Le mensuel professionnel Linéaires publie chaque année, à l'automne, une enquête sur la rentabilité des distributeurs indépendants, tels que Leclerc, Intermarché, Coopérative U et les franchisés de Carrefour. Il se base sur les bilans des entreprises.
En 2023, le résultat net moyen de la profession était de 1,54 %. Celui de Hyper U, qui est plongé dans la compétition, était de 0,74 %, contre 1,94 % pour Super U et 3,02 % pour U Express, mais pour des chiffres d'affaires inférieurs. Le résultat net de Leclerc était de 2,21 %, celui d'Intermarché Super de 1,98 % et celui d'Intermarché Hyper de 1,68 %.
Notre métier est d'abord de mener un travail de péréquation. Sur certains produits, tels que les boissons Coca-Cola, qui sont très demandées, nous ne réalisons aucune marge. Celle que nous réalisons sur les produits non alimentaires est faible. Dans mon magasin, les produits non alimentaires représentent 12 % du chiffre d'affaires. Ce secteur est en perte de vitesse, car les clients arbitrent à son détriment. Son utilité en matière de péréquation est donc faible.
Celle-ci est essentiellement réalisée sur les produits alimentaires, dont certains offrent une marge et d'autres non. Lorsque la majoration de 10 % du seuil de revente à perte (SRP), dite SRP+10, a été introduite, nous avons maintenu le dispositif consistant à vendre à prix coûtant quatre fruits et légumes d'origine française différents chaque semaine, pour maintenir l'accès des Français à ces produits. Notre travail de péréquation et l'application du dispositif SRP+10 à d'autres produits nous ont permis de parvenir à de nouveaux équilibres.
Le revenu agricole n'était plus un problème. Chaque année, je fais le tour des syndicats agricoles. En février 2023, ils étaient davantage préoccupés par les normes que par leur revenu. Le choc inflationniste a alourdi leurs charges en majorant le prix du carburant, de l'électricité et des engrais, sans que tous ne puissent répercuter cette hausse des coûts sur les prix. Ils ont été piégés. Auparavant, leur revenu s'améliorait. Les lois Egalim ont eu un impact positif, de leur propre aveu.
Au printemps 2022, le ministre de l'économie et des finances a demandé aux distributeurs et aux industriels, immédiatement après la clôture des négociations pour l'année 2022, de revenir autour de la table pour discuter à nouveau des prix en tenant compte du choc inflationniste. Tous ont accepté, ce qui a contribué à contenir la hausse des prix dans la limite de 16 % en deux ans. En 2023, lorsqu'il s'est agi de tenir compte de la nouvelle réalité et de certaines baisses de prix, le ministre a formulé la même demande. Les distributeurs ont répondu présent, mais il n'y avait plus aucun industriel autour de la table. C'est alors, me semble-t-il, que les clauses de révision destinées à amortir le choc subi par les agriculteurs n'ont pas fonctionné, ce qui a provoqué la crise de la fin de l'année dernière et du début de celle-ci.