Tout d'abord, je tiens à préciser que nous ne cherchons pas à imposer un changement de modèle alimentaire. Nous versons des réflexions au débat public. Dans ce cadre, il nous apparaît qu'une évolution des régimes alimentaires est essentielle pour assurer notre sécurité alimentaire à long terme tout en intégrant les enjeux de santé et de préservation de l'eau. Encore une fois, nous ne cherchons pas à imposer un quelconque changement de modèle, mais nous souhaitons que cette question fasse l'objet de délibérations démocratiques et soit planifiée dans le cadre d'une gouvernance inclusive.
Vous taxez notre position de militante. Je dirais plutôt qu'elle reflète une certaine vision du sujet, reposant sur des éléments scientifiques solides, incluant des données expérimentales, des modélisations et des retours d'expérience des praticiens de terrain. Je vous renvoie, à cet égard, aux publications de l'INRAE, mais aussi aux travaux de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) dans le domaine de la santé publique, ainsi qu'aux scénarios que j'ai cités, notamment les scénarios TYFA et Afterres2050.
Vous avez affirmé que les engrais chimiques étaient moins chers que les engrais organiques. La crise en Ukraine a entraîné une hausse extrêmement forte du prix des engrais azotés importés, de l'ordre – je n'ai pas les chiffres exacts à disposition – d'au moins 100 %, voire 200 %. Cela représente un coût considérable. Le diaporama d'étape diffusé sur le bilan des conférences des parties (COP) régionales indique que, pour les grandes cultures, le coût des fertilisants azotés de synthèse s'élève à environ 250 euros par hectare. Cela représente environ deux fois le paiement de base de la PAC. En d'autres termes, nous envoyons deux fois le paiement de base de la PAC dans des pays extérieurs à l'Union européenne pour acheter des engrais. Et vous n'êtes pas sans savoir qu'il convient de prendre en compte une dimension géopolitique dans nos approvisionnements, non seulement pour les engrais azotés mais aussi pour la potasse.
À l'inverse, les engrais organiques, bien que nécessitant des efforts significatifs de reconception des systèmes agricoles, permettent d'espérer une meilleure circularité à l'échelle des territoires, notamment grâce à des rotations incluant davantage de légumineuses, dont la valorisation soulève des enjeux importants pour les filières. Il est également possible de mieux articuler élevage et culture, un chantier considérable compte tenu de la spécialisation géographique de l'élevage en France. À cet égard, nous pensons, et nous ne sommes pas les seuls, qu'une meilleure répartition de l'élevage sur les territoires serait bénéfique. Cela nécessite une planification sur plusieurs années, en incluant les outils de transformation des produits de l'élevage tels que les abattoirs ou les outils de transformation du lait.
Vous nous demandez si un modèle agroécologique serait en mesure de répondre aux besoins des populations, en France comme ailleurs, et s'il existe une adéquation entre l'offre et la demande. À cette question, plusieurs scénarios, tels que les scénarios TYFA et Afterres2050, répondent positivement, à la faveur d'une analyse fine des questions de fertilité.
Quant aux enjeux économiques, nous les avons abordés précédemment en parlant du soutien aux revenus des agriculteurs, de la réorientation de la politique agricole commune, ainsi que des mesures miroirs et du réexamen de la rédaction de la partie agricole et alimentaire des accords de libre-échange.