultats positifs. Par exemple, le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ont mis en place des conditions pour l'attribution de subventions. Le CNM exige que les directions des structures bénéficiaires suivent une formation, même si celle-ci ne dure qu'une demi-journée. Dans le domaine du théâtre, où cette formation n'est pas obligatoire pour les scènes non labellisées, seulement 20 % des lieux organisent une formation. En revanche, dans le cinéma ou la musique, ce chiffre atteint 80 à 100 %. L'éga-conditionnalité fonctionne, et nous demandons depuis longtemps son application pour la parité sur scène. Il est possible de demander aux structures d'augmenter de 5, 10 ou 20 % la représentation des femmes dans leur programmation pour l'année suivante. Cela implique également une budgétisation sensible au genre. Nous avons été auditionnés par vos collègues en février 2023 sur cette question, et un rapport a été rédigé à ce sujet. À l'époque, M. Attal, alors ministre du budget, a affirmé son intention de mettre en place ces mesures. Il est essentiel que les gens se posent la question des indicateurs et des critères permettant de constater ces inégalités. Je tiens à insister sur ce point.
Ensuite, concernant les montants, le coût et les moyens, comme l'ont souligné Anne-Cécile Mailfert mais aussi Lucile Peytavin dans Le coût de la virilité, il est évident que la virilité représente des dizaines de milliards d'euros. En réalité, il est plus coûteux de ne pas agir, même au niveau social et sociétal, que de prendre des mesures. Dans le secteur du spectacle vivant, notamment le théâtre, nous sommes confrontés à de très petites entreprises. Je souhaite revenir sur les termes « entreprises, organisations et droits du travail ». Lorsqu'une entreprise de trois personnes doit désigner un référent égalité, un référent handicap et un référent transition écologique, cela est considéré comme un fardeau supplémentaire. Les professionnels de ce secteur expriment souvent leur désarroi : « Ce n'est pas notre rôle, comment pouvons-nous gérer cela ? Nous n'y arrivons plus. » Tant que ces responsabilités seront perçues comme des tâches additionnelles, qu'il s'agisse de la transition écologique ou des droits des femmes, et qu'elles ne seront pas intégrées au fonctionnement et au budget normaux, la situation restera complexe. En outre, il est difficile pour une petite équipe de désigner un référent sans créer de relations hiérarchiques ou affectives. La solution pourrait résider dans l'intervention d'une personne externe ou dans l'échange de référents entre structures. Il est crucial que chaque organisation dispose de référents, et certaines tentent déjà de mettre cela en place, ou envisagent de mutualiser leurs référents. Ces démarches sont tout à fait envisageables. Il est également important de souligner l'accompagnement des victimes.
La cellule Audiens, qui assure une écoute, un soutien psychologique et un accompagnement juridique, fonctionne dans ce cadre. Nous constatons que le fonctionnement des alliés en région, notamment au niveau local et en face-à-face, permet d'écouter non seulement des victimes, mais aussi des témoins et des personnes impliquées dans des organisations qui ne savent pas toujours comment agir. Il est essentiel de les soutenir, d'autant plus que ces associations sont majoritairement composées de bénévoles, et que le bénévolat s'épuise, surtout lorsque la réponse juridique est à 95 % une non-réponse. Il est donc nécessaire de soutenir ces structures qui possèdent un savoir-faire et des compétences, dans le domaine de la formation et de la capacité de travail.
Par ailleurs, la question du droit du travail est primordiale. Il faut fournir aux employeurs les moyens d'assurer leurs obligations en matière de droit du travail. Les enquêtes internes sont cruciales, particulièrement dans le secteur du spectacle vivant, où agresseurs et agressés peuvent avoir des employeurs différents. Sur un même plateau de théâtre, il peut y avoir une compagnie de théâtre, des employés du lieu, et plusieurs employeurs différents. Il est impératif d'assurer une réactivité rapide, notamment en suspendant la personne incriminée durant l'enquête interne. Les employeurs doivent comprendre la différence entre droit pénal et droit du travail. Souvent, ils se réfugient derrière le droit pénal en affirmant qu'ils ne peuvent rien faire en l'absence de plainte. En réalité, en tant qu'employeurs, ils ont la responsabilité de protéger, de prévenir et d'assurer la sécurité des personnes concernées. Il est essentiel de souligner que les petites structures du spectacle vivant n'ont souvent pas les ressources nécessaires pour mener des enquêtes internes. Pourtant, des procédures existent et doivent impérativement être largement diffusées.
Il est crucial de développer des clauses contractuelles entre producteurs, diffuseurs et organisateurs, permettant de suspendre ou déprogrammer un spectacle, ou de suspendre une personne, sans que cela ait des répercussions trop lourdes. Lorsqu'une personne se casse la jambe, surtout si elle joue un rôle principal, on prend des mesures immédiates. De la même manière, il est indispensable de traiter les violences sexuelles comme de véritables risques, portant atteinte à l'intégrité physique et mentale des individus. Malheureusement, ces violences sont souvent perçues différemment, comme si elles n'étaient pas aussi graves. Les coordinatrices d'intimité ont d'ailleurs établi un parallèle avec les cascades. On accorde une grande attention aux blessures physiques, mais les agressions sexuelles sont minimisées, probablement en raison de notre société patriarcale. Il est donc fondamental de former les employeurs, non seulement sur la nature des agressions sexuelles, mais aussi sur leurs responsabilités en tant qu'employeurs.