Je vais vous présenter le mouvement HF+, qui a ajouté un « plus » à son nom il y a presque un an pour inclure les personnes non binaires et toutes les formes de domination subies par diverses catégories de personnes. Ce mouvement est né suite à un rapport rédigé par une inspectrice du ministère de la culture, Reine Prat, en 2006. Ce rapport a été fondateur dans la prise de conscience des énormes inégalités dans notre secteur. Il a révélé que 80 à 90 % des théâtres et des lieux de spectacle étaient dirigés par des hommes, que 80 à 90 % des spectacles étaient réalisés par des hommes, et que les budgets étaient très inégalement répartis. À théâtre égal, les budgets pour les femmes étaient inférieurs de 30 %. Ce rapport a mis en lumière l'énorme inégalité de la situation et les difficultés rencontrées par les femmes dans ce secteur.
C'est à cette époque, il y a plus de quinze ans, que les premiers collectifs se sont formés en région. Le dernier collectif a été créé l'année dernière, et la Fédération du mouvement HF réunit désormais onze collectifs régionaux. Depuis cette époque, nous militons pour l'égalité dans les arts et la culture, notamment dans le secteur du spectacle vivant, mais aussi dans l'audiovisuel, le livre, les arts visuels, les musées, etc.
Nos premières actions se sont organisées autour de trois axes, que nous continuons à suivre depuis quinze ans. Le premier axe consiste à mettre en lumière les inégalités. Pour cela, plusieurs collectifs continuent régulièrement à produire des données chiffrées sur la situation et la place des femmes et des personnes minorisées de genre dans leur région. Le deuxième axe vise à décrypter et à comprendre les raisons de ces inégalités, ainsi que les mécanismes qui les perpétuent. Enfin, un axe fort a toujours été de travailler avec les collectivités pour impulser des politiques en faveur de l'égalité, notamment sur les questions de l'éga-conditionnalité, ces dernières années.
Notre objectif est d'assurer une meilleure représentativité des femmes dans le secteur du spectacle, notamment dans les postes à responsabilité. Il est essentiel que l'économie de ce secteur, largement public, soit équitablement répartie entre les femmes et les hommes. Nous devons également intégrer le matrimoine dans notre culture collective, afin que l'héritage culturel des mères soit aussi valorisé que celui des pères. Il est primordial que l'histoire de l'art ne soit pas uniquement racontée par les hommes et que notre vision du monde ne soit pas exclusivement masculine. Pour nous, agir pour l'égalité réelle est fondamental, mais il est tout aussi important de travailler sur les représentations, surtout dans le domaine de la culture, qui joue un rôle symbolique majeur dans notre perception du monde.
Depuis 2017, et avec l'émergence du mouvement # MeToo, notre secteur a été profondément bouleversé. Nous recevons de nombreuses sollicitations pour des conseils, des accompagnements et des témoignages, car les violences sexistes et sexuelles y sont particulièrement répandues. En réponse à cette situation, nous avons lancé une initiative appelée « Alliées » dans deux régions. Il s'agit de permanences d'écoute pour les personnes qui souhaitent partager leurs expériences, obtenir des conseils et poser des questions. Nous nous efforçons de changer les mentalités et les perceptions du monde. Cela fait quinze ans que nous réfléchissons et agissons dans ce sens, et nous continuons à nous remettre en question en fonction des évolutions et des événements.
Avec le mouvement # MeToo, les questions de violences sexistes et sexuelles ont pris une importance prégnante, non seulement en raison des souffrances subies par les individus, mais aussi à travers la relecture des stéréotypes et des menaces d'exclusion. Nous tentons d'aborder ces problématiques de manière globale, en combinant protection et changement des mentalités. Dans un secteur dominé par les hommes, tant numériquement que symboliquement et économiquement, il est extrêmement difficile pour les femmes et les personnes minorisées de genre de trouver leur légitimité. C'est pourquoi nous pensons qu'il est essentiel de travailler sur la parité dans les postes à responsabilité dans les spectacles. Pour cela, l'éga-conditionnalité et les budgets sensibles aux genres sont des outils très utiles. Nous croyons fermement en la diversification des récits, ce qui explique notre engagement sur les questions du matrimoine et du « female gaze », dont vous avez entendu parler ici même.
Il est également impératif de renforcer les réponses juridiques et réglementaires face aux violences sexistes et sexuelles. Cependant, il s'agit aussi de questions de formation, car il est nécessaire de faire évoluer les mentalités, les pratiques et les savoir-faire. Cela concerne aussi bien les enseignements artistiques supérieurs, souvent catastrophiques en matière de violences et d'exclusion des femmes de carrière, que les structures culturelles et les institutions.