Sur mon cas personnel, j'ai bien sûr alerté Patrick Le Lay. À l'époque, je dirigeais une filiale du groupe TF1 et du groupe M6, puisqu'il s'agissait d'une filiale commune à ces deux entités. Je dois dire que je n'étais pas dans la cible des victimes de PPDA. D'abord, j'étais beaucoup plus âgée que celles qui ont dénoncé par la suite ce qui s'était passé. En réalité, je ne comprends pas bien les raisons de cette agression, si ce n'est que je pense que chez ces hommes, rien ne les arrête. Comme je l'ai mentionné précédemment, il y a un côté hors-sol. On se trouve dans une situation de pouvoir absolu. Pendant des années, personne ne leur a jamais dit que ce qu'ils faisaient était intolérable et inacceptable. Au contraire, on a toujours valorisé cette attitude en la considérant comme une forme de séduction. C'est assez schizophrène, j'imagine, car je ne suis pas dans leur tête, de s'entendre dire que l'on est à la fois un agresseur et séduisant, et que toutes les femmes souhaitent avoir une relation avec vous, tout en étant accusé d'agression. D'ailleurs, si vous avez écouté « Quotidien », il exprime très bien cela. Il dit à un moment donné : « Je n'ai jamais eu une relation sexuelle avec une femme qui m'aurait dit non. » C'est comme s'il avait donné l'autorisation aux femmes d'avoir une relation avec lui. Vous voyez, il y a une inversion à la fois de la séduction et de la culpabilité qui est complètement psychanalytique, quelque part. Comme je ne suis pas psychanalyste, je laisserai aux spécialistes le soin d'analyser cette personnalité en détail.
Je crois que ce que j'ai dit précédemment est assez similaire dans l'affaire Miller, dans l'affaire Cauet, et dans toutes ces affaires. Si vous les examinez toutes, il y a toujours une similitude. Il y a une similitude de pouvoir, de toute-puissance, d'un entourage qui ne vous contredit pas, qui accompagne et qui considère que les actes commis sont mineurs. On peut parler d'hommes, mais l'agresseur se retrouve dans des situations de toute-puissance absolue.
Quant à votre deuxième question, s'il y avait d'autres personnes qui étaient au courant, en plus de Patrick Lelay, je pense que personne, honnêtement, n'était au courant des viols. Personne n'a imaginé que dans ce bureau, il pouvait y avoir des agressions allant jusqu'aux viols. Nous avons plus de treize plaintes pour viols. Cinquante femmes ont témoigné devant la justice aujourd'hui dans cette affaire. Nous comptons environ quatre-vingts témoignages, c'est-à-dire que cinquante femmes ont rencontré des enquêteurs et ont témoigné. La majorité d'entre elles ont porté plainte, tandis que d'autres n'ont pas franchi ce pas.
Cependant, personne dans cette entreprise ne s'est interrogé sur le fait que, tous les soirs, après le journal télévisé, à vingt et une heure, au moment où il n'y avait plus personne dans la rédaction située au premier étage, il y avait un seul bureau fermé où se produisaient ces actes. Personne ne s'est posé cette question, et même la sécurité, dans « Complément d'enquête », a affirmé que ces femmes ne sortaient pas en pleurant, elles ne venaient pas la voir et elles n'ont pas manifesté le fait qu'elles avaient été agressées, donc personne ne s'en est mêlé. Dans cette affaire particulière, il y a eu une acceptation d'une situation complètement intolérable. Une entreprise doit assurer la protection non seulement de ses salariés, mais aussi de toute personne présente dans ses locaux. Les conditions de sécurité n'ont pas été respectées, et pire encore, elles n'ont même pas été remises en question. Est-ce qu'aujourd'hui, cela pourrait se reproduire de la même façon ? J'espère que non.