Je précise que je n'interviens pas au titre de mes fonctions professionnelles mais bien dans le cadre du Lierre. La notion de souveraineté alimentaire est essentielle pour envisager un système alimentaire résilient et durable, tant du point de vue économique et social qu'écologique. Cependant, cette notion doit être clairement définie. Nous la comprenons comme la capacité d'un État à instaurer un système alimentaire qui assure de manière pérenne et en toutes circonstances la couverture des besoins alimentaires de la population, tout en garantissant le contrôle démocratique par la population des choix opérés.
La première dimension de cette définition, qui implique d'assurer la disponibilité des denrées pour couvrir les besoins, requiert des évolutions significatives. Elle nécessite des choix démocratiques et une planification. Cette dimension englobe deux grandes problématiques. La première est celle de la garantie d'une forme de résilience face aux chocs géopolitiques et économiques, notamment en réduisant la dépendance aux intrants importés depuis l'extérieur de l'Union européenne. La seconde suppose de prendre en compte les contraintes biologiques et physiques qui limitent notre capacité de production à court et long terme, en particulier les changements climatiques et les impacts négatifs de systèmes intensifs en intrants ou autres pratiques.
Selon nous, trois grands leviers permettent d'assurer la couverture des besoins alimentaires. Le premier consiste à généraliser les systèmes agroécologiques, qui améliorent la résilience aux crises, maintiennent une capacité de production à long terme, préservent la qualité de l'eau et favorisent la santé. Le deuxième levier suppose de s'assurer qu'un nombre suffisant d'agriculteurs dispose d'un accès satisfaisant aux terres agricoles. Nous savons que la situation économique est difficile pour une part significative des agriculteurs et qu'il est nécessaire de réparer cette injustice en sécurisant des revenus agricoles suffisants. Notre souveraineté alimentaire et agroécologique, nous insistons sur ce point, ne se réalisera pas contre les agriculteurs, mais bien avec eux et pour eux. Le troisième levier consiste à mieux et davantage prendre en compte les limites physiques de notre capacité de production, particulièrement en raison du changement climatique. Si nous souhaitons relocaliser certaines productions stratégiques, nous devons nous interroger sur notre capacité à maintenir les exportations dans leur volume et leur composition actuels. Il est également pertinent de réfléchir à notre consommation, notamment celle des produits animaux. Nous pourrions envisager une réduction de cette consommation, ce qui impliquerait d'abord une diminution des importations, puis une réflexion plus générale sur l'élevage.
La deuxième dimension de la souveraineté alimentaire est la gouvernance, qui doit inclure tous les acteurs pertinents du système agricole et alimentaire. La troisième dimension concerne l'équité. Une partie significative de la population se trouve actuellement en situation de précarité alimentaire. Nous ne pouvons prétendre à la souveraineté alimentaire sans résoudre ce problème.